Saint-Denis : entre les immeubles, des hectares de légumes pour les habitants

A Saint-Denis, une ferme pédagogique ouvrira ses portes au printemps prochain. Jeanne Crombez, responsable du projet, souhaite valoriser le lien entre producteur et consommateur.

Une partie de la récolte des citrouilles a permis à des enfants de les creuser pour Halloween.
Une partie de la récolte des citrouilles a permis à des enfants de les creuser pour Halloween.

A Saint-Denis, juste à côté du géant américain de la restauration rapide, plus de trois hectares de terres sont encerclés par les tours d’immeubles. Cette ferme n’est pourtant pas nouvelle dans le quartier, elle existe depuis 1920. L’ancien propriétaire René Kersanté prend sa retraite et confie ses terres à Jeanne Crombez qui va remettre à flot l’exploitation qui connaissait quelques difficultés financières.

Cette jeune femme de 22 ans souhaite donner un nouvel élan au lieu : d’ici le printemps prochain, l’exploitation va devenir une ferme pédagogique. « Nous allons construire une serre de 450m² et faire venir des animaux : moutons, chèvres, poules, canards… »

Mais le but premier, c’est faire de la vente directe de légumes. Auparavant, René Kersanté vendait ses salades sur le marché de Saint-Denis et ce qui lui restait au supermarché Carrefour.

Jeanne Crombez veut désormais créer un lien direct à la ferme entre consommateur et producteur. Elle espère mettre en place « une boucle alimentaire locale ». Elle souhaite que les habitants mais également les commerçants et les restaurateurs du coin s’approvisionnent à la ferme.

La vente directe répond à une réelle demande des consommateurs. Le pari est quasiment gagné car cet été, du maïs doux et des citrouilles ont poussé et la vente à la ferme a été un véritable succès. « Ce sont principalement les habitants du quartiers qui ont acheté. Les gens venaient et revenaient chercher du maïs. Ils remplissaient des caddies entiers ! Ils sont très demandeurs. »

Jeanne Crombez et sa chienne Emeraude ont investi les lieux à la fin de l'été.
Jeanne Crombez et sa chienne Émeraude ont investi les lieux à la fin de l’été.

Un lien social pour les habitants de Saint-Denis

La mairie de Saint-Denis est propriétaire des terres. Elle soutient la création de ce lieu de vente local. Lors de l’achat, la municipalité a donc pris le soin d’inscrire les terres au plan local d’urbanisme pour les sécuriser et qu’elles ne soient pas vendu à un promoteur immobilier. « La mairie a à coeur que les habitants puissent manger des légumes à côté de chez eux. »

Cette vente en direct avec le producteur permet de créer un vrai lien humain avec les clients selon Jeanne. « On s’échange des recettes. J’ai une cliente qui m’a demandé si on avait des courges d’une variété spécifique car elles permettraient de maigrir. J’ai donc commandé des graines car je suis très curieuse de connaître ce légume » s’amuse la jeune femme.

Une production variée

Pour satisfaire au mieux les consommateurs, plusieurs variétés vont être plantées : oignons, choux, maïs doux, melon ou encore des pastèques. « Nous allons produire des variétés du XVIIIe et XIXe siècle. On veut également réintroduire des techniques agricoles de l’époque. La récolte se fera à la main. » Pour respecter l’objectif de produire local, les semences proviennent du nord et de l’ouest de la France. « C’est difficile de trouver des semences en Ile-de-France donc on se fournit au plus près. »

Pour l’entretien de ces légumes, ce sera sans produits phytosanitaires. Jeanne Crombez ne souhaite pas produire des légumes bio car c’est difficile d’avoir le label et les habitants à proximité n’ont pas le portefeuille adapté. « Cela ne sert à rien de consommer bio si cela vient d’Espagne. Sur les carottes bio, il y a quand même des produits phyto. Le but ici c’est de consommer ce qui a été cueilli le matin même. » Du champ à l’assiette du consommateur, le trajet doit être court.

Pour Jeanne Crombez, il est certain que les légumes de cette ferme aux portes de Paris ne risquent pas d’atterrir dans les hamburgers du McDonald’s… situé de l’autre côté de la rue.

Alice Pattyn et Elisa Centis

 

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Manger local, partout en France

De plus en plus de consommateurs achètent des produits du terroir directement auprès des producteurs, soit par internet soit en se rendant directement à la ferme. Un mode de consommation en vogue qui favorise une consommation et une économie locales. Selon le cabinet Natural Marketing Institute, « 71 % des Français préfèrent acheter des produits locaux« . Au niveau national, les initiatives de circuit court se multiplient. Elles répondent à une demande croissante des consommateurs : éviter les intermédiaires et connaitre la provenance des produits.

Depuis 2010, la Ruche qui dit oui ! s’implante partout en France et met en avant les producteurs de nos régions. Mon panier bio ou encore Chapeau de paille sont autant d’initiatives similaires, présentes sur l’ensemble de territoire.

Source : ministère de l’Agriculture

Si vous connaissez des producteurs qui vendent en circuit court près de chez vous, vous pouvez remplir ce formulaire pour compléter la carte ci-dessous. Nous vérifierons les informations envoyées.

Ambre Lepoivre et Lou Portelli

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Un boulanger niçois s’inquiète de la disparition du croissant

Frédéric Roy, un artisan boulanger de Nice, a envoyé une lettre au gouvernement pour demander la mise en place d’un label tradition pour les croissants et autres viennoiseries. Ceux qui fabriquent eux-mêmes leurs viennoiseries ne représentent aujourd’hui que 15% de la profession. Ils dénoncent une concurrence déloyale et une manière détournée de tromper le consommateur.

Plus de 80% des boulangers ne fabriquent pas eux-mêmes leurs viennoiseries. Crédits : Pixnio
Plus de 80% des boulangers ne fabriquent pas eux-mêmes leurs viennoiseries.
Crédits : Pixnio

Il faut sauver le croissant au beurre. C’est en tout cas ce que croit Frédéric Roy, artisan boulanger à Nice. Ce dernier a écrit il y a quelques semaines une lettre au Premier ministre pour lui demander d’instaurer un label « tradition » pour les viennoiseries, au même titre que la baguette.

« Aujourd’hui, 85% des boulangers vendent des viennoiseries industrielles. Si l’on ne protège pas l’appellation du croissant, j’ai bien peur qu’il disparaisse, alors qu’il fait partie du patrimoine français au niveau international », avance Frédéric Roy, qui fabrique ses croissants maison depuis 32 ans. « Les clients font de moins en moins confiance aux commerces, et notamment les boulangeries, c’est pour cela qu’il faut instaurer ce label », poursuit-il. En effet, la seule obligation pour porter l’appellation boulangerie est de fabriquer et de cuire le pain sur place. Rien n’est réglementé concernant les viennoiseries, et « rien ne permet de différencier de visu un croissant industriel d’un fait maison », affirme le boulanger niçois.

« On donne trop de droits aux industriels »

Pour certains artisans, la vente de viennoiseries industrielles par les boulangers est vue comme une concurrence déloyale. C’est le cas de Jean-François Tabourel, qui tient une boulangerie à Levallois-Perret (92). Dans sa vitrine, des dizaines de viennoiseries variées, « toutes faites maison », assure-t-il. « Ce n’est pas normal qu’ils puissent les vendre au même prix que nous alors qu’ils ne les fabriquent pas, et ce malgré l’augmentation du prix du beurre », dénonce-t-il. Au cours des vingt derniers mois, le prix du beurre a augmenté de 172% alors qu’il est un élément essentiel à la fabrication du croissant. Le boulanger est favorable à l’instauration d’un tel label, mais il doute qu’il sera un jour mis en place. « On nous avait déjà promis un décret pour réglementer la vente de la galette des rois et on ne l’a jamais obtenu », déclare-t-il. « On donne trop de droits aux industriels, mais ma carrière est presque finie et j’en ai marre de me battre », conclut l’artisan, avant de retourner dans l’arrière-boutique.

Avec sa lettre, Frédéric Roy espère faire avancer la situation, et reçoit d’ores et déjà des réponses. Le Premier ministre lui a répondu pour l’informer qu’il avait transféré sa lettre à Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, compétent pour ce type de demande. Dans l’entourage du ministre de l’agriculture Stéphane Travert, on dit même que « l’action [du boulanger] va totalement dans le sens des états-généraux de l’alimentation, qui ont pour objet de trouver des solutions plus saines pour s’alimenter« .

« Valeur d’artisan »

Madame Niel, artisane boulangère, est aussi séduite par l’initiative de Frédéric Roy. « Je suis à 100% pour le fait maison en boulangerie. Sinon, autant acheter ses viennoiseries chez Auchan », dit-elle dans un sourire. Dans sa boutique implantée à Levallois-Perret (92), elle fabrique tous ses produits, des tartes au citron meringuées aux pains aux raisins. Et pour le prouver, elle dispose d’un autocollant portant la mention « valeur d’artisan ». « C’est mon meunier qui me l’a donné, pour montrer aux clients que j’utilise de la farine française pour mes viennoiseries. Par extension, c’est une preuve que je les fabrique moi-même », explique-t-elle.

Certaines garanties que les produits ne sont pas industriels existent donc déjà pour le consommateur, mais restent méconnues. « Mes clients me disent souvent qu’ils ont du mal à choisir leurs aliments parce qu’ils n’ont pas de point de repère. Ce label, ça pourrait être un début », conclut Frédéric Roy.

Aline Bottin