Le tri sélectif est-il à jeter à la poubelle?

Le tri n'est pas souvent respecté dans les poubelles franciliennes
Le tri n’est pas souvent respecté dans les poubelles franciliennes. 

Chaque année, 39% des déchets produits pas les Français sont recyclés. En Île-de-France, ce taux chute à 28%. Mais la capitale reste le plus mauvais élève, seuls 17,4% des déchets produits par les Parisiens étant valorisés. Comment expliquer un tel échec et quelles mesures peuvent être prises en amont ?

Bricardo se laisse doucement porter par le tapis roulant. Seulement, il voit au loin ce qui l’attend. Il est sur le point de se faire compresser avec des centaines d’autres bouteilles. L’heure de la renaissance sous une nouvelle forme a bientôt sonné.

Bricardo est une brique de lait. La semaine dernière, il se reposait doucement au frais dans un réfrigérateur du VIe arrondissement de Paris. Mais le lait qu’il comportait a été consommé, il a été jeté. Le matin suivant, un camion poubelle l’embarquait vers une nouvelle destination.

Bricardo fait partie des 417 336 tonnes d’emballages recyclables, hors verre, collectés en Ile-de-France en 2014, selon l’Observatoire régional des déchets d’Ile-de-France (ORDIF). Il a été chanceux, car chaque jour, certains de ses camarades ne sont pas collectés car ils cohabitent dans la poubelle des déchets recyclables avec d’autres déchets qui ne sont, eux, pas recyclables. Jean-Luc D., éboueur dans le IXe arrondissement de la capitale, refuse chaque jour le ramassage de certaines poubelles jaunes. « On a l’impression que les Parisiens ne comprennent pas le tri sélectif, alors qu’il y a des autocollants rappelant quels sont les objets qui y sont acceptés. Le plus souvent, on y trouve du bois, des vêtements… Une fois, j’ai quand même retrouvé deux colverts morts dans un sac jeté dans la poubelle jaune », raconte l’employé de mairie. Pour Franck L., lui aussi agent municipal à Paris, la faute incombe aussi aux éboueurs. « Il y a des collègues qui refusent une poubelle entière juste parce qu’un petit sac d’ordures ménagères, facilement mis de côté, a été jeté dans la poubelle jaune », déclare-t-il.

À Paris, 17,4% des déchets recyclés

Selon le rapport public annuel 2017 de la Cour des comptes, intitulé « Traitement des déchets en Île-de-France : des objectifs non remplis », seuls 17,4% des déchets produits en 2015 par habitant dans la capitale ont été recyclés. En Ile-de-France, ce taux de recyclage monte à 28%, mais la région est encore loin de l’objectif fixé par la loi de 2009 de mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, fixé à 45%. Pourtant, l’Île-de-France produit 15% des déchets ménagers en France. Ce taux est également inférieur à la moyenne nationale, qui est elle de 39%, et bien loin de la moyenne de l’Union européenne, dont le taux de recyclage était de 44,6% en 2015. L’Allemagne est elle considérée comme bon élève en affichant un taux de recyclage de 64% en 2014. Le retard de la région Île-de-France, et surtout de Paris, en matière de recyclage est principalement dû à l’étape du tri, qui n’est pas respectée. Selon la mairie de Paris, plus de la moitié des ordures retrouvées dans la poubelle dédiée aux déchets ménagers est en fait recyclable. De plus, plusieurs immeubles parisiens ne sont pas munis de poubelles de tri. « Dans mon immeuble, il n’y a ni poubelle de verre, ni poubelle de déchets recyclables, je suis obligée de stocker puis de jeter mes déchets, souvent dans les poubelles des autres. À Paris, si l’on veut trier, il faut le vouloir », raconte Estelle C., habitante du quartier de Montmartre (XVIIIe).

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Pour pallier ce taux médiocre, la mairie de Paris a lancé le « Paris du tri » en mars 2016. Cette vaste opération de communication vise à transmettre les bons gestes à adopter face à ses déchets. Un « guide du tri » a d’ailleurs été distribué à large échelle dans les boites aux lettres parisiennes. Plus récemment, la Ville a également misé sur un nouveau bac au couvercle orange, destiné à recevoir les ordures organiques. Le dispositif n’est néanmoins qu’à l’état d’expérimentation, seule une partie du XIIe arrondissement de Paris étant concernée.

Les déchets recyclables ayant passé l’épreuve du tri et donc placés dans le bon bac, à l’instar de Bricardo, sont ensuite transportés dans les centres de tri de déchets d’Ile-de-France. Ayant été jeté dans le VIe arrondissement, Bricardo est emmené au centre de tri du XVe arrondissement de Paris. Appartenant à l’entreprise Syctom, ce centre trie les déchets recyclables en fonction de leur matériau de conception. Ils subissent ensuite l’épreuve traumatisante du compactage, afin d’être acheminés vers des centres de traitement des déchets spécialisés dans chacun des types de matériaux.

Bricardo étant une brique alimentaire, il est composé de carton, de plastique et d’aluminium. Le carton est l’élément recyclable majoritaire d’une brique de lait. Après son passage en centre de recyclage, il commencera une nouvelle vie, sous la forme de papier toilette ou de papier cadeau.

Agir en amont : le vrac

Pour éviter le parcours du recyclage, dont peu de déchets passent finalement toutes les étapes, certains trouvent des solutions en amont, comme l’achat de produits en vrac. Laurent Quentin a ouvert une boutique spécialisé dans ce mode de vente sous la franchise Day by Day, dans le VIIe arrondissement de la capitale. « Il y a quelques années, je me suis rendu compte que chez nous on jetait à peu près 30% de ce qu’on achetait. Ça a provoqué un déclic chez moi, et j’ai commencé à m’intéresser au vrac. Puis j’ai réalisé que je pouvais ouvrir une boutique, franchisée de surcroit, et je n’ai pas hésité à tenter l’expérience », explique-t-il. Lui qui a travaillé dans l’industrie pharmaceutique pendant vingt-trois ans a donc décidé de sauter le pas il y a huit mois, et s’est installé Rue de Sèvres.

Laurent Quentin a ouvert sa boutique rue de Sèvres en septembre dernier.
Laurent Quentin a ouvert sa boutique rue de Sèvres en septembre dernier.

 

À l’intérieur, les tubes remplis de denrées sont nombreux, bien que la superficie de la boutique ne soit pas très grande. « C’est un parti pris d’avoir un magasin de taille restreinte, ça reste un commerce de proximité », explique Laurent Quentin, accompagné ce jour-là de Frédéric Dufour. Ce dernier a pour projet d’ouvrir un magasin Day by Day à Boulogne-Billancourt en septembre. Il vient cette semaine se former dans la boutique du VIIe arrondissement.

Si la taille du magasin est limitée, le choix lui ne l’est pas. Pâtes, riz, quinoa, bouchées de saucisson, céréales, lentilles corail, épices,… Il est possible de trouver n’importe quel produit, tant qu’il n’est pas périssable rapidement. Bricardo, la brique de lait, n’aurait par exemple pas sa place dans ce temple du sac kraft. Pour ce qui est du reste, tout est disponible sans emballage, même des produits de première nécessité comme le dentifrice. Encore faut-il braver l’aspect peu attrayant de ce produit en particulier. Le dentifrice en tube, bien connu de toutes les familles, laisse ici place à une pâte dure, verte, sentant anormalement fort la menthe. « Même si j’essaye d’appliquer le zéro déchet chez moi, mes enfants de 17 et 21 ans n’ont pas réussi à passer le cap du dentifrice, qu’ils trouvent très bizarre », s’amuse Frédéric Dufour.

De nombreuses denrées alimentaires sont disponibles à la vente.
De nombreuses denrées alimentaires sont disponibles à la vente en vrac.

Bien que ça ne soit pas son objectif premier, Day by Day a une dimension sociale. « Chaque jour, il y a une vieille dame qui vient m’acheter vingt centimes de pâtes. La manière de procéder d’un magasin en vrac ressemble à celle des épiceries qu’elle connaissait à l’époque. », raconte Laurent Quentin. Mais la nostalgie d’une époque passée n’est pas la seule raison pour laquelle ils ne prennent des provisions qu’en petite quantité tous les jours. « Elle reste toujours un peu dans la boutique pour discuter, et ce n’est pas la seule. Je pense que les clients sont contents de pouvoir parler avec quelqu’un ne serait-ce que quelques minutes, surtout les plus isolés », poursuit le gérant.

Une solution viable ?

Si le fait de ne prendre que la quantité voulue est un avantage, le prix, lui ne l’est pas. Même si Laurent Quentin affirme que les prix sont « 5 à 30% moins chers qu’en grande surface », une comparaison menée entre les prix d’un Carrefour City et Day by Day prouve le contraire. En supermarché, un kilogramme de pâtes coûte 1,74 € contre 4,25 € dans le magasin de la rue de Sèvres. Pour un litre de liquide vaisselle, il faut débourser 2 € au Carrefour contre 4,25 € à Day by Day. Un bloc de dentifrice, qui équivaut à un tube et demi, vaut lui 9,90 € en vrac, contre 1,74 € au Carrefour pour la même quantité. Reste à savoir si le prix est un gage de qualité. À Day by Day, les produits issus de l’agriculture biologique sont signalés par une étiquette verte, ceux qui ne le sont pas d’une étiquette orange. Mais aucune mention de la provenance des produits.

Ici, pas question d'utiliser des sacs en plastique.
Ici, pas question d’utiliser des sacs en plastique.

La Ville de Paris a fixé comme objectif le « zéro déchet » à terme dans la capitale. Mais un palier à l’horizon 2020 est d’ores et déjà fixé : réduire de 10% le volume de déchets ménagers produits. Si la réaction en amont, en se procurant ses denrées dans des magasins de vrac par exemple, semble être une bonne idée, il ne faut néanmoins pas délaisser le tri en aval. « Le guide du tri est une première étape certes, mais face à l’incivilité, pourquoi ne pas mettre en place des amendes, comme à San Francisco », avance l’employé de mairie Franck L. San Francisco, revalorisant presque 100% de ses déchets, est donc un exemple à suivre dans le domaine.

Catherine Saliceti et Aline Bottin

À lire aussi : La tendance zéro déchet en mode de vie 

Les Puces de Clignancourt : « l’autre marché »

IMG_0377À seulement quelques mètres du marché Vernaison, à l’ombre du périphérique, un autre marché se dessine. Les Puces de la porte de Clignancourt sont l’opposé de celles de Saint-Ouen : des vêtements et des baskets, souvent de mauvaise qualité, produits en série en Chine. Un véritable temple de la contre-façon fréquentée par une clientèle plus populaire.

À la recherche des « authentiques » Puces, nombreux sont les badauds à s’y aventurer… pour ensuite rebrousser chemin. « Pour moi, les puces de Saint-Ouen c’est synonyme de contre-façon, du coup je n’ai jamais cherché à aller voir plus loin », s’étonne Clara, parisienne de 25 ans. Une image dont les antiquaires aimeraient bien se détacher. « Il faudrait plus de contrôle, ces étales nuisent à l’image des puces », peste Halimi, vendeur de tapis dans le marché Malassis. La mairie de St-Ouen, a tenté de s’emparer du problème. Dans les années 2000, elle fonde la Brigade des puces, chargée de faire la chasse aux contre-façons. Une lourde tâche dans un univers où les faux sacs Chanel ont pignon sur rue.

Les puciers ou la tentation de la magouille

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Le marché aux Puces ne fait pas vivre que les antiquaires. Autour, c’est toute une économie, parfois souterraine, qui gravite. Les tours opérateurs, les entreprises de FRET mais aussi des petits intermédiaires chargés de guider les touristes fortunés vers certaines échoppes. « Quand j’étais guide pour les visiteurs russes, les marchands m’ont proposé, au noir, 10% de commission sur les ventes si j’emmenais les touristes dans leurs boutique , confie Vladimir T., guide retraité, personne ne dit rien mais tout le monde le sait. C’est une pratique courante », rajoute-t-il. Une entreprise lucrative pour ce Russe qui a pu, par exemple, toucher en une après-midi 5 000 euros sur une vente. Une position privilégiée qui lui permet d’observer les tours de passe-passe de certaines antiquaires. « Une fois, un antiquaire a vendu à mes touristes deux vases du XVIIe XVIIIe qu’il présentait comme unique. Six mois plus tard quand je suis revenu avec un autre groupe, il vendait de nouveau ces deux même vases », sourit-il. Si la contre-façon est chassée sur le marché de la porte de Clignancourt, elle l’est plus difficilement chez les antiquaires. « Ce n’est pas comme pour un sac de marque, les antiquaires ne sont pas contrôlés par les pouvoirs publics », se désole-t-il.

Dorine Goth et Anaïs Robert