Contrepoint : l’avis de Julie Delrue, conseillère immobilière à l’agence Regencia depuis quatre ans, à Levallois-Perret (92)

Quelle évolution constatez-vous sur les prix de l’immobilier à Paris et dans sa périphérie ?
« Le marché locatif n’a pas tellement évolué sur ces dernières années. Les prix sont toujours beaucoup plus élevés à Paris intramuros qu’aux abords de la capitale. Pour vous donner un exemple, un deux pièces de 51 mètres carrés à Aubervilliers coûte 832 euros par mois quand un 43 mètres carrés à Levallois-Perret est à 1300 euros. Les deux appartements sont dans un immeuble de standing, mais vous conviendrez que ce n’est pas le même environnement et que la distance joue également. »

Comment des personnes à faibles revenus peuvent-elles accéder à un logement ?
« Si la personne ou le couple ne gagne pas trois voire quatre fois le montant du loyer, on demandera une caution solidaire équivalente à deux ans de loyer pour les baux meublés, six ans pour les baux vides. Une personne de leur choix, pas forcément de la famille, devra signer un document dans lequel elle s’engage en tant que garant. Dans le cas d’un couple dont l’une des personnes n’a pas de revenus réguliers (intermittent, intérimaire par exemple), leurs revenus seront étudiés mais la plupart du temps une caution sera exigée. »

Que pensez-vous de la réglementation récente sur les loyers, notamment de la loi ALUR ?
« Avec cette loi, on ne peut plus augmenter les loyers. La seule augmentation possible, c’est de suivre l’indice de référence des loyers (IRL) publié par l’INSEE. Mais le problème selon moi, c’est que le système en vigueur défend trop les locataires. A force de les protéger, c’est lui qui les empêche d’accéder au logement. Les locataires sous-estiment les nombreuses petites dépenses à côté du loyer, c’est pourquoi en tant qu’agence on ne peut pas se permettre de ne demander que deux fois le loyer lors du dépôt du dossier. Il y a eu plusieurs cas d’impayés lorsque l’on avait essayé d’abaisser le seuil de revenus minimum, il a donc fallu qu’on le révise à la hausse. »

Propos recueillis par Louis Mondot

L’Etat français condamné par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour son non-respect du droit au logement

La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) n’est pas facile d’accès. On ne peut la solliciter que lorsque toutes les voies de recours en justice interne ont été épuisées.

Elisabeth Tchokontio Happi vit avec sa fille et son frère à Paris dans un logement jugé insalubre. En 2010, elle obtient un jugement du tribunal administratif pour que la préfecture de la région Ile-de-France les reloge au plus vite. La préfecture verse les astreintes de 700 euros par mois de retard sans trouver de solution pour la famille de cette quadragénaire, pourtant jugée prioritaire au nom du droit au logement opposable (Dalo). Cette condamnation européenne se base sur le motif du “droit à un procès équitable”. La Cour estime que la France ne présente aucune justification valable pour n’avoir pas relogé cette famille. Le manque de ressources de l’Etat en matière de logement n’est pas recevable pour les juges européens.

Si la législation française a tenté de contrer le manque de logements sociaux[1], ces lois peinent à être appliquées dans la réalité : de nombreuses stratégies d’évitement sont mises en place par les communes. De façon parallèle, les municipalités invoquent un manque d’argent pour subvenir aux coûts de construction de ces logements sociaux.

 

Cette décision est une première pour la CEDH qui condamne la France en matière de logement. En 2008, le Conseil de l’Europe avait considéré par deux fois que la France faisait défaut à la Charte des droits sociaux aux vues de “l’insuffisance manifeste” de l’offre de logements sociaux.  Selon l’association DAL (Droit au Logement), 51 000 familles sont considérées prioritaires DALO et seraient en attente d’un logement depuis plus de six mois ! Cette situation touche particulièrement l’Ile-de-France.

Le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, bras du gouvernement pour l’application du DALO, en compte 59 000. Son secrétaire général, René Dutrey, précisait à l’AFP qu’en 2014, “8519 personnes prioritaires DALO s’étaient rendues devant la justice. Entre 2008 et 2013, l’Etat a versé 65 millions d’euros pour non-relogement de bénéficiaires DALO.” Le délai d’attente d’un logement pour une période dite prioritaire se situe actuellement entre 6 et 7 ans. Parfois plus…

 

A Toulouse, à l’heure où la municipalité UMP a annoncé augmenter ses impôts locaux de 15% pour contrer le manque d’argent dans les caisses, Isabelle Bricaud, ancienne responsable des enfants de Don Quichotte, témoigne : « C’est tout un système qu’il faut remettre en cause. Il faudrait plafonner les loyers à 10% de ce que la personne gagne. Même les logements sociaux sont trop chers. A Toulouse, c’est aussi un problème de construction puisqu’il y a très peu de logements pour les personnes qui ont de petits revenus. Bien sûr il y a du logement social mais pas pour les bonnes classes. En fait, il y a un manque de mixité même dans le logement social. »

Depuis le 31 mars 2015, l’association Droit Au Logement occupe la place de la République à Paris[2] pour forcer les pouvoirs publics à trouver une solution pour les 250 familles prioritaires en attente d’un toit.   

Amanda Jacquel

 

[1] Voir les repères

[2] Voir les photos du campement place de la République. Légende : 250 dossiers seront mis en avant si les pouvoirs répondent à l’association DAL. « Nous partirons une fois que le ministère aura enfin proposé des solutions de relogement qui nous conviennent » a préveu Jean-Baptiste Eyrault dit « baba », tête de file de l’association. Certaines personnes qui avaient pu être relogées l’année dernière grâce à la même action sont encore présentes aujourd’hui, pour dire bonjour et apporter leur soutien à cette lutte sans fin.)

 

 

 

Patient ou client ? La controverse de la vente en ligne de médicaments

Gain de temps, absence de déplacement, prix plus bas, meilleure comparaison, ce sont les arguments avancés par les défenseurs de la vente de médicaments en ligne, permise et encadrée par la loi depuis juillet 2013.

Pourtant, si le prix est l’argument principal des pionniers du e-médicament, 80% des pharmaciens d’officine se disent défavorables à la vente de médicament sur Internet, selon une enquête réalisée en 2014 par Le Quotidien du pharmacien.

L’absence de consensus du milieu professionnel réside au cœur même d’une définition, celle de l’acheteur de médicaments. S’agit-il d’un patient ou d’un client, ou des deux en même temps ? Avec la révolution numérique, le sujet est placé au cœur d’un réseau de soin et de communication, il est désormais mieux informé et plus autonome. Cela lui confère ainsi un pouvoir comparable à celui qu’il occupe en tant que client dans les relations commerciales de la vie quotidienne. Alors que le terme patient fait pour certains référence à une relation de « paternalisme médical » où le sujet est passif, celui de « client » est souvent évité à cause de sa connotation marketing. Les spécialistes de l’e-santé coupent ici la poire en deux et parlent alors d’usager.

Mais le médicament n’est pas un produit de consommation comme les autres, du moins pas en France, où cette pratique reste marginale avec seulement 235 pharmacies qui pratiquent aujourd’hui la vente en ligne de médicaments, sur les quelques 23 000 que compte l’hexagone (voir la liste).

La  nouvelle législation française est plus stricte que celles existantes en l’Angleterre, de la Hollande ou des Etats-Unis par exemple. Elle autorise seulement la vente de médicaments sans prescription, sur des sites rattachés obligatoirement avec une pharmacie physique, et ce pour éviter la contrefaçon.


« Dans les grandes villes, il y a une pharmacie à chaque coin de rue, et puis quand on est malade on a besoin de son médicament tout de suite, on ne veut pas attendre quarante-huit heures, temps de la livraison, avant d’être soigné. Je pense que l’on n’est pas allé encore assez loin dans le domaine », explique Lionel Reichardt, consultant en e-santé et créateur du blog pharmageek.com qui enregistre plus de 70 000 vues par mois.

Outre les coûts de livraison et la difficulté de choix, la vente de médicaments en ligne conduit à une perte de service, même si l’internaute peut contacter un pharmacien via le site. Non seulement le pharmacien assure une mission d’accompagnement, il assure aussi une mission de vigilance liée aux risques des médicaments. Grâce à la carte Vitale, le professionnel a accès au dossier médical du patient et peut par exemple connaître les éventuelles interactions médicamenteuses. Il peut aussi prévenir d’un risque de surconsommation qui augmente avec le Web.  En effet, la banalisation de la pharmacie comme commerce, les opérations de remises et de prix cassés se multiplient et l’internaute est incité à faire des stocks, en prévision des jours prochains.

Leticia Farine