Macron mise sur Lecornu pour tenter de ramener la stabilité politique

Après la chute de François Bayrou, emporté par une motion de censure sur son plan d’économie, Emmanuel Macron a nommé Sébastien Lecornu, 39 ans, comme nouveau Premier ministre. Mais dans un Parlement fragmenté, sans majorité claire et avec une rue mobilisée, la question centrale reste entière : comment sortir de cette instabilité politique ?

 

Le président Emmanuel Macron observe le ministre français des Armées Sébastien Lecornu signer un accord au palais Merdeka à Jakarta, le 28 mai 2025. © Ludovic MARIN / AFP

Ancien ministre des Armées, Sébastien Lecornu est reconnu pour sa loyauté et sa capacité à gérer des situations complexes. Sa nomination intervient après plusieurs remaniements ministériels en moins de deux ans, signe de l’instabilité persistante. Le nouveau premier ministre doit désormais négocier avec des partis aux positions divergentes et maintenir le dialogue avec une opinion publique mobilisée.

Un gouvernement en quête de stabilité

Dans ce contexte, chaque décision du nouveau Premier ministre sera scrutée comme un test de sa capacité à instaurer un climat de confiance. Pour Benjamin Morel, politologue et constitutionnaliste, la tâche s’annonce délicate : « Sébastien Lecornu est nommé dans un moment où aucun schéma institutionnel ne fonctionne pleinement ».  Le politologue souligne également le rôle central du budget 2026, « l’adoption du budget sera déterminante. C’est ce vote qui permettra de mesurer la capacité de Lecornu à gérer à la fois des tensions parlementaires et les attentes de la société ».

Cette analyse rejoint celle de Jean-Yves Camus, politologue et spécialiste de l’extrême droite, qui insiste sur la difficulté de créer une majorité de travail dans ce contexte. « La situation de blocage va perdurer sauf si le nouveau Premier ministre, et par conséquent le Président de la République, fasse un pas vers les oppositions. Je ne vois pas comment le gouvernement peut s’en sortir autrement.»

Depuis la dissolution, l’Assemblée nationale est profondément fragmentée. Trois blocs dominent l’hémicycle : le Nouveau Front populaire (182 sièges), le camp présidentiel et ses alliés (environ 160 sièges) et le Rassemblement national (125 sièges). Aucun ne dispose de la majorité absolue, fixée à 289 députés. Cette fragmentation inédite rend toute coalition instable. Dans ce contexte, Sébastien Lecornu n’a pas de calendrier imposé pour composer son gouvernement, cependant la session parlementaire ordinaire s’ouvre le 1er octobre : il lui faudra alors être en ordre de marche pour affronter une Assemblée quasi ingouvernable.

La rue comme acteur politique

La mobilisation sociale reste un facteur central dans cette période de transition. Le mouvement « Bloquons tout », rappelle au gouvernement que la contestation citoyenne pourrait peser sur les décisions à venir. Jean-Yves Camus estime que cette période risque de durer : « On est parti pour une période de situation politique chaotique jusqu’en 2027, et j’exclus totalement une potentielle démission du Président de la République ».

Pour lui, la composition du gouvernement et les arbitrages ministériels seront essentiels pour mesurer la marge de manœuvre de Lecornu : « La Ve République a été conçue pour éviter les crises répétitives de la IVe République, mais nous assistons depuis quelques années à une accélération du retour à l’instabilité politique ». Il ajoute : « Si le nouveau gouvernement ne change pas profondément de cap, il y a peu de chances que les attitudes des partis évoluent, que ce soit LFI, le PS ou le RN. »

La nomination de Sébastien Lecornu ouvre une nouvelle étape dans la tentative de stabiliser la vie politique française. Reste à voir si le gouvernement à venir parviendra à négocier avec le Parlement et à répondre aux attentes de la société.

                                                                                                                 Ava Ouaknine 

Bruno Le Maire appelle à ne pas « revenir en arrière » en matière d’impôts en partant de Bercy

Le ministre démissionnaire de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a plaidé jeudi pour que la France ne revienne « pas en arrière » en matière de redressement des finances publiques et de baisses d’impôts, dans un discours dressant le bilan de son septennat à Bercy.

L’heure du bilan pour Bruno Le Maire. Le ministre démissionnaire de l’Economie et des Finances quitte Bercy ce jeudi. Dans un discours de remerciements, il lance ses préconisations pour son successeur qui doit encore être nommé dans le gouvernement du nouveau Premier ministre Michel Barnier. Le locataire de Bercy a déjà confirmé ne pas vouloir faire partie du futur gouvernement.

« La France ne doit pas revenir en arrière sur le rétablissement de ses comptes publics. Elle doit continuer de se fixer pour objectif de revenir sous les 3% de déficit (public) en 2027 » par rapport au PIB, déclare le ministre devant des centaines d’invités à Bercy. « La France ne doit pas revenir en arrière non plus sur les impôts », baissés à hauteur de 55 milliards d’euros depuis 2017, ajoute-t-il.

« Redonner l’espoir salarial aux Français »

Le ministre démissionnaire a également dit partager les inquiétudes de Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), sur le décrochage de l’économie européenne par rapport à celle américaine. « Il est temps de réagir, vite et fort », martèle-t-il. Le prochain enjeu, selon l’homme politique français, sera également de « redonner l’espoir salarial aux Français ».

« Demain je retournerai donc à ma première vocation : l’enseignement », conclut Bruno Le Maire, assurant être « heureux de reprendre le chemin des cours, cette fois sur les sujets économiques et géopolitiques », lui qui était auparavant professeur de lettres.

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