Le circuit court : alternative à la mondialisation ?

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Chaque client présente son nom pour récupérer sa commande passée sur internet. Crédits : Lou Portelli

La Ruche qui dit oui organise chaque semaine des ventes sur le modèle du circuit court. Les commandes passent directement de la main du producteur à celle du client. Des initiatives fleurissent partout en France.

« Je viens chercher mes poireaux ». Rue de la verrerie, dans le 4e arrondissement de Paris, les clients de la Ruche qui dit oui viennent tous les mercredis soir récupérer leur commande. Elles se réservent sur Internet jusqu’à 36 heures avant la vente. Ici, le circuit court prend le contre-pied de mondialisation. L’objectif : valoriser le produire local et la rencontre avec les producteurs. Selon Cécile, de la Ruche qui dit oui, « acheter par ce biais ne revient pas beaucoup plus cher qu’en grande surface ». Par exemple, six œufs valent 1,92 euros, un prix « imbattable » pour l’organisatrice de cette vente. 20 euros pour un poulet bio d’1,5 kg. « Pour un prix abordable on a des produits de meilleure qualité », confirme Belen Aguirre. La jeune femme est perdue dans la longue file d’attente devant le stand de légumes. Autour d’elle, trois autres étals proposent du pain, du miel et de la viande. Mais à La ruche qui dit oui, on ne trouve pas de tout. Belen Aguirre, comme beaucoup d’autres clients, est obligée de compléter ses quelques emplettes par des achats au supermarché.

La Ruche permet aux clients de rencontrer les producteurs. Tous sont choisis dans un rayon de 250 km maximum autour du point de vente. « Les gens sont sensibles au système du circuit court, affirme Cécile. Les producteurs fixent eux-mêmes leurs prix et sont moins pris à la gorge que lorsqu’ils commercent avec les grandes surfaces ». Cécile va démarcher elle-même les agriculteurs de sa Ruche. Elle les rencontre et observe leurs techniques de productions. « Ce qui rassure les consommateurs, c’est que je peux leur rendre compte de ce que je vois. Je peux leur expliquer que les bœufs sont soignés à l’aromathérapie. Il n’y a pas de scandale sanitaire ici ». En raison de ce service, la Ruche touche une commission de 8,3 % sur chaque vente hebdomadaire. Cécile s’en sert de complément à son revenu de juriste.

 Un « concept de bobo » ?

Mais le concept ne fait pas l’unanimité, même parmi ses membres. Le producteur d’épinards Gérard Munier, fournit toutes les semaines la Ruche mais reste critique sur son mode de fonctionnement. « C’est un concept de “bobo“ de rencontrer les agriculteurs», lance-t-il, après avoir livré une dizaine de Ruche dans la soirée. D’après lui, les producteurs sont rarement présents sur les stands. Des vendeurs viennent à leur place remettre les commandes. « La logistique n’est pas prise en charge ». Gérard Munier rapporte que les horaires de la Ruche imposent aux agriculteurs de se rendre à Paris pendant les heures de pointe. « Notre bilan carbone est parfois plus important que pour les produits venant d’Espagne livrés aux supermarchés », assure-t-il.

« Le circuit court se développe mais ne permet pas à la grande majorité des producteurs d’en vivre »

« En 2014 nous avons enregistré 25 millions d’euros de transactions quand un seul supermarché réalise en moyenne 100 millions », déclare à Arrêt sur image Marc-David Choukroun, co-fondateur de la plateforme. Avec environ 650 ruches, l’entreprise prospère mais n’opère pas pour autant un changement radical du mode de consommation. « Le circuit court se développe mais ne permet pas à la grande majorité des producteurs d’en vivre », regrette Gérard Munier. Outre la Ruche, ce dernier vend ses jeunes pousses à des épiceries indépendantes, à des restaurateurs, ainsi qu’à des grandes surfaces. Selon le ministère de l’agriculture, un exploitant sur cinq vend en circuit court (21 % des exploitants).

Lou Portelli & Ambre Lepoivre

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Manger local, partout en France

L’ISF transformé en impôt sur le seul patrimoine immobilier

Panorama de l'hémicycle. / Crédit : Wikimédia Commons
Panorama de l’hémicycle. / Crédit : Wikimédia Commons

Mesure très controversée, la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune a été votée par l’Assemblée Nationale. Renommé impôt sur la fortune immobilière, il ne représente qu’un tiers de l’ISF original.

 

Les députés ont voté ce jeudi la transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en impôt sur la seule fortune immobilière (IFI). Cette mesure, la plus controversée du projet de budget 2018, va amputer l’Etat de 3,2 milliards de revenus sur les 5 milliards que rapporte l’ISF.

L’ISF est aujourd’hui payé par 351 000 foyers dont le patrimoine atteint 1,3 millions d’euros. Avec l’arrivée de l’IFI, ces personnes ne devront plus payer d’impôt sur leur patrimoine mobilier et leurs placements (assurance-vie, actions, obligations…).

Le projet de loi doit désormais être validé par le Sénat avant d’être définitivement adopté par l’Assemblée.

 

Une opposition à droite comme à gauche

L’objectif de cette mesure est d’« orienter l’épargne des gros patrimoines vers le financement des entreprises », a expliqué le rapporteur général Joël Giraud, La République en Marche (LREM), pour défendre la transformation de l’ISF.

La mesure a été vivement critiquée des deux bords de l’échiquier politique.« Une faute historique », selon l’économiste Thomas Piketty. Pour le député communiste Fabien Roussel, c’est « un cadeau aux plus grosses fortunes de France ».

Même des députés du MoDem et de droite se sont opposés à la création de l’IFI. Ils ont plaidé pour une suppression totale de l’ISF, s’inquiétant de l’impact sur le marché immobilier.

Sans parvenir à éteindre la polémique, le groupe LREM a fait voter un amendement pour créer, dans les deux ans, une mission de suivi de la réforme pour évaluer « les effets de la mesure en terme d’investissement dans les entreprises et de répartition des richesses ».

 

– Jean-Gabriel Fernandez

Un boulanger niçois s’inquiète de la disparition du croissant

Frédéric Roy, un artisan boulanger de Nice, a envoyé une lettre au gouvernement pour demander la mise en place d’un label tradition pour les croissants et autres viennoiseries. Ceux qui fabriquent eux-mêmes leurs viennoiseries ne représentent aujourd’hui que 15% de la profession. Ils dénoncent une concurrence déloyale et une manière détournée de tromper le consommateur.

Plus de 80% des boulangers ne fabriquent pas eux-mêmes leurs viennoiseries. Crédits : Pixnio
Plus de 80% des boulangers ne fabriquent pas eux-mêmes leurs viennoiseries.
Crédits : Pixnio

Il faut sauver le croissant au beurre. C’est en tout cas ce que croit Frédéric Roy, artisan boulanger à Nice. Ce dernier a écrit il y a quelques semaines une lettre au Premier ministre pour lui demander d’instaurer un label « tradition » pour les viennoiseries, au même titre que la baguette.

« Aujourd’hui, 85% des boulangers vendent des viennoiseries industrielles. Si l’on ne protège pas l’appellation du croissant, j’ai bien peur qu’il disparaisse, alors qu’il fait partie du patrimoine français au niveau international », avance Frédéric Roy, qui fabrique ses croissants maison depuis 32 ans. « Les clients font de moins en moins confiance aux commerces, et notamment les boulangeries, c’est pour cela qu’il faut instaurer ce label », poursuit-il. En effet, la seule obligation pour porter l’appellation boulangerie est de fabriquer et de cuire le pain sur place. Rien n’est réglementé concernant les viennoiseries, et « rien ne permet de différencier de visu un croissant industriel d’un fait maison », affirme le boulanger niçois.

« On donne trop de droits aux industriels »

Pour certains artisans, la vente de viennoiseries industrielles par les boulangers est vue comme une concurrence déloyale. C’est le cas de Jean-François Tabourel, qui tient une boulangerie à Levallois-Perret (92). Dans sa vitrine, des dizaines de viennoiseries variées, « toutes faites maison », assure-t-il. « Ce n’est pas normal qu’ils puissent les vendre au même prix que nous alors qu’ils ne les fabriquent pas, et ce malgré l’augmentation du prix du beurre », dénonce-t-il. Au cours des vingt derniers mois, le prix du beurre a augmenté de 172% alors qu’il est un élément essentiel à la fabrication du croissant. Le boulanger est favorable à l’instauration d’un tel label, mais il doute qu’il sera un jour mis en place. « On nous avait déjà promis un décret pour réglementer la vente de la galette des rois et on ne l’a jamais obtenu », déclare-t-il. « On donne trop de droits aux industriels, mais ma carrière est presque finie et j’en ai marre de me battre », conclut l’artisan, avant de retourner dans l’arrière-boutique.

Avec sa lettre, Frédéric Roy espère faire avancer la situation, et reçoit d’ores et déjà des réponses. Le Premier ministre lui a répondu pour l’informer qu’il avait transféré sa lettre à Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, compétent pour ce type de demande. Dans l’entourage du ministre de l’agriculture Stéphane Travert, on dit même que « l’action [du boulanger] va totalement dans le sens des états-généraux de l’alimentation, qui ont pour objet de trouver des solutions plus saines pour s’alimenter« .

« Valeur d’artisan »

Madame Niel, artisane boulangère, est aussi séduite par l’initiative de Frédéric Roy. « Je suis à 100% pour le fait maison en boulangerie. Sinon, autant acheter ses viennoiseries chez Auchan », dit-elle dans un sourire. Dans sa boutique implantée à Levallois-Perret (92), elle fabrique tous ses produits, des tartes au citron meringuées aux pains aux raisins. Et pour le prouver, elle dispose d’un autocollant portant la mention « valeur d’artisan ». « C’est mon meunier qui me l’a donné, pour montrer aux clients que j’utilise de la farine française pour mes viennoiseries. Par extension, c’est une preuve que je les fabrique moi-même », explique-t-elle.

Certaines garanties que les produits ne sont pas industriels existent donc déjà pour le consommateur, mais restent méconnues. « Mes clients me disent souvent qu’ils ont du mal à choisir leurs aliments parce qu’ils n’ont pas de point de repère. Ce label, ça pourrait être un début », conclut Frédéric Roy.

Aline Bottin

Les fonctionnaires de santé dénoncent des « conditions de travail intenables »

Baisse des effectifs, blocage des salaires, regroupement des hôpitaux : les soignants se sont rassemblés ce mardi 10 octobre pour protester contre les mesures gouvernementales sur la fonction publique. Pour la première fois depuis une dizaine d’années, l’ensemble des syndicats de la santé ont marché côte à côte.

« On veut des sous et du personnel ! », lance Catherine, puéricultrice à l’hôpital Necker à Paris. « Nos conditions de travail sont devenues intenables, nous travaillons trop souvent sur nos jours de repos », ajoute Johanna, sa collègue. En grève, elles sont venues toutes les deux manifester ce mardi 10 octobre contre les mesures annoncées par le gouvernement. Pour la première fois depuis la loi Bachelot en 2009, une dizaine de syndicats de praticiens hospitaliers s’unissent pour battre le pavé ensemble.

« Mon salaire n’a pas bougé depuis dix ans »

Aux alentours de 14 heures, la place de la République se remplit doucement. Les blouses blanches se rassemblent, sortent les pancartes d’un camion à l’effigie du syndicat Sud Solidaires. Sur l’une d’entre elles est inscrit, en lettres capitales, « L’hôpital n’est pas une entreprise ». Patrick, 55 ans, distribue les tracts aux passants. « C’est pour les générations futures que je suis là aujourd’hui, lâche cet agent logistique. Les salaires sont bloqués, les CDD ne sont pas titularisés… Entrer dans la fonction publique aujourd’hui, c’est devenu tellement plus compliqué ».

Patrick, 55 ans, agent logistique, tracte sur la place de la République avant le début de la manifestation. (L.D)

Patrick pointe du doigt les plans d’austérité successifs, le regroupement des hôpitaux qui « signe la mort de l’hôpital de proximité ». Il engage la conversation dès qu’il le peut avec les passants, aux abords de la place. « Les horaires de travail ne sont plus respectés. Mon salaire n’a pas augmenté depuis dix ans. Nous ne sommes pas responsables de la dette, que le gouvernement aille chercher l’argent ailleurs », poursuit Patrick.

La crainte de la privatisation

Médecins, pharmaciens, dentistes, personnels paramédicaux et employés administratifs sont présents dans le cortège. Tous sont concernés par le gel du point d’indice et le rétablissement du jour de carence qui n’indemnise plus le premier jour de congé maladie. Les soignants s’inquiètent d’une baisse de leur pouvoir d’achat, mais ils sont nombreux à demander, en priorité, des conditions de travail décentes. « Nous voulons dire stop à la baisse des effectifs et à la privatisation de la santé. La question des salaires est importante mais elle reste secondaire », estime Marie-Christine, ancienne cadre de santé à Meaux et déléguée syndicale des fonctionnaires autonomes (FGAF).

L’hôpital dans lequel elle travaillait, à Meaux, est déjà en fusion avec d’autres établissements de santé. « On en voit déjà les effets, assure Marie-Christine. Au mois d’août, 40 postes d’ASH (assistantes de soin, NDLR) ont été supprimés. Le gouvernement compte sur notre bonne volonté. Ce n’est plus tenable. »

Parmi les soignants qui manifestent, le secteur public, davantage représenté, n’est pas seul. « Une convergence des revendications est possible avec le privé, mais n’oublions pas qu’ils n’ont ni les mêmes moyens, ni les mêmes salaires », commente Catherine.

 

Léa DUPERRIN