Corée du Sud : une grève historique des salariés de Samsung Electronics

Pour la première fois de son histoire, le plus grand groupe d’électronique du monde, Samsung Electronics, a subi une grève de ses employés à Séoul, ce vendredi 7 juin. Un moment historique pour le conglomérat sud-coréen, qui a vu plusieurs milliers de ses employés se mobiliser pour faire entendre leur colère. Explications.  

Des milliers d’employés se sont réunis devant le siège de Samsung Electronics à Séoul ce vendredi 7 juin. Leur revendication : une augmentation des salaires d’au moins 6%. Cela fait suite à plusieurs mois de négociation entre les syndicats et la direction qui peinent à dialoguer entre eux. D’un côté, les représentants des employés dénoncent la responsabilité de l’entreprise dans ce dialogue de sourds. D’un autre côté Samsung répond en instaurant un sixième jour de travail pour les managers afin de rassembler les cadres de l’entreprise le weekend pour discuter des stratégies de gouvernance. Face à cette situation, des milliers d’employés ont posé une journée de congé ce vendredi pour faire entendre leur revendication.

Si pour la France, la grève est un droit fondamental régulièrement utilisé pour faire pression sur la direction d’une entreprise, en Corée du Sud cela est loin d’être habituel. En témoigne cette toute première grève au sein de ce groupe mondialement connu qui rassemble plus de 125.000 employés. Au-delà du fait que la Corée du Sud ne soit pas proche de cette culture de la grève, ce moment est aussi historique car Samsung a longtemps été engagé dans une lutte antisyndicale. C’est seulement en 2010, 41 ans après la création de l’entreprise, que le premier syndicat a été créé.

« Il n’y a aucun impact sur la production et les activités commerciales »

Cette première journée de grève historique n’aura sûrement pas une conséquence forte sur la production de Samsung. Dans un communiqué, l’entreprise explique « qu’il n’y a aucun impact sur la production et les activités commerciales. Le taux d’utilisation des congés payés le 7 juin est inférieur à celui du 5 juin de l’année dernière ». En effet, ce jour de perturbations tombe un vendredi après un jour férié et avant le week-end, une journée où les employés des grands conglomérats sud-coréens font généralement le pont.

 

Noa Perret

Fridays for future France, un mouvement pour le climat qui irrite

Vendredi 23 septembre 2022, le mouvement Fridays for future France a organisé une nouvelle grève pour le climat à Paris. Accusé trop proche des partis politiques ou pas assez démocratique, le mouvement divise au sein des militants écologistes.

La grève historique pour le climat du 15 mars 2019 qui avait regroupé 35 000 jeunes semble loin. Ce vendredi 23 septembre 2022, une centaine de personnes se sont rassemblées place Baudoyer à Paris à l’appel du collectif Fridays for future France. La petite foule est essentiellement constituée de journalistes, de représentants de syndicats étudiants ou de groupes de jeunes affiliés à un parti politique. Les jeunes moins politisés, venus sécher les cours pour la cause climatique, sont très minoritaires.

La faute à un problème de communication? « On est allés devant le Panthéon avant de voir que c’était ici », explique une étudiante. Sur Facebook, un autre événement annonçait la tenue du rassemblement devant le Panthéon. Arrivée là-bas, l’étudiante n’a trouvé personne. « C’est à cause d’une sorte de scission, ils ont essayé de saboter le rendez-vous », glisse une élue à son voisin qui ne trouvait pas l’adresse. “Ils” ne sont pas nommés, mais désignent le mouvement local de Youth for climate France. Car les deux groupes, qui se réclament tous deux du mouvement international Fridays for future se disputent son héritage. Ces grèves mondiales des vendredis pour le climat ont été initiées par la jeune militante Greta Thunberg le 20 août 2018 devant le parlement Suédois. L’objectif : interpeller les politiques sur le réchauffement climatique. 

La grève de vendredi était organisée par le groupe Fridays for future France. L’antenne française du mouvement international Fridays for future? Oui et non. D’ailleurs c’est plutôt flou dans l’esprit de Grégoire, étudiant en première année d’économie. « Ils ont tous un peu repris le mouvement de Greta Thunberg, de faire des grèves pour le climat, non? » A l’origine les mouvements francophones (France et Belgique) issus des Fridays for future international se nomment Youth for climate. Actif depuis 2019, le mouvement réunit une soixantaine de groupes locaux dans toute la France.

des membres dissidents de youth for climate France

Alors qu’est ce que le mouvement Fridays for future France (FFF France) ? Le groupe a été créé à la veille de la manifestation internationale pour le climat du 25 mars 2022, « par deux personnes du mouvement de Youth for climate qui n’étaient pas d’accord avec la stratégie », pointe Martin, militant à Youth for Climate (YfC) Ile de France. Des questions de stratégie qui concerneraient la répartition du pouvoir, « horizontale » chez YfC.

Pour Pablo, l’un des membres fondateurs de FFF France, l’objectif était « de se concentrer sur les grèves pour le climat du vendredi », face à une organisation qui engloberait d’autres luttes, en lien avec la question sociale et anticapitaliste. « Il y a d’autres pays où plusieurs groupes sont issus de Fridays for future, il n’y a pas de barrières et il faut encourager les jeunes à intégrer ce mouvement ». Une vision qui ne passe pas auprès de Youth for Climate qui se réclame seul héritier du mouvement international : « le groupe joue sur l’ambiguïté du nom, et veut récupérer quatre ans de lutte ».

 « Il faut se concentrer sur les grèves pour le climat »

– Pablo, cofondateur de Fridays for future France

L’organisation verticale du nouveau collectif est aussi vivement critiquée. « Il y a seulement deux porte-paroles alors que la jeunesse est plurielle et diverse », reproche Martin. Fridays for future France regrouperait « plus d’un millier de personnes en France », garantit Pablo. Un chiffre, qui prend sa source sur le nombre de personnes assistant aux événements français inscrits sur le site international du mouvement. Or, ces personnes, qui ont pu réaliser des actions ne sont pas adhérents à Fridays for future France. Le collectif regroupe en réalité, 9 membres fondateurs et une vingtaine de personnes qui coordonnent les actions. « Enfin, après le 23, on se structurera localement », s’empresse d’ajouter Pablo.

Ces évènements locaux, sans militants sur place pour les organiser, sont l’un des points de crispation pour Youth for Climate envers le jeune mouvement. « Localement, aucun militant de Fridays for future France n’est présent, ils jouent sur le fait que nous, nous sommes là pour gérer », fustige Martin.

Une organisation apartisane ?

« On est un mouvement apartisan et eux sont reliés aux jeunes écologistes. FFF France, c’est un cheval de Troie pour permettre à des organisations politiques de nous récupérer », ajoute le porte-parole de YfC., « Un comité inter-organisationnel réunit FFF France, l’UNEF, le syndicat Alternative et les Jeunes écologistes », précise pendant l’événement Annah, membre des jeunes écologistes. « FFF France est résolument apartisan », assure Pablo en indiquant la présence, aussi, de jeunes insoumis à la tribune, « mais les organisations de jeunesse politiques sont les bienvenues » ajoute-t-il.

Preuve du malaise, des membres de Youth for Climate sont présents, en anonyme. « Ils ne voulaient pas forcément prendre la parole », glisse Annah. Les Jeunes écologistes auraient proposé aux deux organisations de collaborer, sans « vouloir prendre parti dans leurs histoires internes ».

« Il y a seulement deux porte-paroles alors que la jeunesse est plurielle et diverse »

– Martin, porte-parole de Youth for Climate

C’est aussi l’avis de Mathis, membre des FFF France. « YfC ne faisait plus régulièrement de grève pour le climat en séchant les cours en semaine, donc il y a eu l’idée de faire un autre mouvement, mais on n’a rien contre eux », explique celui qui a rejoint FFF France à ses débuts. A 12 ans, c’est sa quatrième grève pour le climat.

Le groupe international Fridays for future ne s’est pas encore prononcé sur la reconnaissance du groupe national du même nom. De leur côté, le groupe Youth for Climate préfèrent organiser une manifestation dans les rues de Paris le dimanche 25 septembre, contre la publicité en particulier, « moteur de la consommation ». Le but : empêcher la municipalité de Paris de renouveler un contrat avec Clearchannel, une entreprise de panneaux d’affichages publicitaires numériques. Délaisser les grèves du vendredi, pour privilégier des luttes locales, un changement de cap dans la stratégie d’action du mouvement, assumé par son porte-parole : « il faut agir concrètement maintenant, on veut de réelles victoires », martèle Martin.

Johanne Mâlin

Les professionnels de santé ouvrent le bal des manifestations de la rentrée sociale

Plus d’une centaine de personnes se sont réunies ce jeudi midi, devant le siège de l’APHP, dans le 4e arrondissement, à quelques pas de l’Hôtel de Ville, avant le mouvement interprofessionnel du jeudi 29 septembre. Après un été compliqué, les manifestants sont plus que critiques envers la gestion de l’hôpital public et comptent bien remettre leurs revendications à l’ordre du jour.

« Nous ne voulons plus d’un gouvernement qui ne fait qu’un constat d’une situation que nous connaissons. Nous voulons une politique offensive ». C’est sur l’estrade installée devant le siège de l’APHP, que Mireille Stivala, secrétaire générale de la CGT Santé et action sociale, prononce ces mots devant la centaine de personnes présentent au rassemblement. Il est environ 13 h 30.

Manifestants, représentants syndicaux et élus se mélangent dans la foule. L’après-midi, Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, et des députés de la Nupes tel comme François Ruffin, Alexis Corbière, Manuel Bompard ou encore Raquel Garrido, font leur apparition. Comme Mathilde Panot, la députée de la 5e circonscription de Seine-Saint-Denis, est apostrophée par un soignant du centre hospitalier de Plaisir. Malgré la musique, on peut l’entendre glisser « S’il vous plaît, ayez un mot pour nous ».

François Ruffin était présent au rassemblement devant le siège de l’APHP. (Keisha MOUGANI)

L’oubli. C’est ce qui est ressenti par certains manifestants et représentants syndicaux. « Il y a des effets d’annonce et la réalité », confie Simon Chiaroni, secrétaire général de la CGT de l’hôpital Bichat. L’établissement doit fusionner avec l’hôpital Beaujon. Un projet qui selon lui mènera « à la baisse de l’offre de soins dans des territoires qui répondent à un besoin de proximité comme les services d’urgence ou de maternité », détaille-t-il.

Dans ce rassemblement, les revendications sont multiples : arrêt des projets de structurations de l’APHP, le maintien des services gériatriques, le financement des promotions professionnelles, entre autres.  Mais ce sont surtout les critiques sur la gestion de l’hôpital public qui se sont davantage fait entendre cet après-midi. Blaise Constant Tchamko et Mariama sont soignants et membres du syndicat CGT de l’hôpital Rothschild. Leur établissement a connu également une grande salve de départs, et une fermeture de lits, notamment en service gériatrie. Il accueille des personnes âgées, qui peuvent en général passer dix jours, voire plus, à l’hôpital. À présent, elles sont dispatchées dans les services neurologie, Ssr (soins de suite et de rééducation).

Blaise Constant Tchamko et Mariama (au mileu) entourés de leurs collègues de l’hôpital Rothschild (Keisha MOUGANI)

Ils pointent deux problèmes dans la gestion l’hôpital public : un management plus axé sur le profit et essentiellement un manque de reconnaissance. Ce qui est à l’origine des nombreux problèmes rencontrés dans les services : la fermeture de lits, la mutualisation des services qui résulte au surmenage de certains professionnels, qui préfèrent quitter la profession. « Si tout le monde est là aujourd’hui, c’est surtout parce qu’il y a un manque de reconnaissance, souligne Blaise. On a du mal à recruter, les jeunes préfèrent se tourner vers le semi-privé ou l’intérim. » « Ça leur permet de travailler quand ils veulent. »  constate Mariama.

Sur l’estrade, les représentants syndicaux continuent de s’adresser à la foule et de scander des slogans, en espérant se faire entendre de la direction.

Keisha Mougani 

 

 

A la manifestation des enseignants, « il y a un ras-le-bol général »

Conditions de travail dégradées avec la crise sanitaire, salaires encore trop bas après des années de carrière, difficulté à recruter de nouveaux professeurs … Plusieurs milliers de manifestants ont montré leur colère jeudi en défilant à Paris. Des professeurs tous juste diplômés aux enseignants de longue carrière, tous ont marché pour réclamer plus de considération au gouvernement. Reportage.

Les drapeaux se massent petit à petit vers 13h30 au métro Jussieu, dans le 5ème arrondissement de Paris, au pied de la faculté. Les syndicats FO, CGT, FSU et Sud ont appelé ce jeudi à une grève massive des personnels de l’Éducation pour réclamer un « plan d’urgence » pour l’enseignement. Malgré ce vaste appel, le taux de grévistes est relativement faible à travers le pays. Entre 3 et 7 % d’après les autorités, jusqu’à 15 % d’après les syndicats.

Pour autant, les manifestants sont en colère, et déterminés. « Avec ce gouvernement, on ne voit pas bien à quoi peut ressembler l’école du futur qu’on nous promet » regrette un militant Force Ouvrière et instituteur en maternelle à Aubervilliers, qui ne souhaite pas donner son nom, de peur « d’avoir des problèmes ».

Pendant que des rangées d’étudiants marchent vers l’entrée de la faculté, les têtes curieuses ne peuvent pas passer à côté d’un groupe de manifestants bruyant. Les membres du personnel de nettoyage de l’université sont une trentaine à crier au « foutage de gueule » de la part de l’administration. Depuis dix jours, ils sont en grève. « On veut que nos heures sup’ soient payées » explique une gréviste au micro. Ils viennent ensuite gonfler le cortège des travailleurs de l’Education Nationale qui s’apprêtent à défiler.

Le maître mot de la manifestation semble être la désillusion. « On nous promet des primes pour les jeunes enseignants, mais de toute façon, le métier ne fait plus rêver » ajoute-t-il.

Lire Aussi – L’Éducation nationale en grève pour de meilleures conditions de travail

Demande de moyens

« Enseignants quasi K.O. », « Tiens bon ta classe avec cent marmots » entend-on au micro de la voiture FSU. Si les revendications sont nombreuses, celle du manque de moyens et d’effectifs revient toujours. Catherine Da Silva, directrice d’école à Saint-Denis, est venue avec plusieurs professeurs de son établissement. « On a eu droit à cinq ans de politique néo-libérale avec Emmanuel Macron et Jean-Michel Blanquer, maintenant il faut que ça s’arrête » insiste-t-elle. »Quand on est absent, on n’a pas de remplaçant, complète-telle avec dépit. En Seine-Saint-Denis, il manque plus de 500 professeurs. »

En tête du cortège, qui mène plusieurs milliers de manifestants de Jussieu vers le boulevard de Grenelle, le service de sécurité de la CGT et de la FSU encadre sans difficulté la foule, en plein soleil. Musique, bonne humeur et quelques slogans cachent néanmoins une certaine résignation des enseignants.

« Dans mon collège, on doit nous-même nettoyer les salles entre les cours faute de personnel de nettoyage. La moitié des ordinateurs ne fonctionne pas. Sincèrement, vous trouvez ça normal ? » s’emporte Elise Leroy, professeure de mathématiques de 27 ans dans un collège de Rosny-Sous-Bois. Avec deux de ses collègues, elles ne sont pas syndiquées. Mais elles ont quand même souhaité venir pour « exprimer leur colère ».

« Une précarité indigne »

Parmi les principales revendications des syndicats, la demande hausse des salaires pour l’ensemble du personnel de l’Éducation est évidente. « Il y a un ras-le-bol général dans ce métier » explique Elise Leroy. « J’enseigne depuis quatre ans, je gagne 1500 euros par mois ». La jeune femme donne des cours particuliers presque quotidiennement en dehors de ses heures de travail.

Du côté de la CGT, les manifestants dénoncent des conditions dégradées pour les professeurs comme pour les élèves. « Ce contexte d’austérité budgétaire dans l’Éducation nous rend le travail impossible. Il y a une précarité indigne » relève Isabelle Vuillet, co-secrétaire de la CGT Éducation et professeure de Lettres et Histoire dans un lycée professionnel de Lyon.

Si le taux de grévistes est relativement faible ce jour, les syndicats sont déterminés. « On doit être entendus. martèle la co-secrétaire CGT. On doit sauver l’Éducation pour les professeurs et pour nos enfants ».

 

Joséphine Boone