Pour être guide touristique, « il ne suffit pas de regarder sur Wikipédia ! »

Un projet d’arrêté interministériel destiné à élargir l’accès à la profession provoque la colère des guides touristiques, qui craignent l’arrivée d’une horde de concurrents non qualifiés.

 

« Mais elle est où ? Mais elle est où ta formation ? ». Le Conseil d’Etat d’un côté, le musée du Louvre de l’autre. Sur la place du Palais Royal à Paris, les guides-conférenciers étaient mobilisés ce jeudi 3 novembre pour défendre leur profession.

A l’origine de leur colère, un projet d’arrêté interministériel visant à élargir l’accès au métier de guide. Selon ce projet, toute personne avec un master, quel qu’il soit, et un an d’expérience cumulée sur cinq ans dans la présentation du patrimoine pourra prétendre à l’obtention de la carte professionnelle de guide.

Une « aberration » pour les guides. « Comme si un diplômé en biologie pouvait faire des visites » , lance Marie-Paule, qui dresse un parallèle avec les autres secteurs : « Vous imaginez si on faisait pareil pour les médecins ? ». Marie-Paule est guide depuis six ans. Elle travaille aujourd’hui au château de Chantilly dans l’Oise, et a dû pour cela suivre un cursus bien spécifique.

Être guide ne s’improvise pas, plaide Ryoko, agitant une pancarte où est inscrit « Le patrimoine est en danger ». « On étudie un certain temps, on s’investit beaucoup. C’est vraiment un métier de passion : il ne suffit pas de regarder sur Wikipédia ! ». Pour elle, ce projet d’arrêté n’est qu’une stratégie, « très mauvaise », pour réduire les chiffres du chômage « en donnant une carte de guide à tout le monde ».

« Profession sinistrée »

Un peu plus loin, Vincent, guide depuis quinze ans, proteste contre la concurrence déloyale que risque d’instaurer l’arrêté : « On a peur que les agences qui nous emploient ne jouent pas le jeu et embauchent un personnel moins qualifié, qui prétendra à un salaire moins élevé que nous. » Vincent travaille pour Paris City Vision. « Lorsque je parle de notre situation à des clients, raconte-t-il, ils me disent qu’ils veulent des guides qualifiés, comme moi. Mais ils ne sauront pas quelles qualifications a leur guide. »

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La crainte de la précarisation est d’autant plus forte que le secteur du tourisme connaît déjà une période difficile. « Profession sinistrée, enterrez l’arrêté », scandent les manifestants. « La saison a été désastreuse, explique Pascale. Il n’y a pas beaucoup de travail cette année, est-ce que c’est le moment pour un texte comme cela ? On marche sur la tête ! »

Ce n’est pas la première fois que les guides voient leur statut menacé. L’année dernière, une disposition de la loi Macron envisageait purement et simplement la suppression de leur carte professionnelle.

Contre cette nouvelle tentative de déréglementation de leur activité, les guides demandent au gouvernement d’appliquer les normes techniques européennes, qui définissent une formation spécifique pour être guide.

Lundi prochain, une réunion d’information est prévue entre le gouvernement et les principaux représentants de la profession (SPGIC, SNGC, UNSA, FNGIC et ANCOVAR) pour discuter du nouveau texte et de son application.

Richard Duclos

Visite surprise du fisc français chez Google, à Paris : pourquoi ?

« Doublette irlandaise » et « sandwich hollandais ». Ce ne sont pas des spécialités culinaires, mais le nom des différents systèmes d’optimisation fiscale pour lesquels, sans doute, le fisc français a fait une descente aujourd’hui dans les locaux parisiens de Google.

Selon les informations du Parisien, une perquisition serait en cours au siège de Google à Paris, dans le cadre d’une enquête pour fraude fiscale. Une centaine de fonctionnaires du fisc et de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF) ont pénétré dans les locaux, avec le renfort de cinq magistrats du parquet national financier.

Pour tout comprendre au système d’optimisation fiscale de Google (et de nombreuses autres grandes compagnies), laissez-vous guider par cette cartographie interactive en cliquant sur la première flèche à droite.

Pierre Laurent

Colère des scientifiques contre les coupes budgétaires dans la recherche

Une tribune signée par huit scientifiques de renom déplore un projet de coupes budgétaires pour la recherche. La communauté scientifique est en émoi.

Sept prix Nobel et une médaille Fields dénoncent dans une tribune publiée dans le Monde des coupes budgétaires dans la recherche. Présenté en commission des finances de l’Assemblée Nationale mercredi 18 mai, un projet de décret vise à supprimer une enveloppe budgétaire de 265 millions d’euros pour  la recherche et l’enseignement supérieur.

Mais ce matin encore, François Hollande invité sur France Culture, a assuré que l’action en recherche & développement restait une priorité.

Les principaux organismes de recherche sont particulièrement touchés comme le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), le Centre national pour la recherche scientifique (CNRS) l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) ou encore  l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) pour une annulation globale de 134 millions d’euros. Selon Martine Cohen-Salmon, chargée de recherche au CNRS en biologie, c’est un coup dur « une baisse de budget c’est une baisse de niveau de recrutement .»

Le budget du CNRS de plus de 3 milliards d’euros est constitué de 2,1 milliards de masse salariale. Cette annonce nourrit ainsi des inquiétudes sur l’avenir du centre de recherche: « le niveau de recrutement des jeunes chercheurs est déjà catastrophique. Seuls un ou deux postes sont créés chaque année en premier grade, explique-t-elle, or les candidats ont un niveau équivalent au poste de directeur de recherche.»


une baisse de budget c’est une baisse de niveau de recrutement


Un phénomène à l’effet boule de neige « il y a moins d’étudiants aujourd’hui en biologie car il n’y a plus de débouchés, analyse Martine Cohen-Salmon, et c’est compréhensible, pourquoi s’engager dans une voie de garage! » Une menace de décrochage de la recherche en France amplifiée par la mondialisation de la concurrence « la plupart partent en tant que post doctorant à l’étranger où ils sont embauchés.  C’est d’autant plus avantageux pour les centres de recherche étrangers qui recrutent des chercheurs déjà formés. »

L’ANR n’a financé que 8% des projets en 2015

La ministre de l’Education Najat Vallaud-Belkacem et son secrétaire d’Etat Thierry Mandon, ont assuré via un communiqué que ces suppressions de crédits visent à « mobiliser en particulier leurs fonds de roulement disponibles et leurs trésoreries. Mais pour le CNRS cet argument n’est pas valable « un projet en biologie expérimentale et une étude en Histoire n’impliquent pas les mêmes moyens. »

Depuis 2005, l’Agence nationale de la recherche (l’ANR) créé pour remplacer deux dispositifs de financement, le fonds national pour la science (FNS) et le fonds pour la recherche technologique (FRT), est l’unique fonds public qui décide les budgets. Mais en 2015, seuls 8% des projets déposés par des chercheurs français ont été acceptés par l’ANR. Le 14 mars, lors de l’inauguration de l’Institut Pierre-Gilles-de-Gennes à Paris, François Hollande avait annoncé que l’ANR accepterait davantage de projets cette année.  Reste à voir sur quels critères les enveloppes seront réparties.

Des attentes politiques en contradiction avec la recherche

Pourtant, selon un classement établi par Thomson-Reuters  en mai 2016, le CEA, le CNRS et l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) figurent parmi les dix premiers organismes de recherche en termes d’innovation dans le monde. Une dynamique dont les chercheurs craignent l’essoufflement.

« Il y a vingt ans les laboratoires étaient subventionnés par l’organisme de tutelle auquel ils étaient rattachés. Un financement complété par le privé si besoin. Aujourd’hui c’est l’inverse. » déplore Martine Cohen-Salmon.  Des restrictions budgétaires publiques qui vont de pair avec un autre problème « pour qu’un projet soit validé par l’ANR, il faut le tourner vers le développement. Or c’est totalement contradictoire avec la recherche qui ne peut pas donner de garantie, on ne sait pas ce que l’on va trouver à l’issue d’une recherche. »

Depuis sa création le budget de l’ANR est passé de 710 millions d’euros (M€) en 2005  à 535 M€ en 2014. Bien qu’il l’un des budgets les plus importants en Europe, elle est constante régression. En Allemagne les dépenses de recherche et développement ont augmenté de 75% en dix ans.

Sonia Ye

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Le revenu universel, un salaire pour tous, sans conditions

750 euros chaque mois, pour tous les Français, sans aucune condition. L’idée du revenu universel fait son chemin en France. La fondation Jean Jaurès vient d’en étudier le coût et estime que verser à tous un salaire entre 500 et 1000 euros serait faisable, sans ruiner les finances l’État.

Revenu de base, salaire universel ou d’existence, le principe a plusieurs noms mais une seule définition : « C’est un revenu versé à tous les membres de la société sans conditions, sans contrepartie de travail, de façon individuelle et qui se cumule avec les autres revenus », explique Jean-Eric Hyafil, doctorant en économie et membre du Mouvement français pour un Revenu de base. Ce principe accorde donc à tous, pauvres ou riches, enfants ou adultes, un salaire égal.

Les arguments pour le revenu de base sont nombreux et divers : sortir de la pauvreté, réduire les inégalités ou avoir le droit à la paresse. Dans un article publié dimanche, la fondation de recherche Jean Jaurès, proche du PS, explique que ce principe n’est pas une utopie. Dans une France où le nombre d’emplois chute et où les compétences humaines deviennent obsolètes face à l’automatisation et à la numérisation, le plein emploi et la croissance à tout prix ne sont plus des buts réalistes. Le revenu universel propose donc une solution pour éviter la précarisation.


Comment financer ce revenu ?

Instaurer le revenu de base coûterait plusieurs centaines de milliards d’euros par an à l’État. Pour financer ce principe, la fondation propose de supprimer les principes de la protection sociale (allocation chômage, retraite, RSA, logement, maladie…), puis de redistribuer équitablement ces dépenses. « Le revenu de base remplace les aides sociales sans créer des recettes fiscales supplémentaires. On fond les prestations sociales et on redistribue, explique Thomas Chevandier, auteur de l’étude de la fondation Jean Jaurès. « Mais il faudra quand même garder le financement des affections de longues durées, comme les maladies handicapantes, pour que le principe soit réellement équitable. »
Pour étudier la faisabilité de cette mesure, la fondation a établi trois scénarios de revenu de base et en a étudié les conséquences sociales, et le prix pour l’État.

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Un revenu de base à 750€ apparaît ainsi être un montant réaliste. Suffisant pour remédier au problème de précarité, mais pas assez pour « désinciter » les gens à travailler. Ce revenu à 750€ pourrait être financé grâce à la suppression des prestations sociales. Cependant, si le revenu de base permet à chacun de toucher un salaire égal, aucune solution n’est proposée quant aux aléas de la vie, opération médicale coûteuse, accident…


L’idée arrive au gouvernement

L’idée du revenu de base avait déjà été discutée par les politiques. En 2011, Dominique de Villepin proposait une ébauche de « revenu citoyen » : verser 850€ aux plus démunis contre un engagement dans des associations. En avril, Manuel Valls évoquait la même idée comme un « revenu universel pour les 8 millions les plus pauvres. » Mais ces ébauches abandonnent l’idée de l’universalité au profit d’une sorte de minima social amélioré.
Le 19 mai, le Sénat a rejeté un projet d’instauration du revenu de base, présenté par le sénateur écologiste Jean Desessard. Mais une mission d’information a été lancée pour six mois, sur  » l’intérêt et les formes possibles de mise en place d’un revenu de base en France. »

Après ces six mois d’études, la France décidera peut-être de s’inspirer de ses voisins européens. En Suisse, les citoyens se prononceront le 5 juin sur l’instauration d’un revenu de base à 2300 euros mensuels dans tous le pays.

 

Pour ou contre le revenu de base ? Des économistes répondent.


Le revenu universel dans le monde

A travers des expériences de courtes durées, comme en Namibie ou des mesures récentes, au Pays-Bas, le revenu universel est expérimenté à travers le monde, sur tous les continents.

 

Clara Griot