Le président philippin fait (encore) des siennes

Décidément, le nouveau président philippin n’en finit pas de faire parler de lui. Rodrigo Duterte, avocat de 71 ans, a été élu à la tête du pays le 9 mai, après une campagne lors de laquelle il avait multiplié les déclarations choc.
Le pape François selon lui ? Un « fils de pute », qui a provoqué des embouteillages à Manille lors de sa venue.

Rodrigo Duterte a continué ses attaques contre l’Eglise catholique (en dépit de l’importance de cette religion dans son pays) en traitant les évêques philippins de « fils de pute » (eux aussi), corrompus et responsables de la croissance démographique soutenue de l’archipel. Le président, qui prendra ses fonctions à la fin du mois de juin, entend quant à lui élargir le programme de planning familial et réduire le nombre d’enfants par famille à trois.


Controverse autour de l’ancien dictateur

Le président a également annoncé hier soir que Ferdinand Marcos, le défunt dictateur des Philippines, sera enterré en héros dans un cimetière de Manille, aux côtés de combattants de guerre. Marcos est pourtant accusé d’avoir orchestré des abus des droits de l’Homme à échelle massive et d’avoir détourné 10 milliards de dollars des caisses de l’Etat. « Je vais autoriser l’inhumation de Marcos au Cimetière des Héros pas parce que c’était un héros mais parce que c’était un soldat philippin« , a justifié Duterte face aux réactions indignées.

Ferdinand Marcos, président des Philippines de 1965 à 1986.
Ferdinand Marcos, président des Philippines de 1965 à 1986.

Richard Duclos (avec AFP)

Autriche : l’écologiste Alexander Van Der Bellen élu président in extremis face à l’extrême-droite

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Alexander Van Der Bellen (à gauche) est le nouveau président de l’Autriche.

L’Autriche pouvait élire, dimanche, le premier responsable d’extrême-droite à la tête d’un État européen. C’est finalement lundi que s’est joué le résultat du deuxième tour de l’élection présidentielle, tellement serré qu’il a fallu attendre le dépouillement des votes par correspondance pour connaître le nom du vainqueur. Le candidat du FPÖ, Norbert Hofer, donné favori des sondages, s’est finalement incliné in extremis face à l’indépendant Alexander Van Der Bellen, soutenu par les Verts. Un répit pour l’Europe.

Circonscription par circonscription, l’Autriche attendait de connaître son sort.  Dimanche soir, le candidat du parti d’extrême-droite FPÖ, Norbert Hofer, arrivait en tête du second tour de l’élection présidentielle, avec 51,9% des voix. Soit 144 000 voix d’écart environ avec Alexander Van Der Bellen, candidat indépendant soutenu par le parti écologiste.

Un score insuffisant pour être déclaré vainqueur avant le décompte des plus de 700 000 bulletins par correspondance, traditionnellement favorable au vote de gauche, égrené ce lundi. Au fur et à mesure du dépouillement des votes par correspondance de ces entités électorales, Alexander Van Der Bellen regagnait du terrain, grignotait son retard. A 16h, l’élection semblait basculer.

Au final, 31 000 voix seulement (50,3% des voix), dans ce pays de 8,6 millions d’habitants où le taux de participation était supérieur à 70% pour ce deuxième tour, ont permis à Alexander Van Der Bellen de l’emporter.

 

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Norbert Hofer était pourtant arrivé largement en tête à l’issue du premier tour de la présidentielle, avec plus de 35%  des voix, contre seulement près de 20% pour son rival écologiste. Il n’a pas attendu l’annonce officielle des résultats par le Ministre de l’intérieur pour reconnaître sa défaite, annonçant la volonté de poursuivre le combat de son parti jusqu’à une investiture politique.

Exit donc la perspective d’un bouleversement du paysage politique autrichien. Norbert Hofer, vice-président du Parlement et n°3 du FPÖ, avait promis de « présidentialiser » la fonction de président du pays. Au programme : les potentielles révocation du gouvernement, dissolution du Parlement et convocation de législatives anticipées, une menace qui aurait pu porter à la chancellerie un représentant d’extrême-droite plus tôt que prévu (les législatives sont prévues pour 2018). Hofer entendait également avoir son mot à dire sur plusieurs traités internationaux ou européens, notamment pour limiter l’immigration de façon drastique.

Une présidence a priori protocolaire

Avec l’élection d’Alexander Van Der Bellen, la fonction présidentielle devrait garder un rôle essentiellement protocolaire.

L’ex-porte-parole des Verts a promis d’opposer au nationalisme d’Hofer son projet d’une société multiculturelle. Le candidat des catégories aisées, des intellectuels, des artistes, des féministes et des minorités ne pourra vraisemblablement pas, eu égard à sa fonction, imposer ses vues libérales en matière économique. Il a cependant « promis de ne pas apposer sa signature à un éventuel traité de libre-échange transatlantique« , note Peter Filzmaier, professeur de science politique à l’université du Danube. Son défi sera désormais de rassembler « deux Autriche » : l’une, rurale et ouvrière ayant voté majoritairement pour Hofer, l’autre plus aisée et urbaine l’ayant plébiscité.

  La victoire de cet ancien professeur d’économie de 72 ans n’était pourtant pas actée d’avance. Austère, peu à l’aise sur les réseaux sociaux, presque mou, cet enfant de réfugiés marchait sur des œufs. D’une part, ne pas invoquer la haine des élites et du système, le thème privilégié de son adversaire. D’autre part, ne pas diaboliser l’extrême-droite, alors que les thèmes anti-islam et anti-immigration se revendiquent désormais ouvertement parmi les Autrichiens. Ne pas apparaître non plus comme le candidat de l’étranger dans un pays où 60% de la population estime que le pays n’a pas la capacité d’accueillir plus de réfugiés.

Trop libéral pour les Verts, il a du lancer sa candidature en tant qu’indépendant, sans obtenir non plus le soutien officiel des partis social-démocrate et conservateur traditionnels au deuxième tour. Même pour marquer leur opposition à Hofer, les différents courants de la gauche ne sont pas parvenus à s’unir. Ni à rassembler les citoyens contre le danger représenté par l’extrême droite : hier, trois manifestations anti-Hofer n’ont réuni que 1200 participants au total à Vienne. « Beaucoup trop peu de gens se sont mobilisés« , regrettait Margareta, l’une des militantes. « Les Autrichiens ne prennent pas assez le sujet au sérieux« .

Norbert Hofer avait tout pour séduire

A l’inverse, Norbert Hofer avait, lui, tout pour séduire. Cet ingénieur de 45 ans (le seul candidat ne dépassant pas la cinquantaine) s’est forgé une image d’homme honnête et proche du peuple. 30% de ses électeurs disent d’ailleurs avoir voté pour lui parce qu’il est « jeune et dynamique », selon un sondage Public Opinion Strategies. Celui qui reste manipulé par le président du FPÖ Heinz-Christian Strache, selon ses détracteurs, est néanmoins l’architecte de la normalisation d’un parti ouvertement antisémite et xénophobe il y a encore une décennie. Désormais, le FPÖ se focalise sur son combat contre l’islam, l’immigration et l’Europe, des thèmes largement banalisés dans l’opinion publique autrichienne. Ce candidat anti-système pouvait aussi compter sur la crise de la représentativité (du fonctionnement des institutions) à l’œuvre en Autriche, où les partis social-démocrate et conservateur se sont partagés le pouvoir depuis la seconde guerre mondiale.

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Norbert Hofer (à droite) est passé à deux doigts d’être le premier chef d’Etat européen d’extrême-droite.

L’Europe respire

Et pourtant, c’est bien Alexander Van Der Bellen qui a été élu. De quoi rassurer Jean-Claude Juncker, qui avait exprimé sa crainte de « voir la droite pure et dure et l’extrême droite » l’emporter, et François Hollande, qui a « félicité chaleureusement » le nouveau président pour sa victoire. La direction du pays le plus riche sur la route des Balkans par l’extrême droite aurait peut-être définitivement fait franchir le palier manquant aux groupes de ce mouvement à l’échelle européenne, qui ne gouvernent jusqu’ici que partiellement par coalition (comme en Finlande). Mais pour combien de temps ? L’élection du chancelier autrichien se profile pour 2018, alors que l’extrême droite a séduit la moitié de la population du pays. Qu’en sera-t-il dans deux ans ? « Encore une arrivée de migrants et un attentat, et nous serons au pouvoir en 2018 », prédit Paul, militant du FPÖ …

Douglas De Graaf

 

Syrie : Moscou et Washington appellent au maintien la trêve

En Syrie, la situation est toujours aussi tendue entre le régime de Bachar Al-Assad et les rebelles. La trêve instaurée le 27 février est bien fragile. Aussi la Russie a-t-elle appelée mardi matin à un cessez-le-feu de 72 heures à partir de jeudi dans la région de Ghouta Orientale et à Daraya. Cette ville, à 10 km de la capitale (un emplacement stratégique), fait partie des villes assiégées par les opposants depuis le plus longtemps. Depuis fin 2012, le régime essaye de reprendre la cité, sa « bête noire » selon certains.

La déclaration de la Russie survient peu de temps après que Washington a demandé à Moscou de faire pression sur le régime syrien pour faire cesser les attaques à Alep et autour de Damas. Les États-Unis ont par ailleurs exhorté les rebelles, menaçant de riposter, à ne pas rompre la trêve temporaire. L’abandonner serait « une erreur stratégique ».

 

A ce conflit entre régime et rebelles s’ajoute la présence de l’Etat islamique en Syrie, qui a commis hier une série d’attentats meurtriers.

La fragile position de médiateur de la France dans le dossier israélo-palestinien

Le premier ministre Manuel Valls est depuis dimanche en Israël où il a rendu hommage aux victimes de l’Hyper Casher mais également à Ilan Halimi, victime de meurtre antisémite avant de rencontrer le premier ministre israélien. Il compte négocier un futur accord de paix chapeauté par la France.

Le but avoué de son voyage est avant tout de marcher sur les traces du ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault, qui l’a précédé la semaine dernière afin de convaincre l’État israélien de participer à la conférence de Paris. Cette réunion, en présence de l’Union Européenne et des États-Unis, aurait pour objectif de négocier un potentiel accord de paix entre Israël et la Palestine. Prévue originellement pour le 30 mai, elle a été reportée au 3 juin prochain. Toutefois, si la conférence représente une opportunité pour la France d’être un interlocuteur privilégié au niveau international, Benjamin Netanyahu, Premier ministre Israélien, a indiqué à Jean-Marc Ayrault privilégier des négociations bilatérales avec la Palestine plutôt que l’ingérence de nations étrangères au conflit. Ce qui rend la visite de Valls cruciale pour mener à bien le projet.

« Un grand scepticisme de la part du gouvernement israélien actuel »

Selon David Khalfa pour iTELE, spécialiste du conflit israélo-palestinien et chercheur associé à l’IPSE, la froideur des politiques envers la négociation préconisée par la France  est due à « un grand scepticisme de la part du gouvernement israélien actuel » causé par la « vague d’attaques subies depuis octobre » par une population « qui a fait le constat de l’échec répété des négociations« . Quant aux autorités palestiniennes, plus enthousiastes sur la question de la conférence, cela s’explique à ses yeux par le fait qu’ils « estiment que l’initiative française pourrait remettre le dossier palestinien au centre des préoccupations de la communauté internationale ».

Toutefois la visite est compliquée par la ratification par la France le 16 avril dernier d’une disposition de l’UNESCO qui lie certains lieux saints de Jérusalem à l’islam, ce qui a indigné les autorités israéliennes. L’article a été qualifié de « tentative honteuse de réécrire l’histoire, dans le cadre de la campagne politique contre Israël et le peuple juif » par Yaïr Lapid, alors ministre des finances et président du parti centriste Yesh Atid. De surcroît, la nomination d’Avigdor Lieberman, leader du parti d’extrême-droite israélien, au poste de ministre de la Défense, est un signe décourageant pour toute tentative de paix entre les deux États.

Une tension renforcée par les échecs de diplomatie française

Une tension que Manuel Valls a voulu effacer en déclarant dès son arrivée dimanche à Tel-Aviv: « Je suis l’ami d’Israël« . Celui-ci a également tenu à rassurer Benjamin Netanyahu en affirmant que, malgré la menace de Laurent Fabius selon laquelle la France reconnaîtrait la Palestine en cas d’échec des négociations, une telle décision n’était pas à l’ordre du jour. Le premier ministre a également réitéré les propos qu’il avait tenu lors du dîner du CRIF le 7 mars 2016, qui assimilaient antisémitisme et antisionisme.

Des tentatives de conciliation qui devraient aller dans le sens de Benjamin Netanyahu, qui a rappelé la semaine dernière que son « gouvernement aspire à la paix« . Mais celles-ci n’ont toutefois pas suffi, puisque Netanyahu a déclaré renoncer cet après-midi à toute participation à la Conférence de Paris.

D’autre part, de tels propos ont été généralement mal accueillis par les défenseurs de l’Etat palestinien, qui considèrent que Manuel Valls n’est pas un interlocuteur impartial. Aussi, Taoufiq Tahani, président de l’Association France-Palestine, déclare : « Celui qui a très bien décrit Manuel Valls, c’est Roger Cukierman, le président du CRIF ; il a déclaré que c’était le meilleur interlocuteur français pour Israël. Il ne s’est pas trompé dans son jugement : Oui, Manuel Valls sert beaucoup plus les intérêts d’Israël que les intérêts de la France« . Il ajoute : « Le bilan de la visite est extrêmement négatif. La première raison étant que, alors que la France avait voté la résolution de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine palestinien, il a dit là-bas que c’était une erreur. Le deuxième recul qui nous semble extrêmement grave c’est de renier la parole de la France donnée par Laurent Fabius selon laquelle il y aurait reconnaissance de la Palestine ». Taoufiq Tahani parle également de « déclarations extrêmement choquantes » lorsqu’à l’université de Tel-Aviv, il a évoqué le boycott européen contre les produits israéliens : « Il a parlé d’une détestation de l’état d’Israël et des juifs dans leur ensemble : il continue sur sa politique d’amalgame entre critique de l’état d’Israël et antisémitisme« . Il semble donc que malgré ses efforts, Manuel Valls ne fasse qu’aggraver le mécontentement dans un conflit déjà vieux de plus de cinquante ans.

Myriam Mariotte