Le clavier « azerty » soumis à enquête

Une enquête publique, commandée par le ministère de la culture en 2015 et mise en place par l’Association française de normalisation, vise à redéfinir l’organisation des claviers français. Deux solutions sont envisagées, une refonte du clavier « azerty », que nous connaissons tous, et une solution plus extrême, le clavier « bépo ».

Crédits : Flikr @JavierMorales
Crédits : Flikr @JavierMorales

 

Serait-ce la fin des claviers « azerty » ? Inimaginable, et pourtant. Une enquête publique a été mise en place par l’Association française de normalisation (Afnor) afin de trouver une organisation des symboles sur le clavier qui soit la mieux adaptée à la langue française.

Tout le monde peut participer à cette enquête, qui se clôture le 9 juillet. Elle offre la possibilité de choisir entre deux propositions majeures, ou de soumettre des modifications.  Des deux nouveaux claviers proposés, l’un se veut nettement plus révolutionnaire que l’autre. C’est le clavier « bépo », clavier censé être plus agréable et plus simple pour écrire en langue française sur un ordinateur ou un smartphone. Il est le fruit d’une étude statistique sur la langue française. L’autre est une version revisitée du clavier « azerty » que nous connaissons tous, agrémentée de nouveaux signes typographiques et réorganisée pour faciliter l’écriture en français.

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Les deux modèles retenus pour remplacer le clavier « azerty » originel.

La disposition des caractères sur un clavier « azerty » remonte… au XIXe siècle ! Elle est directement issue des claviers de machines à écrire anglo-saxonnes : cet arrangement permettait de taper rapidement à la machine, sans que les marteaux ne s’entrechoquent. Commandée en 2015 par le ministère de la Culture, l’enquête publique cherche à normaliser les claviers français, qui n’ont jamais fait l’objet d’aucune norme.

Pour mener à bien cette réorganisation typographique, l’Afnor met en collaboration des experts, des linguistes, des fabricants mais encore des spécialistes des affections de la main et des articulations. Elle a été lancée il y a un peu plus d’un an. La problématique importante est celle liée aux troubles de la main : en positionnant les symboles les plus utilisés au centre du clavier, l’utilisateur s’abime moins les mains. Il est « presque impossible d’écrire en français correctement avec un clavier commercialisé en France », avait déploré la Délégation générale à la langue française et aux langues de France dans un rapport.

Deux solutions : rénover ou tuer « azerty »

 

La solution la plus radicale serait la plus adaptée aux mouvements des mains écrivant français sur un clavier. « L’arrangement des touches de la disposition « bépo » est basé sur une étude statistique de la langue française. Les lettres les plus fréquentes sont placées sur la rangée de repos ce qui permet de limiter les efforts et donc la fatigue musculaire. La frappe devient plus confortable ce qui réduit les risques de troubles musculosquelettiques », précise le site bepo.fr. Seul problème, le nouvel arrangement des touches demanderait un certain temps d’adaptation.

La solution d’un clavier « azerty » amélioré serait la plus douce pour l’utilisateur : en conservant les lettres à leur place habituelle, il ne bouscule pas l’utilisateur dans ses habitudes. Il lui facilite cependant l’écriture, en déplaçant certains symboles (comme les accolades, les voyelles accentuées, l’arobase), en rendant par exemple le point accessible sans majuscule et l’accentuation des majuscules plus simple.

Ouverte jusqu’au 9 juillet, la consultation rendra ses résultats, lors d’une réunion de dépouillement, trois jours après. Les utilisateurs resteront libres d’adopter, ou non, les nouvelles propositions ou d’en faire de nouvelles. Si les deux options, « bépo » et « azerty » sont retenues tel quel, les fabricants auront la liberté d’adopter la configuration qui se prête le mieux à leurs marchés, voire les deux, à la fois pour les claviers physiques ou virtuels sur les smartphones.

Gautier VIROL

Alexandre Romanès, chef de file tzigane

Symbole du cirque à l’ancienne, survivant de la tradition nomade, le cirque d’Alexandre Romanes est à l’opposé des spectacles contemporains. Rencontre avec une pointure de la profession.

Assis à la table de sa caravane en pleine après-midi, Alexandre Romanes, 66 ans, vêtu d’une petite chemisette, claquettes aux pieds, ne donne pas l’impression d’être aux manettes d’un des cirques les plus connus de Paris. Pourtant, depuis 22 ans, la famille Romanes sillonne la France et enchaîne les succès dans la presse. Installés pour quelques mois Porte Maillot, emplacement qui leur est réservé depuis plusieurs années, les Romanes se donnent en spectacle trois fois par semaine. Conscient de sa chance, Alexandre Romanes parle des préjugés à leur égard : « Vous savez « rom » c’est un terme administratif, nous on est tziganes, et même ça les villes n’en veulent pas ». Celui qui est très fier d’appartenir à cette communauté explique qu’ils évitent désormais le Sud-Est : « Un jour un mec m’a même accueilli avec deux revolvers. Il a dit qu’il viendrait me dépouiller tous les jours, j’ai dit « les enfants on démonte tout et on s’en va » ».

Et si à Paris la famille est plus tolérée, ils n’en restent pas moins des marginaux. « On a l’impression d’être dans un zoo, et que les animaux c’est nous… Tous les jours des photographes viennent nous voir, ça devient pesant… »Et pour cause, le chapiteau est rempli à chaque représentation. Un succès qui reposerait essentiellement sur le bouche-à-oreille. Impressionnant en chef d’entreprise, Alexandre Romanes cultive aussi sa sensibilité poétique. Avec six recueils à son actif, il souhaite faire connaître la culture tzigane qui est souvent dévalorisée.

Alexandre Romanes
Alexandre Romanes

Un tantinet taiseux, cet ancien dompteur de fauves ne dompte aujourd’hui dans son spectacle plus que des chatons et son chien Biki. Une manière de tourner en dérision le cirque traditionnel dont il est issu : « On fait pas du cirque à la Pinder avec des gros éléphants. » A la fin du mois, comme le veut la tradition tzigane, Alexandre Romanes, sa femme Delia ainsi que leurs six filles repartiront sur les routes.

Blanche Vathonne & Mathilde Poncet

 

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La petite entreprise du rap français

Faire de la musique ne leur suffisait pas, les rappeurs français bâtissent leur propre empire. Entre vente de prêt-à-porter, labels musicaux ou encore sponsoring, les artistes se comportent comme de vrais chefs d’entreprise.

booba
Même en concert le rappeur Booba ne sort jamais sans sa panoplie Ünkut.

« Ma question préférée : Qu’est-ce que je vais faire de tout cet oseille ? » se demande Booba dans sa chanson Kalash. Beaucoup de choses sûrement avec un chiffre d’affaire de dix millions d’euros juste pour sa marque de vêtements Ünkut en 2013. Le rappeur français est le pionnier d’une nouvelle tendance qui a émergé dans le rap français ces dernières années: celle du rappeur-businessman. Pour ces artistes, il est devenu nécessaire, voire indispensable d’élargir leur champ d’activité en investissant dans d’autres domaines que la musique. Comment expliquer cette nouvelle tendance en France ? Pourquoi ces artistes éprouvent-ils le besoin de se transformer en entrepreneur ? Le sociologue Karim Hammou, chargé de recherches au CNRS, spécialisé dans les cultures et sociétés urbaines, et auteur du livre Une histoire du rap en France répond : « C’est lié à la logique de l’auto-production, qui se développe dans les années 1990 dans le rap français et impose une diversification des artistes pour investir la production, la promotion, voire la distribution. Des contraintes qui les oblige à diversifier aussi leurs sources de revenu ». Ainsi, ils s’inspirent du modèle américain où rappeurs et hommes d’affaires sont une seule et même personne. « Les carrières dans l’industrie musicale sont en général courtes, et la question de la diversification des activités se pose très vite pour les artistes » explique Karim Hammou.

Le plus souvent la première étape est le prêt-à-porter. « La vente de t-shirt est très rentable, à la fois parce qu’ils sont peu coûteux à produire, faciles à distribuer et c’est également une source de promotion efficace » affirme Karim Hammou.Dès le début des années 2000, le rap français envahit le « streetwear ». Cette mode importée des Etats-Unis qui allie à la fois des vêtements larges propres au hip-hop américain à un style européen plus classique et sobre. Ainsi, on assiste à l’émergence de nombreuses marques de vêtements associées à des rappeurs français : Ünkut et Booba, Distinct et Rohff, Swagg et La Fouine ou encore la marque éponyme du label Wati-B, producteur notamment de Maître Gims et Black M. Une activité qui se révèle être très lucrative pour certains d’entre eux. Les ventes génèrent plusieurs millions d’euros de revenus, la marque de Rohff a réalisé un chiffre d’affaire de deux millions et demi d’euros en 2012.

Wati-B est allé encore plus loin. Le label a décidé de devenir l’un des sponsors officiels de deux clubs de Ligue 1, Montpellier et Caen. En s’affichant sur les maillots de ces deux clubs, le label s’assure une visibilité chaque week-end sur les terrains de Ligue 1.

Loin de ces poids lourds, même les rappeurs moins médiatisés se sont lancés dans le business. C’est le cas de la Scred Connexion, groupe majeur fondé en 1995, qui a ouvert sa boutique en 2015.

scred boutique
Dans la « Scred Boutique », DJ Diemone accueille les clients.

« Nous on veut promouvoir les artistes indépendants »

18e arrondissement de Paris, tout au bout de la rue Marcadet, où les Kebabs et les Cafés ont laissé la place aux immeubles. Enfin, pas seulement aux immeubles. Une boutique à la vitrine soignée et bien travaillée interpelle. Le grillage est légèrement baissé et laisse apparaître un joli graffiti. Derrière la vitrine, un vélo clinquant, des bombes de graffitis, des illustrations de murs tagués et des casquettes. Ecrit en grandes lettres rouges : Scred Connexion. Dj Diemone, membre du collectif nous accueille : « C’est moi qui m’occupe de la boutique et du site internet www.scredconnexion.fr. » C’est donc le groupe lui-même qui s’occupe de la distribution contrairement aux boutiques Wati-B ou Unküt où les artistes délèguent, logiquement, l’activité. Mais c’est également l’ambition qui est différente : « Nous on veut promouvoir les artistes indépendants, les aider en vendant leur CD, en parlant d’eux sur notre site internet. » Il faut dire que la Scred Connexion est experte en indépendance. Depuis leurs débuts, ils n’ont jamais signé dans une des grosses maisons de disques (Universal, Warner, Sony). « Cette boutique ce n’est que la suite logique de ce qu’on fait depuis le début. Pour rester indépendant, il faut diversifier ses activités et ses sources de revenus. Voilà pourquoi ce projet est né. » Mais pourquoi cette obsession pour l’indépendance ? « D’abord, parce que financièrement on gagne plus dans le cas où ça marche. Un artiste signé dans un label ne prend que quelques pourcents sur chaque disque vendu. En indé c’est 100%. Ensuite parce qu’on fait absolument ce qu’on veut. » Il n’y a qu’à descendre au premier étage pour le comprendre : vinyles de rappeurs indépendants, CD d’artistes underground (qui ne sont pas connus mais appréciés des connaisseurs), une caverne pour passionnés de Hip-Hop.

L’indépendance comme motivation donc. Mais la boutique reste confidentielle, bien caché dans le 18e arrondissement de Paris, lieu d’origine de la Scred Connexion. Les revenus existent-ils vraiment ? « Le site marche très bien ! On vend beaucoup sur le site depuis longtemps. » La boutique n’a ouvert qu’en 2015. Pourquoi ouvrir un magasin si le site se suffisait à lui-même ? « Pour cet esprit familial. C’est plus spontané, et comme c’est le groupe qui s’occupe de la boutique, les gens viennent aussi pour ça. On a beaucoup de provinciaux qui sont en visite à Paris et qui veulent absolument passer par la Scred Boutique. C’est comme la Tour Eiffel ! » Et le collectif n’a pas fini de se diversifier. Après le site internet, la boutique, c’est la Scred Radio qui va être lancé. Sans en dire plus, le Dj de 40 ans avoue tout de même : « on veut donner aux jeunes rappeurs indépendants ce que nous n’avons pas eu à notre époque. Une vraie vitrine, une radio qui les passe, un lieu d’exposition quoi. » Cela fait maintenant 8 ans que le groupe de rap n’a rien sorti. Et qu’il continue de vivre grâce à ses activités. Leur devise ? « Jamais dans la tendance, toujours dans la bonne direction. »

Créer son propre média, nouvelle tendance des rappeurs français

Les rappeurs français savent aussi innover. La création d’un média semble être la prochaine étape pour ces rappeurs-entrepreneurs. Encore une fois, c’est Booba qui a une longueur d’avance sur la concurrence. Le rappeur a décidé d’étendre son empire à l’univers médiatique en créant tout d’abord une plate-forme de diffusion Oklm.com qui s’est déclinée, à partir de 2015, en une radio en ligne nommée OKLM Radio. « Pour nous, par nous » est le slogan de ce média qui veut se placer en concurrence directe avec des radios traditionnelles comme Skyrock. Lui qui a souvent critiqué le traitement du rap français fait par certains médias veut sortir de ce cadre en proposant un contenu nouveau.

C’est dans la communication que l’entrepreneur Booba se démarque. Lorsqu’il lance sa radio, il a déjà tout anticipé en prenant soin de populariser l’expression « Oklm » à travers un single éponyme qu’il dévoile sur le plateau du Grand Journal de Canal +. L’influence musicale de Booba est donc devenue un moyen de promouvoir directement ses autres activités sans attendre d’être contacté par d’autres journalistes. Après le site et la radio, il enchaîne avec la création de la chaîne de télévision OKLM TV fin 2015. Un challenge de plus pour le rappeur qui s’écarte de la liberté de ton de la radio pour se tourner vers les contraintes imposées par la télévision. Des clips, des interviews, des reportages, une programmation presque identique à une chaîne de musique traditionnelle. Mais la chaîne OKLM devient un outil promotionnel unique pour certains jeunes rappeurs adoubés par le « DUC » et qui auront l’honneur d’être diffusé sur sa chaîne.

En plus de Booba, d’autres rappeurs français se sont lancés dans la création d’un média. Le très engagé Kery James vient de lancer, en avril dernier, son propre média alternatif appelé LeBanlieusard.fr. Il présente ce site comme une « plate-forme d’information indépendante et alternative ». Comme Booba, Kery James a créé ce média pour s’opposer aux médias traditionnels. Mais de son côté, il souhaite apporter un nouveau regard sur l’actualité, et en particulier celle des banlieues. Au programme, la diffusion de plusieurs émissions politiques, des débats sur les violences policières dans les banlieues, etc… Pour ce rappeur considéré comme le leader du « rap conscient », il était devenu nécessaire de créer un média avec une ambition plus sociétale que musicale. « C’est dans la lignée de ce que je défend depuis vingt dans ma musique » affirme-t-il. Lui qui déclarait dans son titre Vent d’Etat en 2012 : « J’accuse les médias d’être au service du pouvoir, de propager l’ignorance et de maquiller le savoir », veut apporter sa propre vérité à travers son site d’information. Pour le moment, Kery James finance entièrement son média.

Après les vêtements, les labels, les médias, quoi d’autre ? Pourquoi pas de l’alcool ? Ah ! Booba vient d’annoncer le lancement de sa nouvelle marque de whisky humblement nommée D.U.C.

Ryad Maouche & Clément Dubrul

Décryptage : la mode des web radios Hip-Hop

OKLM Radio est la plus connue mais pas la première des web radios. Elles pullulent sur internet, se déclinent sous plusieurs formes, se multiplient comme des cailloux dans la chaussure de Skyrock, Générations, ou du Mouv’, les radios FM qui ont le monopole du Hip-Hop en France. No Fun, Zone 26, Radio RapTz ou Piiaf, les web radio Hip-Hop, séduisent et rassemblent de plus en plus d’audience. Comment expliquer ce phénomène ? D’abord, un point commun est essentiel pour toutes ces radios : la liberté de ton. On ne s’interdit rien. La seule règle est la pertinence et la qualité du son diffusé. Mehdi Maizi, animateur de l’émission « La Sauce » sur OKLM Radio et du podcast No fun résume : « On veut donner la parole à tous ceux que l’on trouve bons, qu’ils soient en train d’éclore ou non. »

Ces nouvelles radios profitent également du peu de contraintes dont elles sont sujettes. « On est obligé de diffuser 40% de morceaux en français, de respecter un cahier des charges et de rendre des comptes au CSA » précise Fred Musa, tête d’affiche de Skyrock. Elle peut aussi se targuer d’être écoutée par 4 millions d’auditeurs par jour, pendant qu’OKLM, la plus connue des WebRadios a été téléchargée environ 1 million de fois. Dj Diemone, membre du collectif Scred Connexion explique cela par « un vide médiatique». « Générations ou Skyrock ne passent que du rap commercial et ne font plus découvrir d’artistes. Aux Etats-Unis, il y a des radios qui passent du rap en continue et pas forcément connu. ». Désormais, en France, les web radios font la même chose.

 

Clément Dubrul et Ryad Maouche