Fridays for future France, un mouvement pour le climat qui irrite

Vendredi 23 septembre 2022, le mouvement Fridays for future France a organisé une nouvelle grève pour le climat à Paris. Accusé trop proche des partis politiques ou pas assez démocratique, le mouvement divise au sein des militants écologistes.

La grève historique pour le climat du 15 mars 2019 qui avait regroupé 35 000 jeunes semble loin. Ce vendredi 23 septembre 2022, une centaine de personnes se sont rassemblées place Baudoyer à Paris à l’appel du collectif Fridays for future France. La petite foule est essentiellement constituée de journalistes, de représentants de syndicats étudiants ou de groupes de jeunes affiliés à un parti politique. Les jeunes moins politisés, venus sécher les cours pour la cause climatique, sont très minoritaires.

La faute à un problème de communication? « On est allés devant le Panthéon avant de voir que c’était ici », explique une étudiante. Sur Facebook, un autre événement annonçait la tenue du rassemblement devant le Panthéon. Arrivée là-bas, l’étudiante n’a trouvé personne. « C’est à cause d’une sorte de scission, ils ont essayé de saboter le rendez-vous », glisse une élue à son voisin qui ne trouvait pas l’adresse. “Ils” ne sont pas nommés, mais désignent le mouvement local de Youth for climate France. Car les deux groupes, qui se réclament tous deux du mouvement international Fridays for future se disputent son héritage. Ces grèves mondiales des vendredis pour le climat ont été initiées par la jeune militante Greta Thunberg le 20 août 2018 devant le parlement Suédois. L’objectif : interpeller les politiques sur le réchauffement climatique. 

La grève de vendredi était organisée par le groupe Fridays for future France. L’antenne française du mouvement international Fridays for future? Oui et non. D’ailleurs c’est plutôt flou dans l’esprit de Grégoire, étudiant en première année d’économie. « Ils ont tous un peu repris le mouvement de Greta Thunberg, de faire des grèves pour le climat, non? » A l’origine les mouvements francophones (France et Belgique) issus des Fridays for future international se nomment Youth for climate. Actif depuis 2019, le mouvement réunit une soixantaine de groupes locaux dans toute la France.

des membres dissidents de youth for climate France

Alors qu’est ce que le mouvement Fridays for future France (FFF France) ? Le groupe a été créé à la veille de la manifestation internationale pour le climat du 25 mars 2022, « par deux personnes du mouvement de Youth for climate qui n’étaient pas d’accord avec la stratégie », pointe Martin, militant à Youth for Climate (YfC) Ile de France. Des questions de stratégie qui concerneraient la répartition du pouvoir, « horizontale » chez YfC.

Pour Pablo, l’un des membres fondateurs de FFF France, l’objectif était « de se concentrer sur les grèves pour le climat du vendredi », face à une organisation qui engloberait d’autres luttes, en lien avec la question sociale et anticapitaliste. « Il y a d’autres pays où plusieurs groupes sont issus de Fridays for future, il n’y a pas de barrières et il faut encourager les jeunes à intégrer ce mouvement ». Une vision qui ne passe pas auprès de Youth for Climate qui se réclame seul héritier du mouvement international : « le groupe joue sur l’ambiguïté du nom, et veut récupérer quatre ans de lutte ».

 « Il faut se concentrer sur les grèves pour le climat »

– Pablo, cofondateur de Fridays for future France

L’organisation verticale du nouveau collectif est aussi vivement critiquée. « Il y a seulement deux porte-paroles alors que la jeunesse est plurielle et diverse », reproche Martin. Fridays for future France regrouperait « plus d’un millier de personnes en France », garantit Pablo. Un chiffre, qui prend sa source sur le nombre de personnes assistant aux événements français inscrits sur le site international du mouvement. Or, ces personnes, qui ont pu réaliser des actions ne sont pas adhérents à Fridays for future France. Le collectif regroupe en réalité, 9 membres fondateurs et une vingtaine de personnes qui coordonnent les actions. « Enfin, après le 23, on se structurera localement », s’empresse d’ajouter Pablo.

Ces évènements locaux, sans militants sur place pour les organiser, sont l’un des points de crispation pour Youth for Climate envers le jeune mouvement. « Localement, aucun militant de Fridays for future France n’est présent, ils jouent sur le fait que nous, nous sommes là pour gérer », fustige Martin.

Une organisation apartisane ?

« On est un mouvement apartisan et eux sont reliés aux jeunes écologistes. FFF France, c’est un cheval de Troie pour permettre à des organisations politiques de nous récupérer », ajoute le porte-parole de YfC., « Un comité inter-organisationnel réunit FFF France, l’UNEF, le syndicat Alternative et les Jeunes écologistes », précise pendant l’événement Annah, membre des jeunes écologistes. « FFF France est résolument apartisan », assure Pablo en indiquant la présence, aussi, de jeunes insoumis à la tribune, « mais les organisations de jeunesse politiques sont les bienvenues » ajoute-t-il.

Preuve du malaise, des membres de Youth for Climate sont présents, en anonyme. « Ils ne voulaient pas forcément prendre la parole », glisse Annah. Les Jeunes écologistes auraient proposé aux deux organisations de collaborer, sans « vouloir prendre parti dans leurs histoires internes ».

« Il y a seulement deux porte-paroles alors que la jeunesse est plurielle et diverse »

– Martin, porte-parole de Youth for Climate

C’est aussi l’avis de Mathis, membre des FFF France. « YfC ne faisait plus régulièrement de grève pour le climat en séchant les cours en semaine, donc il y a eu l’idée de faire un autre mouvement, mais on n’a rien contre eux », explique celui qui a rejoint FFF France à ses débuts. A 12 ans, c’est sa quatrième grève pour le climat.

Le groupe international Fridays for future ne s’est pas encore prononcé sur la reconnaissance du groupe national du même nom. De leur côté, le groupe Youth for Climate préfèrent organiser une manifestation dans les rues de Paris le dimanche 25 septembre, contre la publicité en particulier, « moteur de la consommation ». Le but : empêcher la municipalité de Paris de renouveler un contrat avec Clearchannel, une entreprise de panneaux d’affichages publicitaires numériques. Délaisser les grèves du vendredi, pour privilégier des luttes locales, un changement de cap dans la stratégie d’action du mouvement, assumé par son porte-parole : « il faut agir concrètement maintenant, on veut de réelles victoires », martèle Martin.

Johanne Mâlin

Les Jeux Olympiques de Paris à l’épreuve de l’urgence climatique

« Réduire de moitié les émissions de CO2 par rapport aux éditions précédentes ». Plus de doute, l’urgence climatique est devenue un enjeu essentiel des prochains Jeux Olympiques de Paris. Pour en discuter, acteurs et actrices incontournables de ces JO 2024 étaient réunis à la Maison de la Radio dans le cadre du festival « Demain le sport ».

Ce matin, à la Maison de la Radio, les félicitations étaient de mise. Celles de tout un groupe, conscient d’être en train de créer une édition des Jeux Olympiques historique en tous points. Pour sa première édition, le festival « Demain le sport » a mis en place une table ronde autour de la question de l’organisation de ces jeux. Et si plusieurs thèmes tels que l’inclusion ou la parité étaient au centre du débat, c’est bien l’impact écologique laissé par Paris 2024 qui posait le plus question. Un tel évènement nécessite des infrastructures à sa hauteur. Et avec, des ressources humaines et matérielles plus que conséquentes. Mais pour les acteurs présents sur place, pas d’inquiétude.

Les Jeux les plus verts de l’histoire ?

Tony Estanguet, président du comité d’organisation des Jeux, explique à Celsalab être rassuré : « Nous allons réduire de moitié les émissions de CO2 par rapport aux éditions précédentes. Pour s’en assurer, des audites sont régulièrement mis en place par des organismes spécialisés. Il faut repenser l’utilisation de l’énergie ». Pour cela, le triple champion olympique compte mettre en place des solutions concrètes : « Nous allons connecter les infrastructures entre elles et trouver des systèmes de redondance. C’est aussi pour cela que la cérémonie d’ouverture sera organisée sur la Seine. Ces Jeux seront les plus verts de l’histoire et ça doit être une fierté collective ! » Durant ses dernières éditions, les Jeux d’été ont émis 3,5 millions de tonnes de CO2 en moyenne, Paris 2024 a de son côté fixé un objectif de 1,5 million de tonnes de CO2. D’après les organisateurs, il s’agirait d’émissions « résiduelles » qui ne peuvent pas être évitées et qui « seront compensées pour une contribution positive pour le climat ».

Transformer Paris et lui laisser un héritage

Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques, parle de son côté d’héritage à laisser aux générations futures : « Aujourd’hui, 40% des trajets en voiture sont effectués sur une distance inférieure à cinq kilomètres. En prenant le vélo ou en marchant, on résout un problème écologique majeur. Ces jeux seront l’occasion de donner l’exemple. » La ministre a d’ailleurs profité de l’occasion pour rappeler que le sport ferait parti du plan de sobriété énergétique mis en place par Emmanuel Macron et qui sera présenté au début du mois d’octobre. Baisser la température des gymnases et passer à l’éclairage aux LED sont par exemples deux mesures privilégiées.

Plus vite, plus haut, plus fort, à quel prix ?

Un sentiment partagé par Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la mairie de Paris. L’homme politique a par exemple rappelé que la mairie a injecté entre deux à trois milliards d’euros dans la création de quatre bassins directement dans la Seine et où il sera bientôt possible de se baigner. « Ces jeux sont une occasion parfaite d’adapter la ville aux changements et aux conditions climatiques. C’est un accélérateur spectaculaire dont Paris ne peut que se réjouir. »

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Le très gros projet de transport du Grand Paris Express a également rapidement été évoqué, considérant que sans le développement de Paris 2024, celui-ci aurait « dérivé ». Mais si tous les discours semblent bien rôdés, Paris 2024 doit faire attention à ne pas mettre de côté le plus important dans le développement de ses Jeux : la population parisienne. Récemment, une polémique naissait autour de la construction d’un échangeur d’autoroute à quelques mètres seulement d’une école de Saint-Denis. Celui-ci aidera les athlètes à arriver au plus vite sur les sites olympiques. Une décision difficile à comprendre pour des parents d’élèves issus d’une des villes les plus polluées de France. Interrogé sur la question par Celsalab, Emmanuel Grégoire n’a préféré pas s’exprimer.

 

Les deux années restantes d’ici le début officiel des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 s’annoncent cruciales et le slogan de cette édition n’est pas banal : « Ouvrons grand les Jeux ». S’ouvrir, c’est aussi accepter de se transformer et s’adapter aux contraintes actuelles. La prise de conscience semble évidente pour tous ces acteurs, ceci même chez les athlètes. Kevin Mayer, vice-champion olympique du décathlon, en sait quelque chose : « Avant d’être performant il faut être en bonne santé et le climat en est un des principaux facteurs. On est les premiers à se rendre compte de la qualité de l’air. » Même son de cloche chez Sandrine Martinet, championne paralympique de judo : « C’est un combat très important pour nous. On doit utiliser notre parcours pour sensibiliser le plus grand nombre sur cette urgence climatique. »

Emmanuel Macron veut « une accélaration massive » des énergies renouvelables

Jeudi 22 septembre, Emmanuel Macron a visité le premier parc éolien off-shore de France, à Saint-Nazaire. Il a ensuite présenté les grandes lignes de son projet de loi d’accélération des énergies renouvelables, qui sera présenté le 26 septembre en Conseil des ministres.

« On doit aller deux fois plus vite. Une loi va arriver pour favoriser une accélération massive », a affirmé Emmanuel Macron le jeudi 22 septembre. Après avoir visité le parc éolien off-shore de Saint-Nazaire, il a présenté, dans un discours d’une trentaine de minutes, les principaux points du projet de loi d’accélération des énergies renouvelables.

Le projet de Saint-Nazaire a été lancé en 2012. « Ce parc éolien est opérationnel mais ça a pris plus de dix ans, regrette le Président. Nous avons besoin de réduire les délais. » Il a ensuite réaffirmé son objectif d’installer une « cinquantaine de parcs éolien en mer » d’ici 2050. Pour ça, il prévoit de réduire le temps nécessaire à l’instruction des dossiers.

 

« Nous allons massivement accroître nos besoins en électricité », de « 40% d’ici 2050 », a ajouté Emmanuel Macron. Pour répondre à ces besoins, il a rappelé le besoin d’accélérer les projets d’énergies renouvelables, dont les parcs éoliens. Pour répondre aux craintes liés à l’impact environnemental du déploiement d’éoliennes, le Président a assuré que les projets devront rester « compatibles » avec la préservation de la biodiversité.

Emmanuel Macron a également évoqué la piste du développement de l’énergie solaire. Pour l’accélérer, il vise « la libération du foncier » afin d’installer plus de panneaux sur les friches, citant pour exemples les bords d’autoroutes et de voies ferrées, mais aussi sur certaines terres agricoles avec l’agrivoltaïsme.

Développer le nucléaire

Emmanuel Macron a cependant insisté sur la nécessité d’accélérer aussi les procédures liées au nucléaire. « Le tout ENR (énergies renouvelables) ne marche pas, le tout nucléaire ne marche pas, a-t-il justifié. Et ce qu’on est en train de vivre aujourd’hui avec la guerre, ce que vivent encore plus certains voisins comme les Allemands, c’est que la clé en matière d’énergie, c’est la diversification du modèle. »

En février, il annonçait dans un discours à Belfort vouloir construire six réacteurs nucléaires de nouvelle génération, appelés EPR, d’ici 2035. À Saint-Nazaire, il a affirmé vouloir aller « beaucoup plus vite », sans fixer d’objectif précis. Un texte de loi sur le sujet sera présenté prochainement.

Laura Merceron avec AFP

Comment l’affaire PPDA pourrait être relancée malgré la prescription

Patrick Poivre d’Arvor à Deauville, lors de la 45e édition du Festival du film américain, en 2019 (LOIC VENANCE / AFP)

Ce vendredi, Hélène Devynck sort son livre intitulé « Impunité », portant sur l’affaire PPDA et le viol présumé subi par la journaliste. L’occasion de revenir sur le rebond judiciaire que le dossier pourrait connaître grâce à de nouveaux témoignages et malgré la prescription. Explications.

Actuellement, deux procédures sont en cours contre Patrick Poivre d’Arvor pour viols et agressions sexuelles. Pour l’une, il s’agit d’une enquête préliminaire portant sur sept témoignages accusant PPDA. Cette enquête a d’ailleurs permis l’audition libre du journaliste en juillet dernier. Pour la seconde, il s’agit d’une instruction judiciaire ouverte avec la seconde plainte de Florence Porcel, en novembre 2021, pour des faits prescrits. Première femme à témoigner, elle décrit des viols remontant à 2004 et 2009 alors qu’elle était jeune journaliste.

#MeTooMédias : Florence Porcel porte à nouveau plainte pour viol contre PPDA, avec constitution de partie civile cette fois

Quelle est la durée de la prescription dans cette affaire ?

En France, pour une personne majeure, la prescription est de six ans pour une agression sexuelle, et de vingt ans pour un viol. Or, dans le cas de Florence Porcel, la prescription au moment du premier viol présumé était de dix ans. Dans l’affaire PPDA, de nombreux faits sont ainsi prescrits, mais pourraient bien se voir pris en compte à l’avenir, grâce au principe de l’acte interruptif ou « sérialité ». Cela désigne l’action, pour une Cour de cassation, d’interrompre la prescription si les faits sont liés à une autre affaire. C’est le cas de Florence Porcel.

PPDA : des poursuites pourraient être engagées malgré la prescription

Quelle est l’utilité pour les victimes de témoigner, malgré la prescription des faits ?

Pour la plaignante, il s’agit de se faire connaître par la Justice et de sortir du silence. Dans ce genre d’affaire, même s’il y a prescription, le Parquet ouvre systématiquement une enquête pour vérifier qu’il n’y ait pas d’autres victimes.

Ainsi, grâce à l’acte interruptif, ou « sérialité », la prescription peut revenir à zéro si de nouveaux éléments sont apportés à l’enquête. La sérialité repose sur trois piliers : le mode opératoire, le profil des victimes, et l’auteur. Dans l’« Impunité », Hélène Devynck décrit un mode opératoire bien rôdé : « le coup du plateau ». PPDA invite de jeunes femmes, parfois mineures, à assister au JT qu’il présente. Puis, il les invite dans son bureau, au cœur de la rédaction de TF1. C’est ainsi qu’il aurait opéré pendant trente-cinq ans. De plus, le profil des victimes est toujours le même : de jeunes femmes, journalistes ou non, vulnérables face à la puissance de l’ex-présentateur.

PPDA et le « coup du plateau » : « Il vous retrouvera dans son bureau »

Pourquoi un tel retournement de situation dans l’affaire PPDA ? Ce principe de sérialité rend-il la prescription relative ?

Alexandre*, assistant de Justice parisien, explique : « Si l’acte interruptif est utilisé dans cette affaire, c’est bien parce que Florence Porcel décrit des faits datant de 2009, donc non prescrits. Or, elle a également porté plainte pour un viol datant de 2004, donc à priori prescrit. » Cet été, la Cour d’appel de Versailles avait alors estimé que les deux infractions étaient connexes, dépendantes l’une de l’autre et répondaient aux critères de sérialité. Dans ce cas précis, l’annulation du classement sans suite par la Cour d’appel de Versailles interrompt nécessairement la prescription, en utilisant l’argument sériel.

« Dans cette affaire ultra-médiatique qui fait suite à #MeToo, l’argument de la prescription est quasi-inaudible par l’opinion publique. Il ne s’agit donc pas tant d’un profond bouleversement de la Justice, mais plutôt d’un sauvetage de la procédure grâce à l’acte interruptif, de plus en plus répandu dans ce genre de dossier concernant des crimes prescrits », ajoute Alexandre.

Depuis 2021, l’ancien présentateur de TF1 fait l’objet de nombreuses plaintes pour violences sexistes et sexuelles. En juin dernier, vingt femmes prennent la parole sur le plateau de Mediapart. Elles dénoncent des « comportements problématiques » à leur encontre, allant du harcèlement sexuel au viol.

 

 

*Le nom a été modifié

 

Agnès Robini