Environnement : la voiture électrique est-elle une solution durable ?

Anne Hidalgo, la maire de Paris, ambitionne de faire disparaître les véhicules polluants dans la capitale d’ici 2030. Une action qui s’inscrit dans le cadre du respect des engagements pris à la COP 21. Pour la mairie comme pour le gouvernement, le moteur électrique est LA solution d’avenir. Un optimisme qui mérite toutefois d’être tempéré.

Bornes de recharge en ville (c) uve X
Bornes de recharge en ville (c) uve X

Le 6 juillet dernier, le ministre de l’écologie Nicolas Hulot annonçait avec le plan climat « la fin de la vente des voitures à essence et diesel d’ici 2040 ». Ce jeudi, la mairie de Paris a déclaré son désir d’aller encore plus loin : faire disparaître les moteurs diesel et à essence, aux horizons respectifs de 2024 et 2030.

Pour remplacer nos vieux moteurs toussotants et améliorer la qualité de l’air, le gouvernement et Anne Hidalgo partagent une ambition commune : passer à l’ère de la voiture électrique. Mais remplacer les véhicules polluants par des véhicules électriques n’est pas une fin en soi. Dans cette quête d’une mobilité humaine décarbonnée, les enjeux sont beaucoup plus divers que le seul remplacement de tous les véhicules préexistants.

Démocratiser la voiture électrique

Si le nombre de ventes de voitures électriques a été multiplié par plus de 8 entre 2011 et 2016, le total de celles-ci ne représente pour l’année 2016 que 1,08 % du marché, soit environ 21 800 véhicules vendues sur un total de plus de 2 millions… Une croissance constante mais toute relative pour deux raisons : un prix élevé – 22 950 euros pour la Smart ForTwo Electric Drive, la moins chère du marché électrique, contre 7 990 euros pour les Dacia Logan et Sandero – et une autonomie trop faible pour un temps de recharge long.

Pour séduire les acheteurs,  le gouvernement a fixé le montant du bonus écologique pour l’achat d’une voiture électrique à 6 000 euros en 2017, soit une économie d’environ 25 % sur le prix d’une des cinq voitures électriques les moins chers. Il est également possible sous certaines conditions d’y ajouter une prime à la conversion d’un montant de 2500 euros à l’achat d’une voiture électrique neuve.

Faire avancer l’innovation

Cet été, Volvo est devenu le premier grand constructeur mondial à annoncer qu’il renoncerait à construire des véhicules non hybrides ou électriques et ce d’ici deux ans. La marque a aussi prévu la commercialisation de cinq nouveaux modèles électriques d’ici 2021. De son côté, Toshiba vient tout juste d’annoncer la mise au point d’une batterie capable de fournir aux véhicules qu’elle équipe une autonomie de 320 km pour une recharge de seulement 6 minutes.

Si le moteur des voitures électriques est jugé fiable et performant, « le problème réside essentiellement dans la batterie » d’après Jacques Pithois, professeur en master politiques environnementales et management du développement durable à l’ICP. « Ce qu’on a du mal à faire c’est de stocker une grande quantité d’énergie rapidement et dans des boites de petites tailles, le tout à petits prix. » Cette course à l’innovation ne peut, à moyen terme, que tirer les prix vers le bas grâce aux économies d’échelles « sur lesquelles reposent toute l’industrie automobile » d’après Pauline Ducamp, spécialiste automobile chez BFM TV. « Si les problèmes liées à la batterie sont résolus, le marché explose, » affirme pour sa part Jacques Pithois.

 La voiture électrique pollue 

« Une voiture électrique n’a pas de pot d’échappement, mais ça ne l’empêche pas de polluer », prévient aussi Pauline Ducamp. Si Anne Hidalgo et le gouvernement avancent les objectifs pris à la COP 21 pour justifier leurs ambitions, faire disparaitre le diesel et le gasoil ne suffira pas à stopper les émissions de CO2 du secteur automobile. « Sur un cycle de vie entier, un véhicule électrique pollue aujourd’hui autant qu’un diesel. L’extraction de matières premières comme le lithium et leur transformation sont des processus extrêmement polluants » explique la spécialiste.  

Jacques Pithois résume ainsi la chose : « si l’on veut réduire l’effet de serre autour de la planète, il faut que l’énergie consommée au cours d’un cycle de vie soit produite sans émettre de CO2. » Dans le cas de la voiture électrique, il s’agit autant de l’énergie utilisée pour produire une voiture que pour l’alimenter en électricité lors des recharges. En clair, si une ville atteignait 100 % de véhicules électriques mais que le courant de son pays était produit par des centrales à charbon « l’air de la ville sera certes de bien meilleure qualité, mais la planète n’en sera pas moins polluée, » vulgarise le professeur.

Le maillon d’une chaine

La transition vers une mobilité durable s’inscrit donc dans un écosystème énergétique dont la voiture n’est qu’un maillon. Au-delà de la production de l’énergie, ce sont « tous les nouveaux modes de déplacements dans les grandes villes qui révolutionneront les problématiques de mobilité, » affirme Pauline Ducamp. Elle conclut par un exemple concret et inspiré de la ville de Singapour. « Les stations du métro étaient trop éloignées entre elles. A cause du climat et des intempéries, les gens l’utilisaient peu et préféraient prendre leur voiture ou un taxi. Puis des lignes de bus climatisées aux arrêts plus rapprochées ont été mises en place. » Résultat ? « Les gens se sont mis aux transports en commun. » 

Antoine Colombani

Le grand défi de la circulation dans Paris en 2030

Construction du Grand Paris Express, interdiction des véhicules essence à partir de 2030, création de voies réservées aux cyclistes…. Nombreux sont les projets qui vont modifier notre manière de se déplacer dans la capitale parisienne d’ici à 2030.

Dossier de presse Grand Paris Express.
Dossier de presse Grand Paris Express.

Tout sauf en voiture. C’est en tout cas ce qui est envisagé par la Mairie de Paris qui a annoncé ce mardi 10 octobre ne plus vouloir de véhicules essence dans la capitale d’ici à 2030. Si cette mesure s’inscrit dans le plan climat du gouvernement afin de respecter ses engagements pris durant la COP 21, elle traduit une volonté de faire de la voiture un moyen de transport secondaire dans le futur en Ile-de-France. Pour la remplacer, plusieurs actions sont prévues. La plus importante est la création du Grand Paris Express, plus de 200 kilomètres de métro qui seront construits tout autour de la capitale d’ici à 2030.

Ce projet titanesque permettra aux franciliens de se rendre d’un point à l’autre de l’Ile-de-France sans passer par Paris, mais aussi de rejoindre plus rapidement le cœur de la capitale depuis sa périphérie. Avec l’ouverture de quatre lignes (15, 16, 17 et 18) et le prolongement de deux déjà existantes (11 et 14), le Grand Paris Express compte bien révolutionner le trajet des quelques 8,5 millions d’usagers quotidiens des transports en commun.

Si le projet a été initié en 2007 par l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy, les travaux ont débuté cette année avec la construction de la ligne 15 qui relie seize stations entre Pont de Sèvres et Noisy-Champs. La mise en service de cette première rame du « supermetro » est prévue pour 2022 mais il faudra attendre, au moins 2030, pour voir le réseau entièrement opérationnel.

Le Parisien.
Source : Le Parisien.

Pour Hélène Bracon, membre parisienne d’EELV, ce projet s’inscrit bien dans une volonté de la capitale de développer les moyens de transports respectueux de l’environnement. « On a déjà le meilleur réseau de métro au monde (selon une étude de l’Institute for Transportation and Development Policy (ITDP) ndlr.), mais il était nécessaire de le renouveler. Ce projet du Grand Paris Express est un moyen idéal de permettre aux gens de laisser leur voiture de côté et de prendre les transports en commun. Après il faut espérer que les délais soient respectés, déjà que le budget initial va exploser… ». Car selon une première estimation le coût du chantier s’élèverait à 22 milliards d’euros en 2010. Sept ans plus tard, il aurait grimpé à 35 milliards d’euros ! Une addition salée qui s’expliquerait par l’obtention des JO de 2024 et l’obligation pour certaines lignes d’être prêtes dès le début de la compétition pour accueillir les spectateurs.

Le périphérique réaménagé ?

Le Grand Paris Express est la partie émergée des changements qui auront lieu dans la capitale et sa banlieue d’ici à 2030. D’autres mesures sont envisagées pour faciliter les déplacements des franciliens. Hélène Bracon préconise, elle, l’utilisation du vélo : « Le vélo classique ou électrique sera l’un des moyens de transport de demain. De 2014 à 2017, 200 km de voies cyclables ont été créées, et ça ne va pas s’arrêter là ».

Pour le parti écologiste, l’utilisation de la voiture doit être réduite au profit d’autres moyens de transports. En ce sens, les écologistes parisiens ont proposé en 2016, au Conseil de Paris, d’engager une réflexion sur la « transformation progressive » du périphérique et de certaines autoroutes franciliennes en boulevards urbains. « Ce serait l’occasion de réinvestir cet axe de circulation engorgé. On pourrait installer des voies de bus, des pistes cyclables, des commerces… Ce serait une passerelle plus ouverte entre Paris et sa banlieue » estime Hélène Bracon. Reste à convaincre les millions d’automobilistes qui empruntent le périphérique parisien tous les jours.

Clément Dubrul