Niché au pied de Montmartre, se trouve l’association “La maison du zéro déchet”. Ce lieu a été pensé à la suite du festival “zéro waste” en juillet 2017, organisée par l’association “Zero Waste France”. “Ici c’est le siège de l’association, mais c’est aussi un endroit avec un espace boutique, un espace atelier et un espace conférence.” explique Élise Machado, bénévole à la maison zéro déchet et étudiante. De nombreux produits tels que des gourdes, des cup, du maquillage naturel ou encore des “lunch box” sont proposés à la vente. “La vente de produit n’est pas notre idée de base. On propose des choses ici pour s’équiper et éviter les emballages plastiques. Mais on est avant tout une association”. De nombreux curieux franchissent la porte de la “Maison du zéro déchet”. “Il y a de plus en plus de gens qui viennent ici. Ce sont surtout des jeunes, mais il y a aussi des personnes en reconversion professionnelle qui se tournent vers des métiers plus éco-responsable.” Des personnes viennent aussi ici pour échanger, débattre, en apprendre plus sur la pratique du zéro déchet. “À paris, les gens ont envie de se reconnecter à la nature et font le zéro déchet dans ce sens là”. L’association le constate : “Il y a un recul de la consommation d’emballage mais ça n’est pas suffisant”.
Associations, politiques, scientifiques, journalistes et citoyens. L’écologie est une affaire de tous et de tous les jours. Pourtant, passé le constat de gestes quotidiens nécessaires pour la planète, tous se heurtent à un mur : leurs actions pour l’environnement sont infimes face à l’impact négatif des institutions et des entreprises.
“Pour la planète on n’a pas le temps d’attendre. C’est si urgent que tous les autres combats n’ont pas de sens si celui là est déjà perdu” déclare Meryam Ziani, 24 ans, étudiante en école de commerce, qui depuis cinq ans a changé son mode de vie pour le rendre plus éco-responsable. Elle l’admet ce mode de vie demande beaucoup d’efforts. “C’est vraiment toute une rééducation, on nous a appris certaines choses étant petits, il faut les déconstruire pour en reconstruire de nouvelles en allant en adéquation avec nos valeurs écologiques. Après il faut aussi voir où est ce que tu peux faire des arbitrages, quel équilibre tu veux trouver. Tu ne peux pas tout commencer en même temps.”
Meryam est heureuse d’observer qu’elle n’est pas seule dans son combat. Sur la question environnementale, “il se passe quelque chose et j’aime beaucoup ce rassemblement de groupe, cette réflexion citoyenne qui peut apporter des leviers. Ce qui est incroyable avec la pensée écolo c’est qu’elle est très multiple. Tout le monde peut s’y retrouver en fonction de ses valeurs personnelles. La question environnementale est liée à toutes les autres grandes thématiques. C’est très pluriel et transdisciplinaire.” Pourtant, comme 48% des Français, Meryam pense qu’il est aujourd’hui trop tard pour inverser le cours du réchauffement climatique (sondage OpinionWay paru en mars 2019 “Les Français sont-ils prêts à changer pour la planète”)
Il y a un changement dans les modes de pensée des gens et c’est très bien. Le souci c’est que ça risque d’être trop tard et trop minime. Il y aura des dommages collatéraux. Moi ce que je tente de faire c’est de réduire ces dommages. C’est horrible de se dire que tu agis pour qu’il y ait le moins de dégâts possibles tout en sachant qu’il y en aura. Nous en France on sera plutôt bien lotis, on ne sera pas les premiers à subir ça alors que finalement on est les premiers responsables.
La question de la responsabilité revient souvent lorsqu’il s’agit d’écologie. Tous les citoyens interrogés admettent leur part de responsabilité et tentent d’agir pour réduire leur impact sur le climat. En revanche, ils constatent que leurs émissions de carbones sont minimes face à celles des secteurs industriels et des transports.
Les limites de l’action individuelle
Politiques, experts, journalistes et citoyens sont formels, ce n’est pas avec des petits gestes du quotidien que la situation va réellement s’arranger. “Je fais du vélo, je suis végétarien, je mange bio mais ça ne suffit pas et ça ne suffira jamais à compenser les choix économiques, les subventions allouées aux énergies fossiles en Europe et en France. Il y a une forme d’inconscience, de complicité, d’écocide, de « crime contre l’humanité » d’une partie des responsables politiques”, témoigne Sergio Coronado, ancien membre du parti EÉLV et aujourd’hui sur la liste de la France insoumise pour les élections européennes. Certains citoyens ne voient pas d’ailleurs l’intérêt de changer radicalement leur mode de vie. “Je jette mes cigarettes dans des poubelles quand je peux et trie de temps en temps. Mais il ne faut pas se voiler la face, ce n’est pas avec nos petits efforts que nous allons changer les choses. Ce serait plutôt aux grandes entreprises et aux multinationales d’adopter des comportements plus responsables vis-à-vis de l’environnement” explique William, jeune comptable âgé de 26 ans.
Je fais du vélo, je suis végétarien, je mange bio mais ça ne suffit pas et ça ne suffira jamais à compenser les choix économiques, les subventions allouées aux énergies fossiles en Europe et en France. Il y a une forme d’inconscience, de complicité, d’écocide, de « crime contre l’humanité » d’une partie des responsables politiques
L’idée qu’il fallait éduquer les citoyens au respect de l’environnement a longtemps irrigué le traitement médiatique de l’écologie. “Avant dans les médias généralistes, on écrivait beaucoup sur la responsabilité des citoyens, sur les gestes à faire au quotidien. C’était plus facile pour les journalistes de traiter le sujet environnemental sous cet angle.” témoigne Rémi Barroux journaliste au service Planète du journal le Monde. En France, l’évolution de l’opinion publique sur un sujet est liée à son traitement médiatique et vice-versa. Les accords de Paris, en 2015, ont été un tournant dans les consciences. Les citoyens ont en majorité intégrés la nécessité de faire des efforts personnels pour l’environnement. Les regards se sont finalement tournés vers le cœur du problème : les gros pollueurs, les industriels, les responsables gouvernementaux.
Selon un rapport de l’ONG internationale Carbon Disclosure Project, plus de 70 % des émissions de gaz à effet de serres sont le fait de seulement cent entreprises. Réalisé en collaboration avec le Climate Accountability Institute (CAI), le rapport s’appuie sur des données publiques s’étendant de 1988 à 2015. Il révèle que les 25 premières firmes du classement sont responsables de la moitié des émissions globales. Parmi les entreprises les plus polluantes on retrouve par exemple : ExxonMobil, Shell, BP, Chevron, Peabody, BHP Billiton ou Total. On y retrouve aussi de nombreuses entreprises nationalisées. Ce rapport est un exemple parmi de nombreux autres de la force nouvelle des associations et des ONG. Leur degré d’expertise a rapidement augmenté dans la dernière décennie et ils ont constitué leurs propres réseaux d’experts. “Avant, les informations venaient d’en haut, des donneurs d’ordre, des politiques, de la Commission européenne. Les gens qui étaient dans la contestation dans les années 80 sont maintenant des universitaires, des professionnels. Ce sont des gens qui sont capable d’expertiser la question environnementale eux-mêmes. Les degrés d’expertises ont tellement augmenté que les gouvernements sont maintenant obligés de délivrer de plus en plus rapidement leurs informations.” poursuit Rémi Barroux.
Un constat qui s’est vérifié lorsque dans la nuit du 24 au 25 février 2019, une rupture de pipeline a provoqué une fuite de pétrole, impactant des parcelles agricoles dans les Yvelines. Le préfet du département a rapidement communiqué sur l’incident en délivrant toutes les informations à sa disposition et en organisant des réunions d’information dans les communes concernées en présence des représentants de Total.
“On ne peut plus aujourd’hui poser la question de l’environnement sans parler des responsables de sa dégradation. Les citoyens ont compris qu’il n’y a plus de cohérence dans le discours culpabilisateur des politiques. Ils se posent maintenant la question de ce que les institutions et les entreprises doivent faire pour le climat.” pondère le spécialiste environnement du Monde.
L’action collective et militante pour le climat
Certains décident de s’attaquer aux entreprises et aux États en passant par des moyens à la limite de la légalité. “La désobéissance civile implique de faire des actions considérées comme illégales. On le sait mais on considère que c’est légitime et la cause qu’on défend vaut la peine de ne pas respecter le cadre législatif” expliquent Pauline, Marion et Étienne, militants d’Action non-violente COP 21 (Anv COP 21), réunis lors d’un débat organisé à “La base” un lieu pensé et financé par les citoyens, entièrement dédiés à la mobilisation en plein cœur du 10ème arrondissement de Paris. Au milieu de bénévoles et de curieux venus voir cet espace citoyen sorti de terre en mars dernier, ces trois activistes expliquent leurs revendications et ce qui les a poussés à retirer le portrait du président de la République de certaines mairies en France. Ces actions sont en lien avec la pétition “L’affaire du siècle”, rassemblant plus de deux millions de signatures. Elle appuie un recours en justice contre l’État pour son inaction climatique, lancé par quatre associations (Fondation pour la nature et l’homme, Greenpeace France, Notre affaire à tous et Oxfam France).
L’État avait deux mois pour donner sa réponse. On se doutait qu’elle serait négative. On s’est dit que c’était le bon moment pour décrocher les portraits de Macron dans les mairies. C’est un symbole de notre président qui parle beaucoup, très attaché à son image qui ne fait pas suivre ses discours par des actes.” indiquent-ils. “Notre président se dit leader de la question environnementale à l’international et il jouit de cette aura, mais concrètement il ne fait rien dans ce sens. Les procès sont une opportunité pour nous. Ça nous ouvre une tribune médiatique. Cette campagne #SortonsMacron fonctionne en terme d’adhésion publique. Pour nous c’est l’opportunité de faire le portrait de l’inaction climatique.
Ces actes de désobéissance civile s’inscrivent dans un ensemble nouveau de mobilisations citoyennes en faveur de la question environnementale.
Au cours de ces derniers mois, de nombreuses marches pour le climat se sont déroulées partout en Europe, réunissant majoritairement des jeunes. “C’est inédit de voir autant de personnes, et surtout des jeunes se réunir autour de la cause environnementale. Ça témoigne d’une très forte sensibilité au changement climatique et à ses conséquences sur les modes de vie des jeunes générations qui redoutent de vivre dans un monde abîmé. La particularité de ce mouvement est l’extrême jeunesse de ses participants mais aussi un leadership de jeunes femmes qui se mettent en avant.” constate le socio-anthropologue Bernard Kalaora, auteur de plusieurs livres sur l’urgence environnementale faisant référence à Greta Thunberg, âgée seulement de 16 ans, vecteur du mouvement de grève scolaire en Europe et dans le monde pour protester contre l’inaction des États en matière de réchauffement climatique.
Une diffusion accrue des enjeux environnementaux
Cette reprise en main citoyenne donne le sentiment qu’ils reprennent en main la question écologique. Un sentiment que l’influenceur et youtuber Nicolas Meyrieux partage. Avec plus de 200.000 âmes qui le suivent chaque jour, il met en avant le rôle d’internet dans la prise de conscience écologique des citoyens : “C’est en partie grâce à internet que les gens prennent conscience des problématiques environnementales. À travers de nouveaux médias ou grâce aux prises de parole sur les réseaux sociaux. D’ailleurs toutes les dernières révolutions se sont passées grâce et sur internet. En ligne, les informations clés, les rapports, se diffusent très facilement.” Pour autant cet intérêt qui s’est traduit par une prise de conscience accrue des enjeux environnementaux ne veut pas forcément dire que des changements drastiques auront lieu prochainement. Concernant la pétition “l’Affaire du siècle”, le sociologue Bernard Kalaora nuance son importance. “Une signature reste une signature rien de plus. C’est une mobilisation sans coût ni frais… comme une bonne action qui nous donne bonne conscience, le sentiment du devoir accompli rien de plus.” insiste-t-il.
Tous responsables
“Pour changer durablement les choses il faut que les citoyens gagnent les moyens réels de changer leur environnement. Nous sommes esclaves de nos technologies et de nos conforts. Nous vivons actuellement dans un monde qui n’a pas été pensé pour l’écologie, et pour que les comportements changent réellement, il faudra que l’offre « écologique » en biens, en technologies et en confort soit aussi simple, abordable et pratique que celle auquel les gens ont aujourd’hui accès.” explique le socio-anthropologue Bernard Kalaora. ““ pondère le sociologue.
Militants, scientifiques, journalistes, citoyens, tous partagent finalement le même constat. La société et les personnes qui la compose ont pris conscience de l’ampleur des dégâts causés à la planète. Les États comme la France, commencent à prendre des mesures pour changer les mentalités.
Le Ministère de la transition écologique et solidaire met aujourd’hui l’accent sur l’intégration de démarches éducatives dans les programmes scolaires. Les élèves apprennent dès la maternelle à trier leurs déchets et adopter des comportements responsables.
À 18 ans, Augustin Épaud, étudiant en première année d’histoire à la faculté de Lille, s’apprête à voter pour la première fois aux élections européennes du 26 mai. L’Europe, un sujet sur lequel il tente de s’informer, sans vraiment y comprendre grand chose. « Je ne me sens pas particulièrement européen », avoue-t-il,« pourtant j’ai conscience de la chance qu’on a de vivre dans l’Union Européenne, surtout en tant que jeune. Mais selon moi, l’Europe n’est pas assez concrète ». Opacité, éloignement, manque de communication et d’attractivité… Autant de défauts que cite Augustin Épaud lorsqu’on lui demande quelle image il se fait de l’Europe. Il ira voter, il l’assure, mais ne sait pas encore pour qui. Aucun des candidats ne l’a véritablement séduit, et le contenu des programmes manque selon lui de visibilité. « Je pense voter « écolo », car c’est une des grandes préoccupations actuelles et c’est au niveau européen que les choses peuvent bouger », glisse-t-il néanmoins. Il doute que le scrutin mobilise largement les électeurs. « Je n’ai pas de crainte ni d’espoir particulier. J’espère juste que l’extrême-droite ne fera pas un score trop élevé ».
L’association Eurosorbonne, composée d’étudiants de l’Institut d’études européennes de la Sorbonne Nouvelle – Paris 3, se veut apolitique et présente un double objectif. D’abord, créer une cohésion entre les étudiants de l’IEE par l’intermédiaire d’événements et de voyages – comme le séjour annuel à Bruxelles, financé par l’association -, mais aussi accompagner les étudiants dans leur professionnalisation, grâce à l’organisation de conférences liées à l’Europe en partenariat avec des ONG.
Mais la véritable “vitrine” de l’association, c’est son journal en ligne. « Il est alimenté par des étudiants qui fournissent un véritable travail de recherche », explique Cécile Dialot, nouvelle présidente d’Eurosorbonne. « Les sujets sont libres, les rédacteurs écrivent sur ce qu’ils veulent : culture, société, sports… L’idée étant de proposer une autre manière de s’informer sur l’Europe ». Nezim Tandjaoui, rédacteur en chef du journal, se félicite de la diversité du contenu proposé par ce média. Il admet, pour autant, qu’il est « difficile d’intéresser les gens à l’Europe et de trouver des angles qui sortent de la politique ».