Comment le gouvernement entend remettre sur les rails le fret ferroviaire français

Après un déclin de son importance depuis les années 1990 et sous le coup d’une enquête de la Commission européenne, le fret ferroviaire français est en mauvaise posture. Le ministre délégué chargé des Transports Clément Beaune a défendu ses projets pour stabiliser et relancer la filière.

Le fret ferroviaire n’est pas au bout de ses peines. Pour la première fois depuis une vingtaine d’année, Fret SNCF en difficultés depuis les années 1990 retrouver des résultats positifs. La libéralisation progressive du secteur dans les années 2000 n’a pas été la réponse providentielle promise, et la part modale du fret ferroviaire repasse difficilement en 2023 au-dessus des 10%. Mais la filière ne voit pas encore le bout du tunnel. Depuis janvier 2023, la Commission européenne enquête sur l’entreprise pour des subventions non-conformes de l’État entre 2007 et 2019. Si la condamnation aboutit, Fret SNCF serait contraint de rembourser 5,3 milliards d’euros, une somme colossale qui condamnerait la filiale.

Le ministre délégué aux Transports Clément Beaune a été auditionné mercredi 13 septembre 2023 par une commission d’enquête sur le sujet à l’Assemblée nationale, et entend « organiser et sécuriser l’avenir du fret ferroviaire en France comme en Europe au moment de la transition écologique ». La décision du gouvernement est de négocier un accord avec Bruxelles plutôt que d’attendre 18 mois d’enquêtes et de risquer le pire. Le ministre se justifie: « face à une situation douloureuse, la réponse est d’apporter une solution rapide qui limite les risques. Ne jouons pas, sécurisons. »

Sauver l’opérateur central du fret ferroviaire

« Nous ne pouvons pas nous passer d’un opérateur national de référence », affirme Clément Beaune. L’accord doit restructurer Fret SNCF en deux entités séparées, une dédiée au transport de marchandise en lui-même et l’autre à la maintenance. 90% des emplois doivent être conservés, et les 10% restants doivent être redirigé vers d’autres opérateurs du fret ferroviaire, ou réabsorber par le groupe SNCF vers d’autres activités.

Cette restructuration aura toutefois un prix. 23 lignes opérées jusque-là par l’opérateur public vont être cédées d’ici janvier ou juin 2024, à d’autres opérateurs: « tout ce qui sera cédé reste dans le fret ferroviaire, à défaut du Fret SNCF », insiste le ministre. Ces actions visent à rassurer l’alliance 4F qui regroupe les acteurs du fret français, et à donner la visibilité demandée par le groupe en 2022.Il n’y aura « ni sabordage, ni abandon, ni résignation sur la fret ferroviaire français » martèle-t-il.

Revitaliser le secteur entier

Au-delà de sauver les meubles, « l’objectif est d’atteindre les 18% de part modale d’ici 2030 », voire de les dépasser, et donc de retourner à son niveau des années 1980. En clair, le but est de rattraper le retard pris sur le fret routier, et donc de ne céder aucune des 23 liaisons au transport par camion. La filière a toutes ses chances dans la recherche de transports moins polluants, en lien avec les ambitions de réindustrialisation: « les nouvelles industries plus vertes vont chercher des modalités plus vertes », souligne Clément Beaune.

Pour relever ce secteur endeuillé, les efforts passent d’abord par les financements. Les aides allouées chaque année depuis 2020 sont prolongées « au moins jusqu’en 2030 » et « amplifiées de 30 millions d’euros », ce qui amène le montant total à 330 millions d’euros annuels à partir de 2025. Du côté investissements, le ministre rappelle la promesse déjà faite au mois de mai : 4 milliards d’euros engagés entre 2023 et 2032, assuré au moins à moitié par l’État, le reste fourni par les régions et acteurs locaux. Ces sommes impressionnantes restent toutefois loin des 10 milliards d’euros nécessaires, selon les estimations d’un rapport sénatorial de 2022.

Mia Goasguen–Rodeno

Ehpad : le reste à charge encore trop élevé pour les résidents et leur famille

Les trois quarts des séniors en Ehpad n’ont pas les revenus nécessaires pour payer la facture de leur résidence. Face à ce constat, la députée PS Christine Pirès-Beaune propose des solutions dans un rapport qui doit être examiné cet automne.

Le reste à charge reste trop cher. Soixante-seize pourcent des résidents en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) n’ont pas les entrées d’argent suffisantes pour le payer. Même après les aides auxquelles ils peuvent avoir droit. « L’accessibilité financière pour les familles demeure un vrai problème », pointe Christine Pirès-Beaune, députée PS du Puy-de-Dôme. Elle a été mandatée par la Première ministre pour suggérer des solutions censées alléger le reste à charge en Ehpad. A l’occasion des assises nationales des Ehpad ces 12 et 13 septembre, elle revient sur ses propositions.

Le reste à charge pour les résidents ou leur famille s’élève à 1957 euros par mois. Il n’est que de 47 euros mensuels quand le sénior est hébergé à domicile, selon une étude de la Dress sur les données de 2019. Il y a plus d’un an, le journaliste Victor Castanet épinglait hyper profits d’établissements privés dans son livre-enquête Les Fossoyeurs.

« Le niveau de vie des retraités va continuer d’augmenter, mais moins vite que celui des actifs », assure Jean-Philippe Vinquant, président du Haut Conseil de l’Âge (HCFEA). Concrètement, les séniors vont connaître une perte relative de pouvoir d’achat. Aujourd’hui, leur niveau de vie est « trop souvent inférieur au reste à charge », déplore Jean-Philippe Vinquant. Il rappelle que « le niveau de vie des résidents en Ehpad est en-deçà d’une centaine d’euros à celui des non-résidents ».

Aides insuffisantes

Aujourd’hui, les personnes vivant en Ehpad peuvent bénéficier d’aides au logement, de l’aide sociale à l’hébergement (ASH), et de l’aide personnalisée d’autonomie (APA). La loi permet aussi des réductions d’impôts jusqu’à 25 %, quand le retraité intègre un Ehpad. Cette mesure est « insuffisante » pour Christine Pirès-Beaune. « Il n’y a que ceux qui payent des impôts que ça aide », pointe-t-elle. Les résidents les moins aisés se retrouvent lésés.

« Il persiste des disparités territoriales très importantes », souligne Jean-Philippe Vinquant. Pour Christine Pirès-Beaune, il y a « presque autant de règles que de départements pour l’aide sociale à l’hébergement (ASH) ». Des règles « disparates » qui compliquent leur accès. « L’ASH en est le meilleur exemple », rappelle-t-elle. Le taux de recours à cette aide stagne à 28%.

Solutions

Face à ce constat, Christine Pirès-Beaune propose de fusionner les quatre aides auxquelles peuvent avoir droit les résidents. « Cela limiterait les non-recours », explique-t-elle. Place à une allocation universelle et solidaire d’autonomie en établissement (Ausae). Une aide unique « plus juste, car elle varierait en fonction des revenus », selon la députée.

Autre proposition : transformer l’actuelle réduction d’impôts en crédit d’impôt. Christine Pirès-Beaune imagine aussi une fusion des sections soins et dépendances. « Ce serait 150 euros de moins dans le reste à charge pour les familles », déclare-t-elle. Enfin, la députée aimerait que les établissements privés payent une contribution. Son rapport doit être examiné cet automne, à l’occasion du prochain projet de loi de finance de la sécurité sociale (PLFSS 2024). « Cela fera débat », plaisante-t-elle.

 

Léo Guérin

Les cyberharceleurs du Tiktokeur Benjamin Ledig reconnus coupables

Les dix personnes accusées d’avoir participé au cyberharcèlement de l’influenceur Benjamin Ledig ont été jugées coupables. L’un des prévenus est condamné à quatre mois de prison avec sursis et le reste à des travaux d’intérêt général. Ils doivent aussi verser 8000 euros au Tiktokeur pour réparer le « préjudice moral » causé.

Un seul des dix prévenus était présent lors du verdict mais tous sont jugés coupables. Ce mercredi 13 septembre, le tribunal rendait sa décision concernant le harcèlement en ligne subi par le Tiktokeur Benjamin Ledig. Les dix prévenus, âgés de 19 à 43 ans, ont été reconnus coupables pour « des faits de harcèlement responsables de la dégradation des conditions de vie du plaignant » et « d’une incapacité au travail ». Une décision dont l’avocat de l’influenceur, Me Alexandre Bigot Joly, se dit « satisfait » : « À ma connaissance, c’est la première fois qu’il y a condamnation pour des faits de « doxing » donc c’est plutôt une bonne chose ». Répandu sur les réseaux sociaux, le « doxing » est un type de cyberharcèlement qui consiste à divulguer les données personnelles d’un individu dans le but de lui nuire.

Des peines de quatre à six mois de prison avec sursis avaient été requises par la procureure lors du procès qui s’était déroulé le 24 mai dernier. Neuf des prévenus écopent de travaux d’intérêt général et le dernier d’une peine de prison avec quatre mois de sursis. L’ensemble des prévenus doit aussi verser 8000 euros à Benjamin Ledig en guise de dommages et intérêts pour réparer le préjudice moral causé. Contrairement à la dernière audience, Benjamin Ledig n’était pas présent pour entendre la décision rendue : « Il n’était pas là parce que le dernier procès avait été intense émotionnellement », confie Me Bigot Joly. Il était accompagné de Me Raphaël Molina, avec qui il a co-fondé Influxio, un cabinet d’avocats visant à accompagner les influenceurs de manière juridique : « On espère que ça fera jurisprudence pour la suite », renchérit-il.

Des vidéos jugées blasphématoires

Mercredi 26 février 2022, une vidéo de Benjamin Ledig, un jeune Alsacien âgé alors de 18 ans, était devenue virale. Il se filmait avec un ami en crop-top en train de twerker (danser en ondulant son postérieur) dans l’église Saint-Paul Saint-Louis, une église du 4 ème arrondissement de Paris. Publiée sur Tiktok, cette vidéo avait été jugée blasphématoire et avait provoqué une polémique sur les réseaux sociaux. Benjamin Ledig s’était alors défendu de dénoncer l’homophobie de l’Église. Il avait ensuite publié une autre vidéo dans laquelle il utilisait le Coran pour nettoyer sa fenêtre ou pour caler un meuble. Durant l’année 2022, l’influenceur avait reçu une centaine de milliers de messages d’insultes et de menaces de mort comme l’explique 20 Minutes. Suite à la plainte du curé de l’église Saint-Paul Saint-Louis, Benjamin Ledig avait été reconnu coupable de « préjudice moral » par le tribunal judiciaire de Paris et avait dû verser 2500 euros de réparation à ce titre.

Autonomie : que peut espérer la Corse de la visite de Darmanin ?

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, est en visite en Corse ce mercredi et jeudi, afin de rencontrer différents élus locaux. La question de l’autonomie devrait être évoquée, de manière non-officielle, après plusieurs mois d’échanges entre le gouvernement et l’île de Beauté

Gérald Darmanin est arrivé ce mercredi 13 septembre en Corse pour une visite d’une durée de deux jours. Le ministre de l’Intérieur devait rencontrer Gilles Simeoni, président autonomiste de l’exécutif, à 16h30, avant une assemblée générale avec les maires de l’île. Ce jeudi, Gérald Darmanin doit rencontrer le maire d’Ajaccio, Stéphane Sbraggia, lors d’un petit-déjeuner, avant sa deuxième rencontre avec Gilles Simeoni, à 9h30.  Bien que ces visites aient pour objectif initial d’évoquer différents sujets tels que la gestion de l’eau et des déchets sur l’île de Beauté, la question de l’autonomie reste dans toutes les têtes.

Une autonomie « à la polynésienne« 

En mars 2022, à la suite des émeutes qui ont découlées de l’agression d’Yvan Colonna, incarcéré à perpétuité pour l’assassinat du préfet Erignac, Gérald Darmanin s’était rendu en Corse pour tenter de calmer la situation. Dans un entretien pour Corse Matin, le résident de la place Beauvau avait déclaré que le gouvernement pourrait « aller jusqu’à l’autonomie » en évoquant un statut semblable à celui de la Polynésie française. Un « discours désinhibé qui avait surpris tout le monde » selon Pierre Negrel, journaliste à Corse Martin, face auquel il faut rester prudent selon Don Joseph Luccioni, benjamin de l’Assemblée de Corse issu de la liste « Fà populu inseme » : « L’Histoire nous enseigne qu’il faut toujours se méfier avec les annonces des gouvernements. On reste prudents, mais la solution politique est nécessaire ».

Suite à la loi NOTRe de 2015, la Corse est devenu un territoire à statut particulier, et ce, de manière effective, depuis le 1er janvier 2018. Elle dispose ainsi d’une assemblée, mais aussi d’un conseil exécutif. Elle est responsable sur différents sujets tels que l’enseignement, la promotion de la culture, le tourisme, le logement mais également le développement durable de l’île. Mais le statut de la Corse reste loin de celui de la Polynésie Française, qui, elle, dispose totalement d’autonomie depuis 2004. Ce statut, que seul ce territoire dispose, permet à la Polynésie de se gouverner. Elle dispose d’une présidence, d’un gouvernement, seules les fonctions régaliennes (police, armée, diplomatie, fabrique de la monnaie, justice) restent attribuées à l’Etat français.

Darmanin en éclaireur pour Macron

La Corse pourrait donc tendre vers une telle autonomie, voulue par une part seulement de l’Assemblée Corse. En juillet 2023, l’Assemblée de Corse devait fournir un projet d’autonomie au gouvernement et à Emmanuel Macron. Cependant, nationalistes et opposition de droite ne s’étaient pas mis d’accord, aboutissant ainsi au rendu de deux projets. La question de l’autonomie reste donc un sujet épineux, même au sein de l’île de Beauté et la visite de Gérald Darmanin ne devrait pas permettre de trancher sur ce sujet selon Pierre Negrel et Don Joseph Luccioni, qui évoquent tous deux un rôle « d’éclaireur » pour le ministre de l’intérieur : « La visite de Gérald Darmanin est informelle et permet surtout de préparer la venue d’Emmanuel Macron pour les 80 ans de la libération de la Corse. On ne sait pas de quoi parlera le président. On peut penser à une réforme constitutionnelle, mais cela reste du domaine de l’hypothèse, car Emmanuel Macron est spécialiste des revirements de dernière minute », selon le journaliste de Corse Matin.