Les jeunes à la conquête des partis politiques

En France, seuls 3% des jeunes de 18 à 24 ans sont encartés dans un parti politique. Comment des vocations peuvent-elles naître alors que les partis politiques connaissent un discrédit ? Rencontre avec des jeunes parisiens, ambitieux et loin d’être de simples machines à tracter.

Par Esther Michon et Camille KauffmannLes jeunes à la conquête des partis politiques

Les stratégies des “Jeunes Ecolos” pour attirer la jeunesse

“Les Jeunes écolos” fonctionne un peu comme une ONG qui essaie de convaincre la jeunesse à la transition écologique” explique Théo Garcia-Badin, co-secrétaire fédéral Jeunes Écolos, le parti jeune d’Europe-Ecologie-les-Verts. Les actions militantes vont du simple tractage et affichage à des actions plus sensationnelles : les actions de “light-off” où les jeunes militants éteignent les lumières des magasins la nuit, grâce à un boîtier extérieur, ou encore des “Plastic attack” pour dénoncer la sur-consommation de plastique.

Deux Jeunes Ecolos dans leur local à Paris.

« On joue sur la mise en scène et le côté fun » explique-t-il. Pour inciter les jeunes à militer, ils organisent des formations en ligne une fois par semaine. Facebook et Twitter ayant été délaissés par la nouvelle génération, la communication du parti bat son plein sur Instagram où il publie des visuels ludiques et des slogans accrocheurs tels que « nique pas ta mer ».

Camille Kauffmann et Esther Michon

« Cette inexpérience, c’est tout le sens d’Allons Enfants »

Trois questions à Pierre Cazeneuve, 24 ans, le fondateur d’« Allons Enfants » (AE), un parti composé de jeunes de 18 à 30 ans qui se présente aux élections européennes. Europhiles et écologistes, ils veulent redorer l’image du jeune en politique.

Pierre Cazeneuve, 21 ans, a fondé en 2014 le parti « Allons Enfants », composé de militants de 18 à 30 ans.

Pourquoi avoir créé un parti de jeunes en 2014 ?

Pierre Cazeneuve : J’étais à Sciences Po à l’époque et vivais à Saint Cloud. J’étais dépité par le manque d’activité de la ville et un conseil municipal rempli de vieux croûtons. La seule solution : créer un parti, faire rentrer des jeunes dans le conseil municipal et redynamiser la ville. J’ai été élu à 19 ans. Puis, face au désintérêt et l’abstention des jeunes, et la montée du FN, on a transformé AE en une structure nationale.

Souhaitez vous faire de la politique votre métier?

P.C : Aujourd’hui je n’ai plus de rôle dans le parti. Ici, on ne peut pas faire plus de deux mandats en tant que président. Il faut savoir partir. C’est dans l’ADN d’Allons Enfants de ne pas s’accrocher à son poste.

Est-ce un choix stratégique pour se faire une place en politique ?

P.C : « Allons Enfants », c’est le pire choix pour quelqu’un qui veut faire de la politique. A l’échelle nationale, on va prendre un tollé aux élections. C’est le plaisir de ne pas déléguer sa représentation par défaut. Ce qu’on va chercher avec un élu c’est qu’il défende des positions, qu’ils aient des idées. Cette inexpérience c’est tout le sens d’AE.

Esther Michon et Camille Kauffmann

Anti-PMA : un air de déjà-vu

Alors que la procréation médicalement assistée pour toutes avait été promis par le candidat Macron, le Comité d’éthique a rendu fin septembre un avis favorable à son extension. Ses opposants, issus de la Manif pour tous, semblent vouloir reprendre le combat là où ils l’avaient laissé en 2013, après l’adoption du mariage pour tous.

Des sympathisants de la Manif pour Tous se rassemblent contre l'ouverture de la PMA.
Des sympathisants de la Manif pour Tous se rassemblent contre l’ouverture de la PMA / wp-caption

Le 25 septembre dernier, la Manif pour tous avait donné rendez-vous à ses sympathisants devant le siège du Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Le comité venait de rendre le 18 septembre un avis favorable à l’extension de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes, ainsi qu’aux femmes seules, et une centaine d’opposants comptaient bien faire entendre leurs voix. « Nous sommes de retour », avertissait alors une manifestante à nos confrères de Libération.

Mais que penser du retour en scène des sympathisants de la Manif pour tous, cinq ans après leur échec contre la loi Taubira ? Et si les opposants au mariage pour tous profitaient du climat actuel pour rejouer le match perdu de 2013 ?

Un engagement de campagne

« On demande simplement le consensus, c’est ce qu’avait promis Macron », soupire Héloïse Pamart, responsable presse de la Manif pour tous, faisant référence à la volonté du président d’instaurer un débat « apaisé » parmi les Français.es. Sans surprise, le discours diffère chez SOS Homophobie, où l’on martèle que l’ouverture de la PMA aux couples de femmes était « un engagement de la part du Président de la République et de tout le gouvernement. »

En effet, le candidat Macron s’était prononcé en ce sens. Sur son site de campagne, on pouvait lire la chose suivante : « Nous sommes favorables à l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) pour les femmes seules et les couples de femmes. Il n’y a pas de justification juridique pour que la PMA ne leur soit pas ouverte.  »

Mariage et PMA, même combat ?

Héloïse Pamart le répète à qui veut l’entendre, l’extension de la PMA était prévisible après la légalisation du mariage pour tous : « Depuis 2013, on dit que c’est la conséquence de la loi Taubira et que bientôt, il sera question de la GPA. » En revanche, il ne serait pas ici question de prendre leur revanche sur la bataille perdue de 2013, mais bien de « défendre l’intérêt supérieur de l’enfant ».

Cet intérêt de l’enfant, les sympathisants de la Manif pour tous l’opposent de façon régulière au « droit à l’enfant », brandi, lui, par les pro-PMA. Sur le site de la Manif pour tous, on peut d’ailleurs lire : « Le droit à l’enfant n’existe pas, ni pour les couples homme/femme, ni pour les couples composés de deux personnes de même sexe, ni pour les célibataires. Personne ne peut revendiquer le droit à avoir un enfant au prétexte qu’il désire avoir un enfant. » Car selon les adhérents de la Manif pour tous, l’enfant né de PMA  ne peut pas grandir heureux et épanoui en l’absence de figure paternelle. Ils avaient d’ailleurs lancé le hashtag #PMASanspère, en réponse au « PMA pour tou-te-s » des fervents défenseurs d’une évolution de la loi.

Un « enjeu d’égalité »

Selon SOS Homophobie, la lutte actuelle pour la PMA ne doit pas être associée en permanence à celle du mariage pour tous :  « C’est un vrai combat, aujourd’hui la PMA est réservée aux couples hétérosexuels et l’ouvrir aux couples de même sexe est un véritable enjeu d’égalité. » Et pour le porte-parole de l’association pro-PMA, pas question de se laisser intimider par Ludivine de La Rochère et sa Manif pour tous : « Ce qui compte, ce n’est pas les gens qui s’opposent et descendent dans la rue, ils en ont parfaitement le droit, mais de lutter contre les propos homophobes que certains d’entre eux adressent aux familles homo-parentales. »

Après l’avis favorable du CCNE, un projet de loi devrait être discuté au parlement début 2019.

Caroline Quevrain