En Allemagne, le cordon sanitaire plie mais ne rompt pas

Sahra Wagenknecht, fondatrice du BSW, donne une conférence de presse à Berlin le 2 septembre 2024, le lendemain des élections régionales de Thuringe et de Saxe. (Photo : John Macdougall / AFP)

L’extrême droite a gagné des élections régionales allemandes pour la première fois depuis la fin du IIIe Reich, mais reste privée de gouvernement. En face, la coalition dite de « la mûre » tente de marier des partis que presque tout oppose au nom du cordon sanitaire.

Le feu tricolore, le Kenya, et désormais la mûre. La baie pourrait donner son nom à la toute nouvelle coalition dont les contours s’imaginent en Allemagne, dans les Länder de Thuringe et de Saxe, après les élections du 1er septembre qui ont vu l’Alternative für Deutschland (AfD) atteindre un score historique. Cette coalition « mûre », car noire, violette et rouge, regrouperait l’Union chrétienne-démocrate (CDU) de centre droit, l’inclassable nouvelle Alliance Sahra Wagenknecht (BSW), et le Parti social-démocrate (SPD) de centre gauche, qui mettraient de côté leurs différends pour empêcher l’extrême droite de gouverner. Le même schéma pourrait se répéter dans le Brandebourg, autre Land d’ex-Allemagne de l’Est, le 22 septembre prochain. Une coalition contre nature qui met le cordon sanitaire à rude épreuve.

C’est le BSW qui attire tous les regards, ayant obtenu le deuxième total de sièges le plus important parmi les partis prétendants à la coalition. La nouvelle alliance, fondée par l’éponyme Sahra Wagenknecht, est issue d’une scission fin 2023 des marxistes de Die Linke, qui reprochent au parti une approche de la gauche trop citadine. « Son idéologie est difficilement classable », analyse Nathalie Le Bouëdec, professeure de civilisation allemande à l’Université de Bourgogne. Alors que le BSW a conservé la plupart du parti économique de Die Linke, il prend une ligne « conservatrice notamment sur l’immigration, sujet très central en Allemagne, mais aussi sur la famille et la transidentité ». Assez pour plaire à la CDU, plus droitière dans l’est du pays ?

Un mariage forcé qui fait débat

L’échelle de gouvernement, ici régionale, facilite les négociations. Car si le BSW prône principalement l’abandon de l’aide à l’Ukraine et un rapprochement avec Vladimir Poutine – ce qui est hors de question pour la CDU et le SPD –, cette revendication ne trouve que peu de résonance dans un parlement régional. Du reste, la CDU, partenaire se gratifiant du plus de sièges, navigue en eaux troubles. Le programme du BSW présente des non-dits importants qui rendent les accords difficiles. Paradoxalement, le flou idéologique, tout comme l’absence d’historique entre BSW et CDU, peut aussi rendre une alliance plus facile à justifier auprès des militants de cette dernière.

Mais à la CDU, « la coalition reste très contestée en interne », tempère Nathalie Le Bouëdec. La partie économique du programme de Die Linke, que l’on retrouve donc dans celui de BSW, fait partie des raisons pour lesquelles « la CDU n’a jamais voulu avoir quoi que ce soit à faire avec Die Linke ». La coalition « mûre » est donc encore loin d’être conclue. « On vante souvent la capacité des Allemands à faire des compromis, mais là, on atteint les limites de la cohérence politique », observe la professeure.

La CDU, le BSW et le SPD peuvent néanmoins converger sur quelques points. Les trois partis veulent tirer les leçons du Covid-19 pour revoir leur politique sanitaire. Tous veulent aussi mieux pourvoir les zones rurales en services publics. Puis, la CDU comme le BSW veulent mettre fin à l’immigration – et le SPD d’Olaf Scholz vient de durcir sa ligne à l’échelle nationale.

Un cordon qui s’effrite sur le fond ?

Ce revirement de la coalition gouvernementale de centre-gauche sur l’immigration illustre justement la pression grandissante qui pèse sur le cordon sanitaire. Les alliances contre nature « peuvent aussi faire débat chez les électeurs, ajoute Nathalie Le Bouëdec. Pour l’instant, il tient […] car il s’agissait des sections de l’AfD les plus radicales avec un néo-nazi à la tête de la liste en Thuringe, mais la pression s’accroît. »

C’est cette pression, accentuée par le récent attentat de Solingen, l’abyssale popularité d’Olaf Scholz et les résultats électoraux catastrophiques des partis gouvernementaux en ex-République démocratique d’Allemagne, qui a poussé les Verts et le SPD à adopter des politiques plus sévères sur l’immigration à un an des élections fédérales. Premier test le 22 septembre dans le Brandebourg. Si le SPD devrait pouvoir compter sur la banlieue de Berlin pour freiner l’hémorragie, l’AfD reste favorite des sondages.

Matthias Troude

Crédit photo : John Macdougall / AFP

Immigration: Marion Maréchal se rend ce jeudi à Lampedusa

Marion Maréchal prononce un discours à l’occasion de l’Université d’été du parti Reconquête !, le 10 septembre 2023. CLEMENT MAHOUDEAU / AFP

La tête de liste du parti d’Éric Zemmour pour les prochaines élections européennes doit se rendre ce jeudi sur l’île italienne de Lampedusa où 7.000 migrants ont débarqué ces dernières heures, a indiqué son entourage.

L’ancienne députée Marion Maréchal se rendra jeudi 14 août en début de soirée à Lampedusa, a annoncé son entourage. La petite île italienne située entre la Sicile et la Tunisie fait face depuis plusieurs jours à un afflux de bateaux de migrants en provenance d’Afrique du Nord, notamment de Libye après les inondations qui ont ravagé le pays, et accueille plus de 7.000 personnes, soit l’équivalent de l’ensemble de la population locale.

Le centre d’accueil de l’île, construit pour accueillir moins de 400 personnes, a été débordé, avec des hommes, des femmes et des enfants obligés de dormir dehors sur des lits de fortune en plastique, la plupart enveloppée dans des couvertures de survie.

41 migrants morts dans un naufrage au larGe de Lampedusa
« Apporter son soutien à l’Italie« 

« Marion Maréchal se rend sur place pour se rendre compte de cette situation catastrophique et apporter son soutien à l’Italie« , a indiqué l’entourage de la numéro deux de Reconquête, en soulignant que « Lampedusa n’est pas uniquement la frontière de l’Italie mais de toute l’Europe, et que ce sont les Européens qui doivent réagir ensemble à la situation en Méditerranée« .

Interrogée jeudi matin sur BFMTV-RMC, Marion Maréchal avait évoqué « l’immense défi civilisationnel qui nous attend à travers cette submersion migratoire« , en faisant valoir que « les Italiens ont un terrible sentiment d’abandon« . Son parti, d’extrême droite, est un soutien de la formation post-fasciste Fratelli d’Italia, dont est issue la cheffe du gouvernement transalpine, Giorgia Meloni.

«Environ 6.000» migrants sont arrivés sur l’île italienne de Lampedusa, selon la Croix-Rouge

Mercredi, l’Allemagne avait annoncé suspendre l’accueil volontaire de demandeurs d’asile en provenance d’Italie, prévu par les accords européens, en raison d’une « forte pression migratoire » et du refus de Rome d’appliquer ces mêmes accords. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait pour sa part annoncé des renforts dans la lutte contre l’immigration clandestine à la frontière avec l’Italie, où la pression augmente, lors d’une visite à Menton (Alpes-Maritimes) en début de semaine.

Avec AFP.