Premier pays à voter pour les élections européennes, les Pays-Bas ont choisi jeudi 6 juin les 31 eurodéputés qu’ils enverront à Strasbourg. Les sondages à la sortie des urnes annoncent un surprenant écart entre la gauche et l’extrême droite sur le haut du podium.
Ils ont été les premiers à se rendre aux urnes. Les Néerlandais ont voté dès jeudi et inauguré ces 10èmes élections européennes de l’histoire. Si le dépouillement n’aura lieu que dimanche pour ne pas influencer les autres scrutins de l’Union, les premiers sondages de sortie d’urnes, réputés fiables, laissent déjà entrevoir une petite surprise. La gauche, menée par la coalition verte et travailliste, l’emporterait comme en 2019. Quant à l’extrême droite, qui a gagné les élections législatives de novembre dernier, elle signerait un score record malgré une certaine sous-performance. Voici les leçons à tirer de ces résultats.
Deuxième victoire européenne consécutive pour le Parti travailliste
Les sondages prédisaient un duel serré, la gauche l’emporterait finalement assez confortablement. Le Parti travailliste (PvdA), cette année membre de la coalition à deux têtes avec la Gauche verte (GL) déjà conduite lors des dernières législatives, signerait sa deuxième victoire consécutive dans un scrutin européen.
Cela confirmerait ainsi l’efficacité de cette alliance, qui s’est imposée comme principale force d’opposition du pays depuis que le centre-droit et la droite sont entrés en négociation avec le Parti pour la liberté (PVV) d’extrême droite pour former un gouvernement. « Les partis progressistes ont fait campagne sur le barrage à l’extrême droite après le choc des résultats de novembre », confirme Nassreddin Taibi, correspondant aux Pays-Bas pour « Europe Elects », qui témoigne d’une campagne « marquée par les sujets nationaux ».
Mais ce score qui les place quatre points devant le PVV resterait une surprise. La moyenne des sondages prévoyait un coude-à-coude tendu entre ces deux listes. Ces dernières pointaient toutes deux à 25% des intentions de vote à la fin du mois de mai. C’est probablement une participation en hausse dans les bastions de gauche que sont Amsterdam, Utrecht et Nijmegen qui aurait fait pencher la balance vers l’alliance GL/PdvA.
Une victoire de surcroit arrachée sans le leadership de Frans Timmermans. L’ancien candidat à la présidence de la Commission européenne pour les sociaux-démocrates a brillé par son absence lors de la campagne. Il faut dire que sa popularité a sombré depuis 2019. Alors qu’il avait porté le score de la gauche aux européennes, il est désormais vu par son propre camp comme un opportuniste prêt à compromettre avec la droite.
Une soirée en demi-teinte pour l’extrême droite du PVV
Si le PVV réaliserait un score record par rapport à sa faiblesse en 2019, la déception resterait quand même de mise vu la distance qui les sépare de la gauche. La faible mobilisation de son camp pourrait lui avoir coûté la victoire symbolique. « Quand on regarde les sondages liés à la participation, seuls 22% des électeurs de GL/PdvA en novembre ne sont pas venus jeudi, alors qu’ils sont 56% chez les électeurs du PVV », précise Nassreddin Taibi.
En cause, aussi, les négociations pour former un gouvernement qui s’éternisent depuis la victoire du PVV en novembre. Les libéraux du Parti populaire (VVD), et les droites du Mouvement agriculteur-citoyen (BBB) et du Nouveau contrat social (NSC) ne sont toujours pas parvenus à un accord de gouvernement avec le PVV plus de sept mois après le scrutin et la victoire tonitruante de Geert Wilders.
Mais malgré la sous-performance vis-à-vis des intentions de vote qui les catapultaient cinq points plus haut, ce bond de un à sept sièges resterait un très bon score pour le parti d’extrême droite.
Le VVD s’approche du pire résultat de son histoire
Avec 11,6% des suffrages selon la projection Ipsos-I&O de jeudi soir, le Parti populaire flirte avec le pire résultat qu’il n’ait jamais obtenu à une élection européenne, soit 11,4%. Qu’il semble loin, le temps du VVD aux manettes du gouvernement néerlandais de 2010 à 2023 avec Mark Rutte ! Menacé d’expulsion du groupe Renew au Parlement européen par sa présidente Valérie Hayer, et désormais sanctionné par l’électorat néerlandais, le parti n’est plus que l’ombre de lui-même.
Et la campagne n’a rien arrangé. « Le VVD s’est bizarrement lancé dans une campagne anti-PVV. Ils les ont accusés de pro-Poutine alors qu’ils sont dans le même gouvernement », s’étonne Nassreddin Taibi.
Une coalition gouvernementale qui n’obtiendrait ici pas la moitié des 31 sièges néerlandais. Les nouveaux partis BBB et NSC étaient des curiosités qui culminaient à plus de 20% des intentions de vote il y a un an. Ce sont maintenant des forces mineures autour de la barre des 5%. Et même hors coalition, l’Appel chrétien-démocrate (CDA), parti historique majeur, continuerait sa chute et tomberait pour la première fois sous les 10%. Signe que personne n’incarne plus la droite modérée aux Pays-Bas.
Matthias Troude