Dans un rapport paru le 13 septembre, la Cour des comptes épingle les défaillances du Service national universel (SNU). Faible nombre de volontaires, reproduction sociale, désintérêt des jeunes : parmi les nombreux objectifs non atteints, la mixité sociale est pointé du doigt.
Sa réussite figurait parmi les grandes promesses de campagne d’Emmanuel Macron. Avec le lancement en 2019 du Service nationale universelle (SNU), le gouvernement espérait inculper un sentiment de cohésion nationale à la jeunesse française. Destinés aux volontaires âgés de 15 à 17 ans, le SNU, qui comprend un «séjour de cohésion» et une «mission d’intérêt général» étalés sur plusieurs semaines, est aujourd’hui sévèrement critiqué par un rapport de la Cour des comptes publié le 13 septembre. Au-delà des défaillances logistiques, des financements sous évalués et des principes flous, le dispositif, qui a accueilli 40 000 jeunes en 2023, ne rempli pas ses objectifs de représentativité sociale.
« A quel moment un jeune des quartiers nord de Marseille prendra-t-il conscience de ce qu’il partage avec son alter ego du Loir-et-Cher ? », questionnait Sarah El Haïry, ex-secrétaire d’Etat chargée de la jeunesse et de l’engagement en défendant le dispositif de l’executif devant l’Assemblée Nationale en juillet 2023. Si solidariser les jeunes issus de milieux différents est l’un des buts martelé par le gouvernement, « cet objectif de mixité sociale n’a pas été atteint », affirme la Cour des comptes. Campagnes publicitaires, influenceurs invités, jeunes ambassadeurs : en dépit d’une stratégie de communication importante visant à encourager tous les jeunes, chaque année, les engagements volontaires restent en deçà des objectifs initiaux. Parmi les volontaires, en 2022, l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep) pointait « une sous-représentition des jeunes résidant en quartier prioritaire de la politique de la ville » ou « des enfants d’ouvriers » face à « une surreprésentation des enfants de cadres, d’artisans, de commerçants et de chefs d’entreprise ».
Alors que le SNU mise sur une forme de service militaire allégé, puisque le dispositif est à la fois sous l’égide de l’Education nationale et du Ministère des armées, il attire avant tout des jeunes issus de parents fonctionnaires. Pompiers, policiers, militaires : depuis la mise en place du dispositif, plus d’un tiers des participants ont un parent portant l’uniforme. « Et ces jeunes ont déjà un regard sur l’uniforme particulier, explique Gilles Roubis, ancien instituteur et président du collectif des associations citoyennes (CAC), ils ne représentent pas du tout la jeunesse française dans sa diversité en comparaison aux jeunes de milieux ruraux ou populaires ».
Malgré un budget annuel de « 3,5 à 5 milliards d’euros » selon la Cour des comptes, contre 2 milliards évalué par le gouvernement, pour le secteur associatif, les financements ne suffisent pas à insuffler un projet de mixité sociale. « On ne peut pas réussir a faire en quinze jours de stage ce que l’éducation nationale n’a pas réussi en terme de mixité sociale en seize ans », déplore Gilles Roubis. « L’Éducation nationale devrait être le lieu privilégié de la cohésion nationale », appuyait le collectif dans un rapport publié en 2019 pour s’opposer à la mise en place du SNU. Le syndicat national des enseignants de second degré (SNESD) dénonce quant à lui « un véritable projet éducatif de domestication de la jeunesse ».
En parallèle, la trop faible implication des acteurs associatifs, dû a l’opposition du gouvernement « à toute « cogestion » », selon le rapport de la Cour des comptes, ne permet pas d’intégrer des jeunes issus de milieux diversifiés. Pour le collectif des association citoyennes (CAC), les budgets alloués à la jeunesse devraient être redirigés vers « la construction de parcours émancipateurs, culturels, artistiques, technologiques, environnementaux, solidaires ». « Si les budgets allaient dans les mouvements d’éducation populaire, ça pourrait faire des choses extraordinaires à la place », assure Gilles Roubis. Tandis que de nombreux syndicats de l’enseignement, associations et collectifs dénoncent le dispositif phare du quinquennat d’Emmanuel Macron, le Président envisage toujours de le rendre obligatoire, d’ici à 2026.
Emma Larbi