À Paris, la gare du Nord a été l’un des principaux foyers de mobilisation ce mardi, dans le cadre de la journée d’action du collectif « Bloquons tout ». Plusieurs milliers de partisans du mouvement ont convergé vers le bâtiment et tenté d’y entrer.
Difficile de rentrer dans la gare du Nord, à Paris ce matin : faute de pouvoir y accéder, la foule compacte converge devant l’édifice, tandis que des CRS sont postés à chaque entrée. En entendant les exclamations qui s’en dégagent, on comprend rapidement que le lieu est devenu un point de ralliement anti -macroniste pour dénoncer les mesures budgétaires adoptées sous l’égide du président. La jeunesse, représentée en nombre, scande des slogans devenus fameux par leur caractère politique : « siamo tutti antifascisti » (nous sommes tous anti-fascistes), et « Même si Macron ne le veut pas nous on est là ». Dans l’air, des devises telles que « le peuple se soulève », flottent comme des étendards. À contre-courant, les voyageurs souhaitant rejoindre leurs trains sont compressés, l’accès se faisant au compte-gouttes.
La jeunesse en première ligne
L’appel à manifester émanait de la SNCF, mais vers 11h, ce sont en majorité des étudiants ou jeunes travailleurs qui ont conflué vers la gare, après des tentatives de blocages infructueuses un peu partout dans Paris. « Ce matin, je suis passé à porte de Montreuil, puis à porte de Vincennes, mais ces mouvements ont été bloqués par les CRS », témoigne Stan, jeune intermittent du spectacle s’étant alors tourné vers ce nouveau lieu de rendez-vous. L’édifice devient un point de ralliement pour tous les partisans du mouvement « bloquons tout » lancé cet été sur les réseaux sociaux, tandis que les cheminots tiennent une assemblée générale au Technicentre SNCF de Châtillon avant de le rejoindre. L’incertitude règne quant aux principaux intéressés, comme on peut l’entendre ici ou là : « ils sont où? », « Elle est finie, leur AG? »
En les attendant, une étudiante vêtue de jean face à la foule en noir lance des appels à la « solidarité avec tous les travailleurs » pour « bloquer l’économie » face aux réformes budgétaires : les mesures annoncées par l’ex-Premier Ministre François Bayrou, dont le gouvernement a chuté lundi, est dans tous les esprits. Robin, arborant fièrement sa pancarte « taxez les riches », approuve : « le gouvernement nous somme sans arrêt de faire plus d’efforts, que l’on fait déjà, alors que les inégalités deviennent de plus en plus flagrantes et qu’on manque d’argents dans les hôpitaux, dans les écoles ». « Le passé nous a montré que le peuple peut gagner lorsqu’il se mobilise dans la rue », veut croire l’étudiant en histoire.

« On a l’impression que nos votes ne servent à rien » : de la manifestation à la colère sociale
« Il est de plus en plus difficile de s’organiser, d’avoir un vrai lieu de discussion, en raison de tous ces policiers postés partout » tempère Camille, intermittent du spectacle. Sa casquette de cuir vissée sur le crâne, le cinquantenaire se dit néanmoins « fier et optimiste » à la vue de cette jeunesse mobilisée, et se remémore avec nostalgie des manifestations de 2003 contre l’accord sur l’assurance chômage des intermittents du spectacle : « à l’époque, il était encore possible d’obtenir des victoires dans la rue. Aujourd’hui, les décisions se font de plus en plus contre le peuple, venant d’en haut ».
Une conviction regroupe tous ces manifestants : la nomination de Sebastien Lecornu au poste de Premier Ministre ne « changera rien » à la situation. « C’est un fidèle de Macron, qui suivra la même politique. On a l’impression que nos votes ne servent à rien », s’agace Lancelot, brandissant sa pancarte « Stop Pub » aux cotés de son ami Robin.

Les cheminots rejoignent la foule
Les voix se font de plus en plus fortes et des fumigènes de couleur flottent dans l’air lorsqu’arrivent les cheminots, vers 11h40. Microphone à la main, Anasse Kayib, membre de leur syndicat et du parti Révolution Permanente, martèle au cours d’un débrief express : « Nous espérons qu’aujourd’hui est la première journée d’un grand mouvement ». « S’il n’y a pas un train qui part de gare du Nord, pas un avion qui sort de Roissy, on sera obligé de nous entendre », scande à son tour Marcel, conducteur de tramway. Selon Émile, technicien de maintenance, l’AG de Châtillon a été « une réussite » : « nous étions 150 et avons cherché à mobiliser tous nos collègues. Depuis 2014, nous n’essuyons que des défaites mais nous pensons que ce mouvement peut changer les choses : le taux de grévistes a été estimé à 40%, et nous avons massivement voté pour la reconduire le 18 septembre ». Émile se dit aller dans le sens des revendications portées par la CGT cheminots, portant sur « une augmentation générale des salaires, l’abrogation de la contre-réforme des retraites de 2023, l’arrêt de toutes les réorganisations et suppressions d’emplois », face à une politique « d’austérité », comme l’indique un communiqué posté hier.

Annasse Kayib appelle la foule à s’asseoir, et à qui le souhaite de venir prendre la parole. Le parvis de la gare du Nord se transforme alors en Assemblée Générale géante, où les revendications des cheminots se mêlent à celles de lycéens ou professeurs, déplorant l’insalubrité des établissements scolaires et le manque de personnel.

« On a compris les revendications, il faut maintenant s’organiser pour faire bouger les choses! », s’irrite un homme, la réunion devenant manifestement un peu trop longue à son goût. Comme pour lui répondre, la foule se lève comme un seul homme vers 13h30 pour rejoindre l’ultime rendez-vous du mouvement : Châtelet-les-Halles.
Margot Mac Elhone