Japon : Yuriko Koike, une ancienne fidèle de Shinzo Abe à la tête de l’opposition

Présentatrice TV, gouverneure, ministre, conseillère de Shinzo Abe… Yuriko Koike a un parcours hors du commun. Aujourd’hui, elle se retrouve rivale de son ancien allié Shinzo Abe dans la course au poste de premier ministre.

Yuriko Koike représentant le Japon au Forum Economique Mondial.
Yuriko Koike représentant le Japon au Forum Economique Mondial en 2008.

Le poing levé, des vêtements sobres, Yuriko Koike appelle à « mettre fin à la politique de Shinzo Abe ». Pour elle, être politique signifie être proche du peuple, c’est donc devant une gare de Tokyo qu’elle se trouvait, mardi matin, pour donner le départ de la campagne précédant les élections législatives du 22 octobre.

Dirigeante du principal parti d’opposition, le nouvellement créé Parti de l’Espoir, Yuriko Koike a été catapultée figure de proue de l’opposition à l’annonce des élections anticipées voulues par le premier ministre Shinzo Abe. Quelques jours après la création de son parti, le lundi 25 septembre 2017, elle accumule 19% d’intentions de vote, une croissance fulgurante.

Cette ancienne présentatrice TV est notamment appréciée pour sa force de caractère, en tant que symbole de l’opposition au gouvernement Abe déclinant. Elle souhaite réduire la place du nucléaire au Japon alors que Shinzo Abe veut l’augmenter et veut diminuer les taxes à la vente, quand lui, veut les renforcer. C’est également le principal reproche fait à Yuriko Koike : ne se positionner que par contraste avec le parti en place, et de ne pas avoir de propositions personnelles claires.

Certains vont jusqu’à la qualifier de leader populiste et de démagogue. Mais dans un Japon lassé des « Abeconomics » – la politique économique du gouvernement dont les effets annoncés se font encore attendre – et des scandales entourant la famille du premier ministre, ce profil semble plaire.

Une ancienne fidèle de Shinzo Abe

Pour Yuriko Koike, se placer en opposante du Parti Libéral Démocrate de Shinzo Abe ne coule pourtant pas de source. C’est en effet en tant que membre de ce même Parti Libéral Démocrate que la candidate a été Ministre de l’Environnement, puis Ministre de la Défense sous Shinzo Abe lui-même. Sa première expérience dans son fief actuel de Tokyo se fait en 2005, parachutée par le Parti Libéral Démocrate. Elle est alors qualifiée d’« Assassin », un terme qui désigne les personnes envoyées par un parti et censées être assurées de remporter une victoire écrasante. Elle remporte finalement les élections locales à la majorité absolue (51 %) face à trois adversaires.

C’est en 2016 que sa relation avec son parti devient glaciale. Le Parti Libéral Démocrate refuse de soutenir la candidature de Yuriko Koike au poste de gouverneure de Tokyo, poste qu’elle obtient malgré tout. Mme Koike fonde alors sa propre formation, « Tokyo d’abord », quitte le parti, et se positionne systématiquement contre son ancienne famille politique, jusqu’à fonder son Parti de l’Espoir anti-Abe.

« On ne peut pas mettre la sécurité du Japon et le futur de nos enfants entre les mains d’un parti qui change de bannière à l’occasion d’une élection », a tenté de répliquer Shinzo Abe. Une attaque sans grand succès puisque le Parti Démocrate Progressiste, l’une des principales forces du pays, a annoncé investir ses candidats aux législatives sous l’étiquette du Parti de l’Espoir.

Fine stratège, Yuriko Koike fut l’une des trois directeurs de campagne qui ont hissé Shinzo Abe au poste de premier ministre en 2012. Sera-t-elle celle qui saura le faire tomber ? La réponse après l’élection du 22 octobre.

 

– Jean-Gabriel Fernandez

« L’histoire de la Catalogne est une longue suite d’agressions militaires par l’Espagne »

Ébullition indépendantiste en Catalogne, en juin 2010. Josep Renalias
L’ébullition indépendantiste en Catalogne est constitutive de la culture catalane. Josep Renalias (Juin 2010)

Depuis le référendum du 1er octobre, l’Espagne traverse sa plus grave crise politique depuis 40 ans. Mais les relations tumultueuses entre les Catalans et la monarchie espagnole ne datent pas d’hier.

Dans un discours, prononcé mardi dernier, le roi d’Espagne a fustigé le gouvernement catalan pour avoir « bafoué » la Constitution et menacé l’unité du pays. Une unité construite par la Constitution de 1978, qui définit l’Espagne comme un État de droit, démocratique, et comme une monarchie constitutionnelle. Elle fait également de la Catalogne l’une des 17 communautés autonomes du territoire espagnol où « le roi incarne l’unité de l’Espagne, précise Cyril Trépier, géographe, spécialiste de la politique espagnole et de l’indépendantisme catalan. « Felipe VI voulait s’adresser à tous les Espagnols et pas seulement aux Catalans. Constitutionnellement, le roi ne peut d’ailleurs pas intervenir dans la vie politique. »

Un rejet historique de la monarchie

Si le roi n’est pas censé intervenir dans la vie politique, son existence même est contestée par les indépendantistes catalans. « L’histoire est utilisée par les indépendantistes catalans pour justifier le rejet de la monarchie, indique Cyril Trépier, car ils considèrent que l’histoire de la Catalogne est une longue suite d’agressions militaires par l’Espagne. » Ce désir d’indépendance est également un reliquat du passé franquiste (le régime dictatorial de l’Espagne) fondé par le général Francisco Franco, de 1936 à 1975.

Pendant cette période, la Catalogne perd son statut d’autonomie retrouvé dans les années 30. La culture et la langue catalane y sont alors sévèrement réprimées. Les indépendantistes catalans voient, dans la constitution de 1978, une restauration de la monarchie des Bourbons et non une rupture par rapport à la dictature franquiste. La monarchie espagnole, fondée il y a 400 ans, avait mis fin à la Principauté de Catalogne, indépendante, crée en 1162.

C’est à la lumière de ces arguments que « la Catalogne lie son indépendance à l’instauration d’une République » affirme Cyril Trépier. Historiquement antimonarchistes, les indépendantistes catalans considèrent tout ce qui représente l’État espagnol comme illégitime. Pour eux, la remise en cause du pouvoir central espagnol, symbolisé par le roi, reste fondamentale. Contrairement à l’Écosse, par exemple, qui demande son autonomie politique tout en restant sous la monarchie britannique.

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Reste à savoir si la Catalogne accédera à l’indépendance. C’est désormais une confrontation entre, d’un côté, la légalité du référendum et de l’autre sa légitimité. Illégal du point de vue de la législation espagnole mais légitime dans le droit d’un peuple à se déterminer lui-même. D’ailleurs, on estime à 40% la participation au référendum, menant à 90% de oui pour l’indépendance. Ce qui représente « seulement » 2,5 millions de voix sur 7 millions.

« Si cette déclaration est faite, elle ne pourra de toute façon pas déboucher sur un État comme le souhaitent les indépendantistes. En revanche, la réponse la plus probable, et inédite, serait l’usage de l’article 155 de la Constitution qui permet de suspendre une autonomie, confie Cyril Trépier, mais cela pourrait mener à de nouvelles élections en Catalogne. »

Julien Percheron

Élections au Liberia : Ellen Johnson Sirleaf, présidente sortante et controversée

Ellen Johnson Sirleaf, lors d'une visite à la Maison Blanche Crédits : Maison Blanche / David Bohrer
Ellen Johnson Sirleaf, lors d’une visite à la Maison Blanche
Crédits : Maison Blanche / David Bohrer

Ce mardi a lieu le premier tour pour remplacer Ellen Johnson Sirleaf  à la tête de la République du Liberia. Au pouvoir depuis douze ans, la présidente est appréciée sur la scène internationale, mais plus controversée dans son pays. Le fait qu’elle ait reçu le prix Nobel de la paix en 2011, avec deux autres femmes, a accentué sa position ambivalente, entre symbole international et chef d’État impopulaire.

Margaret Thatcher n’est pas la seule femme politique à être surnommée la Dame de fer. Ellen Johnson Sirleaf, qui sera bientôt remplacée par l’un des candidats à l’élection présidentielle, dont le premier tour se déroule ce mardi, est affublée du même nom, mais pour différentes raisons. Dans les années 1980, elle s’oppose à Samuel Doe, militaire auteur d’un coup d’État, qui instaure un régime de terreur. Elle est alors ministre des finances, et est emprisonnée à deux reprises avant de fuir vers les États-Unis. « Mama Ellen », comme la surnomment les Libériens, y mènera une carrière d’économiste.

En 1989, Charles Taylor et son parti d’opposition, le National Patriotic Front of Liberia (NPFL), lancent une attaque et réussissent à contrôler une grande partie du pays face à Samuel Doe. Seulement, l’un des principaux généraux de Taylor, Prince Johnson, se retourne contre son leader. Leurs troupes s’affrontent pendant sept ans. La guerre civile durera jusqu’en 1997, année durant laquelle Charles Taylor est finalement élu par scrutin. Ellen Johnson Sirleaf revient au Liberia cette année-là.

La première femme élue à la tête d’un État africain

Douze ans plus tard, en 2005, elle se présente à l’élection présidentielle libérienne pour le Parti de l’unité. Elle remporte le second tour en novembre, face à l’ancien footballeur George Weah, détenteur du Ballon d’or en 1995. Ellen Johnson Sirleaf devient alors la première femme élue démocratiquement à la tête d’un État africain. La lutte contre la corruption est l’un de ses principaux arguments de campagne.

Lors de son premier mandat, Ellen Johnson Sirleaf réussit à attirer plusieurs bailleurs de fonds étrangers pour reconstruire le pays et sa capitale, Monrovia. Cependant, son gouvernement n’arrive pas à diminuer le taux de chômage, qui s’élève à 80% de la population active. Le Liberia est encore classé à ce jour comme le neuvième pays le plus pauvre du monde.

En octobre 2011, quatre jours avant le premier tour de l’élection présidentielle à laquelle elle se représente, le prix Nobel est attribué conjointement à trois femmes, dont la Dame de fer, pour leur lutte pacifique pour la sécurité des droits des femmes. Madame Sirleaf est réélue.

Accusée d’avoir financé Charles Taylor

Si elle est très populaire sur la scène internationale, Ellen Johnson Sirleaf est très controversée au Liberia. L’attribution du prix Nobel à la présidente est justifié pour une partie de la population, mais beaucoup considèrent qu’elle n’a pas assez œuvré pour l’unité nationale ni contre la corruption. Un scandale de 2009 refait d’ailleurs surface à cette occasion et enlise sa popularité. Accusée d’avoir financé la rébellion armée de Charles Taylor à la fin des années 1980, elle est citée dans un rapport de la commission nationale Vérité et Réconciliation, mise en place à la suite des guerres civiles libériennes. Elle ne peut théoriquement plus exercer aucune fonction officielle pendant trente ans mais le parlement n’a jamais ratifié cette décision. Malgré ses efforts pour instaurer durablement la paix dans son pays, elle est une actrice indirecte de la guerre civile pour l’opinion publique.

Ce mardi, Ellen Johnson Sirleaf s’apprête à respecter la Constitution de son pays et à laisser sa place au terme de deux mandats. Vingt candidats se présentent au premier tour. Parmi eux George Weah, son opposant douze ans plus tôt.

Aline Bottin

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Carles Puigdemont, indépendantiste depuis toujours

Ce mardi à 18 heures, Carles Puigdemont, président de la Catalogne, doit s’exprimer devant le parlement régional. Dimanche dernier, il a laissé entendre qu’à cette occasion, il pourrait proclamer l’indépendance de cette région espagnole. Presque inconnu il y a deux ans, il est devenu, avec l’organisation du référendum catalan, l’ennemi numéro un du gouvernement de Mariano Rajoy. Qui est cet indépendantiste intransigeant ? Portrait.

carles puigdemont

Il est calme, serein. Sa mèche de Beatles, qui lui attire des nombreuses moqueries, cache en fait une cicatrice : le souvenir d’un grave accident de la route en 1983. L’indépendance de la Catalogne, c’est son rêve d’enfance et le combat de sa vie. Né en 1962 dans une famille de pâtissiers, Carles Puigdemont grandit à Amer, un village de la province de Gérone. Il vit dans une fratrie de huit, élevée par des parents nationalistes convaincus. Son combat commence tôt. Dès son plus jeune âge, il est séparatiste. « La légende raconte que tout petit, il suppliait sa grand-mère de lui tricoter une estelada, l’iconique drapeau catalan indépendantiste à rayures jaunes et bleues », rapporte l’Obs.

Un journaliste motivé

Avant de devenir la bête noire de Madrid, Carles Puidgemont est journaliste. A dix-neuf ans seulement, il entre au quotidien El Punt, et prend le poste du rédacteur en chef quelques années plus tard. Toujours dans le même journal local de Gérone, en 1991, il déclenche une campagne pour changer le nom de la ville de « Gerona », en espagnol, à « Girona » en catalan. La même année, il se rend en Slovénie pour observer le processus d’acquisition de l’indépendance de cette ancienne république yougoslave. En 1999, chargé par la région, il crée l’Agence catalane d’information, l’équivalent de l’AFP à un niveau régional. Polyglotte, il s’exprime aisément en catalan, anglais, français, castillan et roumain. En 2004, il dirige le journal pour anglophones Catalonia Today. Marié avec une journaliste roumaine de quinze ans sa cadette, il est père de deux filles, Magali et Maria, huit et six ans.

Un homme politique déterminé

C’est à Gérone qu’il fait ses premiers pas en tant qu’élu. En 2011, il devient maire de cette ville du nord-est de l’Espagne et député au parlement régional. A ce moment-là, personne n’aurait parié sur lui comme président de la Généralité de Catalogne. Pourtant, en janvier 2016, les affaires de corruption liées au président de la région Artur Mas, l’empêchent d’être réinvesti et propulsent Carles Puidgemont sur le devant de la scène politique, par la coalition de trois partis : le Parti démocrate européen catalan  (le sien, nationaliste, centre-droit), la gauche républicaine de Catalogne ERC (indépendantiste, centre-gauche) et la Candidature d’unité populaireCUP (indépendantiste, révolutionnaire, extrême-gauche).

« C’est un homme de communication, un indépendantiste historique, et le président catalan. Trois raisons pour qu’il soit surexposé. Mais, il ne préside la Catalogne que grâce à trois partis n’ayant guère en commun que le projet indépendantiste », explique Cyril Trépier, docteur en géopolitique de l’Institut français de Géopolitique dans une interview pour le Celsalab. Disposant de cette coalition très hétéroclite, Carles Puigdemont s’attache à l’organisation du référendum d’autodétermination le 1er octobre 2017. Un vote illégal, non reconnu par Madrid. Le « oui » l’emporte à 90%. Aujourd’hui, il appelle surtout à une médiation avec Madrid.

L’avenir de la Catalogne se joue ce soir. Malgré les menaces de poursuites judiciaires et son avenir incertain, Carles Puigdemont garde son calme. « Depuis qu’on se connaît, il a changé quatre ou cinq fois de travail. C’est une personne libre, qui n’a pas peur du changement. Quelqu’un d’autre à sa place serait très inquiet pour son avenir, lui non », explique à l’AFP son ami Antoni Puigverd.

Malgo Nieziolek

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