Catalogne : « Les indépendantistes ne comprennent pas les enjeux de stabilité européenne »

La rage continue de grogner entre les indépendantistes Catalans et le pouvoir espagnol depuis le vote pour l’indépendance du 1er octobre dernier. Les indépendantistes estiment notamment que la Catalogne, région la plus riche d’Espagne, contribue trop au budget du pays et ils refusent désormais de payer pour les autres régions.
Yann Echinard est maître de conférences en économie à l’Institut d’études politiques de Grenoble. Spécialiste de l’économie de l’Union européenne (UE), il considère que les indépendantistes catalans oublient ce que l’Union leur a apporté et qu’ils mettent en danger sa stabilité.

 

Comprenez-vous la position des indépendantistes catalans qui disent ne plus vouloir payer pour les autres régions espagnoles?

Non, et je ne le comprendrai jamais. Je suis assez effaré de voir comment la Catalogne joue la ligne de l’indépendance en oubliant complètement qu’elle a beaucoup bénéficié du choix de l’Espagne d’intégrer la Communauté européenne en 1986. La Catalogne a profité de sa situation géographique, car elle était proche des flux commerciaux de l’Europe : Barcelone est mieux placée que Madrid et elle est devenue une zone urbaine importante en attirant les investisseurs européens.

La Catalogne, telle qu’elle est aujourd’hui, serait-elle viable économiquement en tant qu’État indépendant ?

Oui, sans doute, mais seulement si l’on voit les choses de manière statique, ce qui est irréaliste. Si la Catalogne proclame son indépendance, on va se diriger vers un moment de grande instabilité dans la région. Si elle est identifiée par les investisseurs comme une zone à risques, il peut y avoir des mouvements pour la quitter. La Catalogne peut donc potentiellement être isolée et affaiblie économiquement.

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Quel est le risque si on laisse les régions européennes les plus riches se séparer des territoires les plus pauvres?

L’entrée de l’Espagne dans l’UE a permis au pays de rattraper son retard économique. Mais le boom créé s’est accompagné de fortes inégalités au plan territorial : les différences régionales se sont accentuées entre les zones qui ont profité de l’intégration économique et celles qui n’y ont pas réussi. C’est très fréquent au sein de l’UE.

Si l’on ne met pas en place des systèmes de solidarité territoriale à l’échelle de l’Union, on risque de très fortes tensions politiques. C’est l’inverse total de ce que l’on devrait faire. Les régions les plus riches doivent soutenir les plus pauvres.  Les indépendantistes Catalans ne comprennent pas les enjeux de stabilité européenne.

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Que se passerait-il au niveau de l’Union européenne si la Catalogne faisait sécession?

Nous serions face à une situation totalement inédite. Dans le scénario – peu probable à mon avis – d’une sécession de la Catalogne, il n’y aurait aucune reconnaissance du nouvel État à l’échelle de l’Europe, puisque c’est l’Espagne qui a signé la ratification à l’UE, et pas la Catalogne.

Elle devrait donc engager une nouvelle procédure pour faire partie de l’UE et nous rentrerions dans une machinerie politique qu’il n’est pas possible de prévoir. La crainte des États peut être la multiplication de ces stratégies régionales et donc un affaiblissement de l’Europe. La Belgique pourrait imploser, le Royaume-Uni se séparer, pourquoi pas aussi l’Italie… La hausse du nombre d’acteurs au sein de l’UE rendrait les choses très compliquées puisqu’on voit déjà que c’est difficile d’être à 28.

Que pensez-vous de la position de l’Union européenne qui refuse d’intervenir dans la crise ?

Nous sommes à un moment très particulier où on a atteint un niveau d’intégration jamais créé en Europe et même dans le monde, et en même temps, on continue de considérer que l’État est intouchable et qu’on ne doit pas se mêler des affaires intérieures des autres États membres.

C’était pareil pendant les discussions sur le Brexit : on a laissé le Brexit être une question britannico-centrée et on a laissé l’Europe à l’extérieur des discussions, alors que c’était le cœur du sujet. L’UE doit devenir un sujet de débat politique!

La France, l’Allemagne, l’Italie, le Luxembourg, la Belgique et les Pays-Bas, tous ceux qui ont participé au projet originel d’Union européenne, doivent se saisir du sujet. On ne les entend pas et c’est une erreur politique. On se plaint du déficit démocratique de l’Europe et en même temps nos dirigeants ne s’emparent pas de ces questions centrales pour faire entrer l’UE dans le débat politique. On laisse de côté des questions qui nous concernent directement.

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Propos recueillis par Clara Charles

 

Les 50 ans de la mort du Che : retour sur l’échec de sa révolution africaine

Célèbre cliché du Che Crédit Photo : Alberto Korda
Célèbre cliché du Che
Crédit Photo : Alberto Korda

Il y a 50 ans, Che Guevara mourait sous les balles de l’armée bolivienne. Mais avant de se rendre en Amérique latine, il passa quelques mois en Afrique dans l’espoir d’exporter la révolution. Retour sur un épisode peu connu de l’histoire du Che.

17 janvier 1961 : Patrice Lumumba, ancien Premier ministre de la République du Congo (aujourd’hui République Démocratique du Congo ou plus communément appelé Congo-Kinshasa), soutenu par l’URSS, est assassiné. Cet évènement marque le début d’une guerre civile entre les forces armées du Général Mobutu soutenu par les États-Unis et les combattants lumumbistes. A l’heure de la décolonisation, Cuba voit cette guerre civile comme l’occasion d’y venger Lumumba et d’exporter la révolution sur le territoire africain. Les espoirs du Che se concentrent sur le Congo, pays stratégique, qui avec ses neuf frontières, pourrait devenir l’épicentre de la révolution qui s’étendrait dans les autres pays. Fidel Castro accepte d’y envoyer Che Guevara qui souhaite retourner se battre.

La mission secrète

Che Guevara sous l’identité Adolfo Mena González en 1966. Une des nombreuses qu’il utilisait pour se déplacer. Crédit Photo : Museo Che Guevara (Centro de Estudios Che Guevara en La Habana, Cuba)

Le Che met alors en place une opération secrète. Il arrive en avril 1965 en Tanzanie (où s’organisent les rebelles) avec ses hommes, des Cubains noirs, pour éviter d’éveiller les soupçons. Peu nombreuses sont les personnes au courant de la présence du révolutionnaire en Afrique où il se fait appeler « Tatu » (qui signifie « trois » en swahili, car il était là en temps que médecin, troisième homme le plus important du corps expéditionnaire). Cela risquerait de mettre en péril la mission. Son objectif : aider militairement les lumumbistes à organiser une révolution.

Mais entre le départ du Che et son arrivée, la situation a changé dans le pays. Laurent-Désiré Kabila, à la tête des opérations congolaises, a perdu les territoires sur lesquels il avait la main, soit les 2/3 du pays. Certains lumubistes ont changé de camps et les forces du général Mobutu écrasent la rébellion grâce à l’aide des États-Unis. Il ne reste à Kabila que quelques poches dans l’est du pays. Ces défaites font éclater des divisions entre les rebelles, la révolution n’est plus donc une priorité, il faut d’abord se réorganiser.

De la désorganisation à l’échec

Che Guevara au Congo en 1965. Crédit Photo : Museo Che Guevara (Centro de Estudios Che Guevara en La Habana, Cuba)

Très vite, l’excitation de la révolution est remplacée par la frustration. Sur place, la situation est confuse. Le rapport de force a changé et les rebelles sont en position de faiblesse. Kabila est plus souvent à Dar es Salaam, en Tanzanie, qu’avec ses hommes sur le front. Le maquis est totalement désorganisé et les résistants africains ne sont pas aussi formés que les Cubains. « Dans ce mouvement révolutionnaire africain, tout était à faire : l’expérience, la préparation, l’instruction. Ça a été une rude tâche » déclara Fidel Castro lors d’une interview. Un fossé culturel se fait vite sentir. Che Guevara se plaint de l’indiscipline des rebelles congolais, de leur manque de compétence militaire, et du peu d’ardeur idéologique.

Mais tout a réellement basculé suite à l’attaque de Fort Bandera qui s’est soldée par une défaite. Quatre Cubains sont morts et dans la précipitation, les soldats n’ont pas pu récupérer les corps de leurs camarades. Or l’un d’entre eux portait un caleçon sur lequel était inscrit « fabriqué à Cuba ». Suite à cet épisode et grâce aux espions sur place, les États-Unis se rendent compte de la présence du Che au Congo, et Mobutu bombarde la zone occupée par les rebelles. La tension monte, les rebelles congolais craignent que Che Guevara se fasse capturer, ou pire, se fasse tuer. Après sept mois de mission, ses hommes et lui rentrent à Cuba. Il écrira dans son Journal du Congo « Ceci est l’histoire d’un échec ».

Sarafina Spautz

 

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Le prix Nobel d’économie, ce Nobel qui n’en est pas un

Seul prix Nobel a ne pas avoir été créé par Alfred Nobel, le prix d’économie fait figure de vilain petit canard de la Fondation Nobel. Retour sur les critiques qui lui sont adressées.

 

La danse annuelle d’attribution des prix Nobel s’achève ce lundi avec le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel. Surnommé « prix Nobel d’économie », il s’agit du seul prix du lot à ne pas avoir été créé par Alfred Nobel lui-même.

C’est en 1968, soit 72 ans après la mort de l’inventeur de la dynamite, que la Banque de Suède a donné naissance à un prix d’économie à l’occasion de son 300e anniversaire. Ce prix, censé récompenser les « contributions exceptionnelles dans le domaine des sciences économiques », est le seul à être géré par la Fondation Nobel alors qu’il a été créé par une banque. Il suit néanmoins les mêmes règles que les autres prix : comme eux, il est remis le 10 décembre par le roi de Suède, reconnu par l’Académie royale des sciences de Suède et accompagné d’un prix d’environ 900 000 euros.

Le processus de désignation des candidats est identique à celui des autres prix Nobel. Des personnalités qualifiées, notamment des professeurs et chercheurs venant d’Islande, du Danemark, de Norvège, de Suède et de Finlande, envoient des recommandations. Celles-ci sont examinées par un comité d’experts de cinq à huit membres. L’Académie royale des sciences de Suède procède finalement à un vote à la majorité sur les candidats ainsi nominés. Les lauréats sont annoncés le jour même.

Un Nobel contesté

Contrairement à ses équivalents en chimie, physique, médecine et littérature, le prix Nobel d’économie est très souvent remis en question. Ses détracteurs affirment qu’il n’a pas de raison d’exister car il n’est pas mentionné dans le testament d’Alfred Nobel, le document fondateur de la tradition des Nobel. Peter Nobel lui-même, l’arrière-petit-neveu du chimiste, grossit les rangs des détracteurs du prix pour défendre l’héritage de son grand-oncle.

Mais les critiques ne se limitent pas à cela. L’économie, discipline profondément politique, ne peut pas être abordée objectivement, selon certains. Près d’un tiers des lauréats à ce jour sont revenus à une seule institution : l’Université de Chicago. L’école de Chicago, issue de l’université éponyme, défend une vision très néolibérale de l’économie. Les historiens de l’économie Avner Offer et Gabriel Söderberg, figures de proue des critiques du Nobel d’économie, ont pointé du doigt que les économistes critiques du libéralisme économique ne sont que très peu représentés parmi les lauréats du prix.

D'où viennent les lauréats du Nobel d'économie ? /Jean-Gabriel Fernandez
D’où viennent les lauréats du Nobel d’économie ? (Jean-Gabriel Fernandez)

 

Le prix attire également des critiques acerbes. 37 lauréats, soit 80% d’entre eux, sont américains et actifs dans les cercles proches de Washington. Les lauréats sont tous des hommes entre 51 et 90 ans, à la seule exception de l’Américaine Elinor Ostrom, primée en 2009.

Avec le prix Nobel 2017, dont l’une des favorites est la française Esther Duflo, spécialisée dans l’étude de la pauvreté, c’est peut-être l’occasion pour ce prix de prouver que les critiques qui lui sont faites ne sont pas tout à fait fondées.

 

Jean-Gabriel Fernandez

Google aide Porto Rico à rétablir Internet

Deux semaines après l’ouragan Maria, Porto Rico peine à rétablir le réseau et les communications téléphoniques. Le géant Google déploie à partir de lundi ses « ballons internet », pour permettre aux Portoricains de communiquer avec leurs proches.

 

Les Porto ricains retrouvent Internet, deux semaines après l'Ouragan Maria ©Getty Images
Les Portoricains retrouvent Internet, deux semaines après l’Ouragan Maria ©Getty Images

 

Les services de télécommunications à Porto Rico ont fortement été touchés par le passage de l’Ouragan Maria : 83% des stations mobiles sont hors service, et les habitants ne peuvent pas communiquer avec leurs familles. Google a obtenu l’autorisation de la FCC, autorité américaine de régulation des télécommunications, de déployer les ballons Loon, indique le site Mashable.

Ces ballons, gonflés à l’hélium, ont été créés pour permettre la couverture Internet dans les zones rurales. Ils sont envoyés à 20 kilomètres de la surface de la terre et ils sont grands comme un terrain de tennis. Grâce aux panneaux solaires, leur autonomie est de 100 jours. Google a déclaré qu’il est possible d’envoyer environ 160 Go de données sur une zone de la taille de la Suède : suffisant pour « envoyer et recevoir environ 30 millions de messages Whatsapp, ou 2 millions d’e-mails ».

Deux semaines après l’ouragan Maria, les 3,5 millions de Portoricains n’ont pas accès aux réseaux dont ils ont besoin pour communiquer avec leurs proches. Seulement 25% des antennes de téléphone mobile ont été remises en fonction. Sur Twitter, le gouverneur de Porto Rico Ricardo Rossello montre que les premiers « ballons internet » sont prêts à arriver sur son territoire.

 

 

Léa Broquerie