Cyber-harcèlement : quelles solutions ? Quand le harcèlement ne s’arrête plus aux portes de l’école

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 Crédit : Mathilde Pujol

 

A l’heure des réseaux sociaux et des Smartphones, le harcèlement scolaire ne se limite plus à des brimades  dans une cour de récréation. Il poursuit désormais la victime partout, à toute heure du jour et de la nuit : messages de haine, incitation au suicide, insultes répétées, piratage de compte, lynchage 2.0, publication de photos compromettantes etc. Comment lutter contre ce phénomène exponentiel qui conduit parfois la victime jusqu’au suicide ?

« Sur mon blog, je recevais fréquemment des commentaires anonymes qui se moquaient de mon physique, qui me disaient de quitter mon collège et de me suicider ». Myriam, étudiante parisienne de 21 ans, a été victime de cyber-harcèlement lorsqu’elle était en sixième. « J’étais amie avec deux filles qui ont commencé à s’en prendre à moi sans raison particulière. Ça a commencé en cours avec des injures et des moqueries puis sur Internet » raconte-t-elle. Sur le site Internet de l’Education Nationale dédié au harcèlement à l’école« agircontreleharcelementalecole.gouv.fr », le cyber-harcèlement est défini comme « un acte agressif, intentionnel perpétré par un individu ou un groupe d’individus au moyen de formes de communication électroniques, de façon répétée à l’encontre d’une victime qui ne peut facilement se défendre seule ». Ce phénomène connaît une recrudescence certaine depuis l’avènement de l’ultra-connexion. Selon une étude de la sociologue Catherine Blaya, 40% des élèves déclarent avoir été victimes d’une agression en ligne.

Le 6 février 2015, Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education Nationale, présentait son nouveau plan de lutte contre le harcèlement sur i-Télé. Estimant qu’ « un élève sur deux a été victime un jour de cyber-harcèlement », la ministre a insisté sur la mise en place de nouveaux outils pour mieux détecter les cas grâce à la formation des enseignants, la création du prix « Mobilisons-nous contre le harcèlement » et « une éducation au numérique des enfants ».

D’autres voix se sont élevées cette année contre le cyber-harcèlement comme celle de Nora Fraisse. Auteure de « Marion, 13 ans pour toujours », elle est la mère de Marion Fraisse, jeune collégienne harcelée à l’école et sur Internet qui s’est pendue le jour de son treizième anniversaire il y a deux ans. C’est ce tragique fait-divers qui a inspiré au journaliste Andréa Rawlins-Gaston l’idée du documentaire « Souffre-douleurs ils se manifestent » diffusé au mois de février sur France 2.

 

 

Eduquer pour endiguer 

La première solution pour lutter contre le cyber-harcèlement est la sensibilisation et l’éducation des parents à Internet afin qu’ils puissent à leur tour éduquer leurs enfants. Jeudi 9 mars avait lieu une réunion de prévention contre le cyber-harcèlement à l’école élémentaire Vincent Van Gogh de Courcouronnes dans l’Essonne. Le but, sensibiliser les CM2 et leurs parents au cyber-harcèlement qu’ils seront susceptibles de rencontrer à leur arrivée au collège. Face à une quinzaine de parents, le major Daguin, policier spécialisé dans la prévention, rappelle en préambule comment fonctionne le Web. Tous les parents ne maîtrisent pas bien les bases contrairement aux enfants qui « savent s’en servir mais sans connaître les conséquences de leurs gestes ». Selon lui, dans cette école, 80 à 90% des élèves de CE2, CM1 et CM2 seraient déjà détenteurs d’un téléphone portable.

Là est le nœud du premier problème : la plupart des parents, ayant une certaine méconnaissance du Web et des réseaux sociaux, n’éduquent pas leurs enfants aux risques auxquels ils peuvent être confrontés. C’est ce qui est arrivé à Myriam, qui a donné le mot de passe de son compte instantané de messagerie MSN et de son blog Skyrock à une des deux filles qui l’a harcelée, lorsqu’elles étaient encore amies. « J’étais un peu naïve et je leur ai donné par gage d’amitié. Une fois, je suis rentrée de l’école et je me suis rendue compte que quelqu’un avait piraté mon compte MSN, avait modifié mon statut en insultant tous mes amis, et avait renommé un groupe « Pour les grosses putes comme Myriam ». Lorsque Myriam en a parlé à sa mère, elle lui a conseillé de changer de mot de passe, mais les dégâts étaient déjà faits.

Résultat, Internet est perçu par les mineurs comme une « cour de récréation planétaire » dans laquelle ils peuvent faire comme bon leur semble et où les réseaux sociaux servent de défouloir. Sans repères et avec l’impression de ne pas être dans la réalité, harceler devient beaucoup plus simple.

Justine Atlan dirige e-Enfance, une association agréée par le ministère de l’Education nationale pour prévenir et intervenir dans les établissements scolaires : « Nous organisons le soir des  réunions pour les parents, pour leur dire ce que l’on a pu voir des usages de leurs enfants la journée et pour les rendre co-acteurs de la prévention. Nous faisons de la prévention directement auprès des enfants car nous sommes dans l’urgence mais c’est aux parents de transmettre les bonnes pratiques et d’inclure cela dans l’éducation. C’est eux qui transmettent les valeurs et les principes à leurs enfants, ils doivent seulement prolonger cela sur internet ».

 

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 Crédit : Mathilde Pujol

L’école, lanceuse d’alerte

Le cyber-harcèlement s’étend partout et tout le temps, mais c’est à l’école que le harcèlement commence. C’est le constat que dresse Justine Atlan: « C’est le lieu où se rencontrent les enfants, ou se crée le lien social pour les ados. De plus, le cyber-harcèlement est pris dans une dynamique de harcèlement plus générale. Ca se passe sur Internet le soir et ça revient à l’école le lendemain et vice-versa, et des conflits dégénèrent à cause de ça. » Myriam, dont le cyber-harcèlement a commencé en sixième, a rencontré les deux harceleuses à son collège. « Au début, nous étions amies et elles ont commencé à ne plus me parler au collège et à s’en prendre à moi sans raison particulière. Les insultes et les moqueries ont commencé à l’école puis ont continué sur Internet ».

Il ne s’agit pas seulement de prévenir et d’éduquer les parents, mais également de surveiller et d’alerter au quotidien en faisant de l’école un levier d’action. Le gouvernement a ainsi mis en place un certain nombre de mesures pour pousser à la vigilance dans l’environnement scolaire. Par exemple, dans chaque  académie et dans chaque département, il existe en tout 250 « référents harcèlement » qui sensibilisent, forment, et sont disponibles en cas de problème.

Pourtant, le corps enseignant est souvent dépassé par le phénomène, qui ne peut que le constater mais n’a pas de moyens d’actions réels. Les établissements scolaires, désemparés, finissent même par solliciter de l’aide : « Nous avons beaucoup de demandes de professionnels. Soit ce sont des professionnels de l’éducation purs et durs, soit péri-éducatifs (infirmières scolaires, CPE, éducateurs) » avoue Justine Atlan.

Isabelle Colas, directrice de l’école élémentaire Van Gogh à Courcouronnes, déclare : « On fait de la prévention car c’est notre seul moyen d’action. Mais on est vite dépassés par les évènements. Je connais des histoires terribles, lorsque j’ai fait un séjour au collège et que j’ai été confrontée à ce genre de phénomène. »

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                    Crédit : Thomas Carrère

Punir et effacer

Le cyberespace renforce la sensation d’impunité. Déconnectés physiquement de leurs victimes, les jeunes harceleurs sont dégagés de toute culpabilité, ne voyant pas l’effet de ce qu’ils disent produit sur l’autre. Myriam savait qui la harcelait, mais n’a jamais pu dénoncer personne car les commentaires et les piratages étaient anonymes. « Je ne pouvais pas les accuser sans preuves » dit-elle.

Le cyber-harcèlement fait participer des jeunes qui n’auraient pas harcelé de manière classique « tout simplement car ça ne coûte rien de taper trois insultes et de cliquer pour liker une image dégradante ». D’après Catherine Blaya, interviewée sur France Inter, ces actes de cyber-harcèlement sont le fruit de « l’effet cockpit ». Cette expression, utilisée lors de la Seconde Guerre Mondiale, désignait la facilité des soldats à larguer anonymement des bombes depuis des avions. « Ils n’avaient pas l’impression de lâcher des bombes sur des êtres humains » explique-t-elle. Sous couvert d’anonymat, et seuls derrière leurs écrans, les jeunes n’ont pas l’impression de s’attaquer réellement à des personnes ou bien ont plus de facilité à le faire.

« Quand il y a un problème de légalité, nous orientons les victimes vers la police ou la gendarmerie ». Depuis la loi du 4 août 2014 sur l’égalité homme-femme, le harcèlement est puni et le cyber-harcèlement en est une circonstance aggravante. Dès lors, les harceleurs risquent la privation de liberté et des amendes. « Quand les harceleurs ont moins de 13 ans, c’est compliqué car ce sont les parents qui sont responsables dans le cadre des dommages et intérêts ». Des mineurs sont actuellement poursuivis pour cyber-harcèlement dans le cadre d’affaires comme celle de Marion Fraisse ou de Matteo, « mais comme les affaires n’ont pas encore été jugées, nous ne savons pas ce qu’il adviendra ».

En attendant, les harceleurs risquent déjà des sanctions au niveau scolaire dans leurs établissements. Cela va des punitions aux exclusions temporaires voire définitives. « C’est une bonne chose, car pendant longtemps c’est aux enfants harcelés qu’on conseillait de quitter les établissements. Les harceleurs restaient et ils recommençaient sur d’autres victimes ».

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Crédit : Mathilde Pujol

Lorsqu’un cas de cyber-harcèlement est détecté et avéré, il faut en supprimer les traces tout en prenant en charge les harceleurs et la victime. C’est ici qu’interviennent des plateformes comme le numéro Net-écoute, la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) ou e-Enfance :« Nous travaillons en partenariat avec Facebook, Instagram, Whatsapp, Google, Youtube, Twitter, Ask etc. Les gens peuvent nous appeler s’ils ont quelque chose à supprimer et que ça n’a pas été fait après l’avoir signalé sur la plateforme concernée. Nous transmettons au réseau social concerné qui supprime le contenu indésirable dans les heures qui suivent, nos demandes montent en haut de la pile. Nous pouvons également faire fermer les comptes des harceleurs » raconte Justine Atlan.

e-Enfance a recours à ce genre de procédure seulement pour des cas graves nécessitant une intervention urgente. « Nous avons surtout vocation à aider les gens à signaler eux-mêmes car souvent ils ne savent pas le faire, à leur expliquer ce qui est légal et ce qui ne l’est pas. Nous effectuons une mission de pédagogie qui est de transmettre aux gens les bonnes pratiques pour qu’ils deviennent autonomes dans leur usage d’internet ». Malgré tout Internet n’oublie jamais vraiment, et pour le service juridique de la CNIL : « Les cas de suppressions de données sont extrêmement rares, c’est en dernier recours ».

Myriam raconte : « Le harcèlement sur mon blog et sur MSN a duré quelques mois, puis quand je suis arrivée en cinquième j’ai changé d’adresse mail et de blog et je n’ai plus eu de problèmes. »

Supprimer les traces passe aussi par le volet psychologique, le harcèlement laisse des séquelles aussi bien à la victime qu’au harceleur : « Un suivi des deux parties doit être opéré. Nous devons responsabiliser les jeunes et leur faire comprendre les enjeux de leurs actes. Il y a l’urgence de traiter la victime mais après il faut aussi s’occuper du harceleur si on ne veut pas qu’il continue. » Aujourd’hui, Myriam est étudiante en géopolitique et a mis ce mauvais souvenir derrière elle. Pourtant, cette période a été traumatisante : « Cette expérience m’a vraiment affecté et m’a rendue très méfiante envers les autres, j’ai beaucoup perdu confiance en moi. »

Pour Justine Atlan, le fait que le cyber-harcèlement soit répréhensible par la loi est bénéfique : « Pour des enfants un peu caïds qui se croient tout permis sur Internet, se retrouver face à un policier ou un gendarme va leur rappeler ce qu’ils risquent. »

Le cyber-harcèlement n’étant pas localisé, il est difficile pour les différents acteurs que sont les jeunes, l’école et les parents de le régler. Se rejetant souvent la faute les uns sur les autres, comme dans le cas Marion Fraisse dans lequel Nora Fraisse accuse directement l’école de négligence. Les solutions proposées par la loi restent maigres et l’école, dépassée, fait ce qu’elle peut pour endiguer le phénomène. Le fond du problème est le manque cruel d’éducation à Internet de toute une génération de parents et de professeurs face à une génération d’élèves née avec mais qui n’en perçoit pas les dangers.

TEMOIGNAGE. 

 

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Crédit : Thomas Carrère

 

« Aller au lycée était devenu une torture »

Aujourd’hui âgée de 18 ans, Carla a vécu harcèlement et cyber-harcèlement au collège et au lycée. Son calvaire commence lorsqu’elle débute sa carrière de mannequin à l’âge de 13 ans. « Alors que j’ai eu droit à un article en première page dans le journal La Provence, toutes les filles du petit village dans lequel je vivais m’ont tourné le dos. » Sensible et vulnérable, Carla devient « la personne à abattre ».

« Aller au lycée était devenu une torture. Le matin j’avais la boule au ventre quand ma mère me déposait. Monter les escaliers jusqu’à l’entrée du lycée en traversant cette marée d’adolescents était devenu mon cauchemar. Je passais mes récréations enfermée dans les toilettes pour ne plus devoir faire face au regard des autres ».

Les moqueries ne s’arrêtent pas à la porte de l’école et se poursuivent sur les réseaux sociaux : « J’avais perdu toute confiance en moi. J’étais devenu leur cible préférée, chacune de mes publications récoltait son lot d’insulte, de « pute », « salope ». On m’insultait aussi par messages ».

Par honte et par peur du regard des autres, Carla n’ose plus sortir de chez elle. « Il m’est arrivée de me faire cracher dessus dans la rue ». Pour couper court à la spirale infernale, elle arrête l’école à l’âge de 15 ans, en classe de seconde, et part à Paris pour poursuivre sa carrière.

« A cause de cela j’ai pris les jeunes de mon âge en horreur : Je faisais des détours lorsque je passais devant une terrasse remplie d’adolescents par peur des moqueries par exemple . Cela m’a conduit à ne vouloir être entourée que de personnes plus âgées que moi ». Cette stratégie d’évitement l’a aussi poussée à ne plus se rendre sur les réseaux sociaux. « J’ai arrête d’aller sur Facebook. Et même si c’est terminé, je n’y suis toujours pas retournée. Je suis censée pour mon travail être très active sur Instagram mais j’ai perdu l’habitude de dévoiler ma vie sur Internet, sans doute pour me protéger ».

Aujourd’hui Carla est bien dans sa peau et poursuit sa carrière en France et à l’étranger : « J’ai compris qu’il fallait aller au delà des commentaires désobligeants ». Repenser à ses anciens bourreaux la fait même sourire : «  Toutes ces filles qui m’ont rendu la vie si dure sont revenues me parler pour me dire que je suis un exemple pour elles et qu’elles m’ont toujours admiré ».

Maëva, 17 ans et Damien, 18 ans, scolarisés au lycée Van Gogh de Levallois-Perret (92) ont été témoins de cas de cyber-harcèlement :

 

INTERVIEW.

« C’est à l’école de bâtir une éthique du numérique »

Jean-Pierre Bellon est professeur de philosophie et président de l’Association de prévention des phénomènes de harcèlement entre élèves (APHEE) depuis 2006. Sa mission est de former et d’aider les professionnels à répondre à ce type de violences.

Comment régler un cas de cyber-harcèlement ?

Harcèlement et cyber-harcèlement se tiennent par la main, l’élève harcelé sur les réseaux sociaux l’est aussi en classe la journée. C’est à l’école et au personnel éducatif de prendre en charge toutes les situations de harcèlement. C’est inscrit dans la loi depuis 2013. Mais dans les faits, les équipes encadrantes sont souvent désarmées et faute disposer des bonnes méthodes, elles commettent souvent des fautes. La sanction des harceleurs est parfois nécessaire, mais elle ne peut pas à elle seule faire cesser le harcèlement.Pour l’interrompre, il faut s’occuper de tous ceux qui ont pris part au harcèlement. D’ou l’intérêt de la méthode Anatol Pikas dite de la préoccupation partagée que nous utilisons actuellement. Elle consiste en une série d’entretiens individuels avec les harceleurs au cours desquels on recherche comment il peuvent trouver eux-même une issue au problème dont ils sont l’origine. Cela est long mais très efficace.

C’est donc uniquement au personnel enseignant d’éduquer et de lutter contre ce phénomène ?

Une fois encore, oui, c’est à l’école d’intervenir. Si l’école n’éduque plus il y a des questions à se poser. La prévention commence avec un travail de réflexion avec les élèves. En décortiquant certains cas qui se sont produits comme nous l’avons fait avec Bertrand Gardette dans notre dernier ouvrage, on se rend compte que tous auraient pu être arrêtés avant l’issue fatale si la parole des adultes s’était interposée. Pourquoi un ado qui reçoit une photo à caractère sexuel ne la détruit-il pas immédiatement ? Pourquoi la réexpédie-t-il ? Et pourquoi ces mêmes élèves se retournent-ils contre la victime dès que la photo est diffusée ? Il faut que toutes ces questions soient débattues en classe avec les jeunes. Quel éducateur peut prétendre que ce n’est pas son rôle ?

Anne-Charlotte Dancourt et Mathilde Pujol

Les salles d’art et essai ne sont pas prêtes de mourir !

On pourrait penser qu’elles sombrent face à l’avancée des multiplexes, et pourtant non. Les cinémas d’essai se portent plutôt bien. La preuve à travers cette enquête.

Des lustres historiques, des activités pour les enfants et bon nombre de festivals : un cocktail qui fait fonctionner le Studio 28, salle d’art et d’essai implantée à Montmartre depuis près de cent ans. A voir les touristes et autres curieux qui se pressent devant les portes, on peut voir que oui, le cinéma d’art et d’essai se porte bien, merci pour lui. En dix ans, la fréquentation a même augmenté de 0,2% lorsque le reste des salles généralistes a vu son public baisser de 0,1%. “Les cinémas d’art et d’essai se maintiennent bien face aux multiplexe” se félicite Dorothée Duval, chargée de mission pour le classement art et essai au CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée). “Le nombre de salles labellisées reste constant d’année en année. C’est une très bonne chose.”

Mais ne crions pas victoire trop vite. Pour lutter contre le rouleau compresseur des grands groupes d’exploitations tels que UGC et Gaumont-Pathé, les salles indépendantes doivent redoubler d’efforts pour se réinventer au quotidien.

L’esthétique avant tout

Face aux grandes salles impersonnelles des multiplexes, un espace agréable à l’oeil fait toute la différence. C’est justement au Studio 28 que l’on peut admirer les lustres dessinés par Cocteau. Il disait d’ailleurs que c’était “la salle des chefs d’oeuvre et le chef d’oeuvre des salles.” De Capra à Brel, les plus grands se sont succédés dans ses murs. Candélabres et ciel étoilé sont suspendus au-dessus des têtes des spectateurs, aussi impressionnés par la décoration de la salle que par les films eux-mêmes.

Autres exemples tout aussi sublimes : les murs du cinéma Pagode, un ancien salon d’aristocrates. Insolite, il cache derrière ses murs une salle japonaise et son jardin assorti. Des lieux classés monument historique depuis les années 80. Construite en 1896, la Pagode ne s’ouvre au public que dans les années 30. Le salon est alors transformé en salle de projection et devient lieu de rendez-vous pour les cinéphiles du 7e arrondissement.

Photo des Cinémas Etoile
Photo des Cinémas Etoile

Le Balzac, lui, naît en 1935. Dans sa rue du même nom, il devient vite le cinéma à se pas râter aux Champs-Elysées. Pour les spectateurs, le confort est là : une immense salle ronde inspirée directement de l’art déco.

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Photo de Frédéric Reglain

 

L’attrait esthétique est un aspect qu’espère développer Phillipe Coquillaud, directeur du cinéma le Méliès à Pau. “Nous voulons nous agrandir et repenser entièrement notre espace, pour l’instant austère. Le cinéma devrait être un lieu de rencontres où les gens viennent passer un moment agréable, pas simplement pour voir un film.

L’ouvreuse du Studio 28 nous révèle ses secrets. Reportage Estelle Walton.

Des activités variées et enrichissantes

Mais si le cinéma de quartier persiste et perdure, ce n’est pas uniquement grâce à son décorum. Les gérants de salles multiplient animations et débats divers autour des films projetés. Michel Ferry, secrétaire général de l’AFCAE (Association française du cinéma d’art et essai), expliquait dans une interview donnée à France musique en janvier dernier : ”Il faut renouveler en permanence le public. Une salle art et essai, c’est 5-6 débats par semaine. »

Au coeur du quartier latin, le Reflet Médicis, organise différents événements qui rythment la vie du cinéma, comme le festival du film russe ou encore celui du film finlandais. Experts, réalisateurs et musiciens rejoignent  les fauteuils rouges donner vie aux films.

Et pour plus de fun niveau animations, reportage ici au Studio Galande avec le Rocky Horror Picture Show.

L’animation est un critère que défend l’AFCAE depuis sa création en 1955. Elsa Piacentino, chargée de communication de l’association le confirme. “Pour recevoir le label art et essai, il faut que le lieu soit valorisé, il ne faut pas que ce soit uniquement un lieu de projection. L’idée : créer des animations, des débats, des activités jeune public.” C’est ce qu’a choisi de faire Nolwenn Turbin, animatrice du cinéma art et essai le Beaulieu à Nantes. “Diffuser un film en lien avec l’actualité, s’ouvrir aux faits de société et accompagner la séance d’un débat, ça dope la fréquentation.”

Attiser la curiosité des nouvelles générations

Et avec les jeunes ? C’est parfois un public difficile. Pour René Salsa, directeur du Saint-Denis à Lyon, le public ne va pas en-dessous des 35 ans. Alors qu’au Chaplin Denfert, le directeur Eric Gozzi s’est relié à l’université de Nanterre pour y accueillir les jeunes investis dans le festival de court-métrages. Ce cinéma a justement établi un partenariat avec Enfance de l’art, une association qui sélectionne des films mettant en valeur la création cinématographique au-delà des dessins animés grand public diffusés dans les multiplexes.

Un point important pour Frédéric Gimello-Mesplomb, enseignant à l’université d’Avignon et spécialiste du cinéma art et essai. “Il existe beaucoup de dispositifs pédagogiques pour éduquer les enfants et les jeunes sur l’art et essai. Par exemple, des intervenants ou réalisateurs se rendent dans les établissements. Débats et rencontres sont organisés pour leur faire découvrir ce type de cinéma méconnu.” A Nantes, les salles favorisent la rencontre entre bambins et cinéma. Au Beaulieu, des séances sont proposés aux plus petits. Dès deux ans, ils peuvent participer aux goûters et ateliers artistiques qui accompagnent les projections.

Renouveler le public, un défi relevé pour le cinéma l’Ecran à Saint-Denis en région parisienne. Boris Spire, directeur du cinéma depuis 10 ans, pratique ce qu’il appelle “le festival permanent”: de l’événementiel et des séances dans les écoles pour attiser la curiosité des jeunes publics.

A Paris 8, les étudiants aussi mettent la main à la pâte. Dans le cadre de leur formation, le master Politiques et gestion de la culture en Europe participe chaque année au festival Cinéma du réel. Sélection, contact avec le réalisateur, programmation, gestion de la communication,  ces jeunes s’occupent du processus de A à Z. Le résultat : un documentaire colombien, une salle bien remplie, et une discussion avec le réalisateur en prime. Pour Héloïse Proy, partie prenante du projet, cette expérience a été très formatrice: “Je n’aurais jamais pensé à m’intéresser au genre documentaire de cette manière. Être dans les coulisses, a complètement changé ma conception de la programmation. Quand on a vu la salle presque pleine, on était pas seulement heureux, on était fiers.” Pourtant, engouement d’un soir n’est pas toujours synonyme de public fidèle. “Peu d’étudiants viennent régulièrement” regrette le directeur de la salle. “Ils ne vivent pas sur le campus et ne restent pas sur place après les cours. Il est donc d’autant plus difficile de les fidéliser”.

Des films qu’on ne trouve pas (ou plus) ailleurs

Pour le cinéma le Mélies à Pau, c’est la clé du succès : des films éclectiques, de genres, programmés plus longtemps. “Un film reste facilement 5 à 6 semaines à l’affiche, nos habitués le savent. A terme, on peut faire plus d’entrées qu’un multiplexe”, explique Philippe Coquillaud, directeur de la salle.

A Paris, le Chaplin Denfert continue à diffuser les films qu’on ne peut plus trouver ailleurs. Eric Gozzi, directeur, explique : “Dans les grands cinémas, les films restent à l’affiche deux semaines maintenant ! Les spectateurs peuvent donc venir dans les salles de quartier pour voir les films qu’ils n’ont pas eu le temps de visionner.” Au CNC, la singularité de la programmation est un atout évident. « Dans les salles d’art et essai, c’est un autre style de films, bien différents des productions grand public diffusées en multiplexes. »

Revoir les films de patrimoine est aussi un point que les cinémas ont à coeur. A Nantes, les vieux films sont à l’honneur. Des bénévoles passionnés viennent avant la projection deux fois par mois pour présenter ces classiques à voir et à revoir.

Un contact humain essentiel

Le public est bien souvent constitué de fins connaisseurs. A la Filmothèque par exemple, cinéma d’art et d’essai du quartier latin, on s’adresse à un public ô combien savant, capable de pointer du doigt les erreurs de projection. “Quand on se trompe de format, ils gueulent. Ils voient tout de suite que le film n’est pas diffusé dans son format initial” explique Philippe Mazel, le chef de cabine.” Une stratégie développée pour un public précis :“Il faut pas se leurrer, la majorité de nos spectateurs sont des petits vieux soixante-huitards, nostalgiques de l’âge d’or des années soixante dix, et lecteurs de Télérama” rappelle le directeur de la salle de Saint Denis.

“Quand vous allez au Pathé ou au Gaumont, vous êtes totalement anonyme” note René Salsa, directeur du Saint-Denis à Lyon. “Ici, on discute avec les gens au guichet et quand il y a la queue, on attend que tout le monde ait payé sa place avant de lancer le film.”

“Techniquement, il n’y a pas de public propre aux salles d’art et essai.” explique Frédéric Gimello-Mesplomp. “Ce n’est pas parce que les gens vont dans les cinémas art et essai qu’ils ne se rendent pas dans les multiplexes. Par contre la salle va construire son public, elle va proposer une programmation plus pointue. C’est le public qui conditionne la salle et pas l’inverse.”

Faire face aux menaces

Malgré tous leurs efforts, les salles d’art et essai subissent les effets du XXIe siècle. Les multiplexes toujours plus grands et confortables, attirent un public de plus en plus large grâce à une programmation très diversifiée. Avec ses 37 films simultanés à l’affiche et sa VO quasi systématique, l’UGC ciné cité des Halles à Paris fait de l’ombre aux salles intimistes. “Entre des salles vieillottes et bruyantes et des écrans flambants neufs et des sièges tout confort, mon choix est vite fait.” Explique Hubert Prolongeau, journaliste et cinéphile depuis son plus jeune âge. “L’idée d’opposer le cinéma d’art et essai aux salles commerciales ne veut plus dire grand chose.”

Cette menace, l’Utopia Saint Siméon à Bordeaux la vit au premier plan. Installée dans une ancienne église, cette salle entièrement indépendante est ancrée dans les habitudes bordelaises. Mais pour Stephan Bolato, programmateur dans la salle d’art et d’essai depuis 10 ans, cet attachement ne suffit plus: “Notre fréquentation est en baisse constante. Nous avons perdu 14,5% d’entrées depuis le début de l’année.” Pourtant, le cinéma redouble d’efforts pour attirer le public: soirées débats, festivals, programmation éclectique, magazine à l’édition léchée, même un bar restaurant est installé dans le hall pour créer une ambiance chaleureuse à la sortie d’une projection. “l’UGC est à 5 minutes à pied et nous vole notre clientèle. Eux, ils ne dépendent pas des entrées, ils ont les pubs et le Pop Corn, sur lesquels ils font des marges colossales. ” Un nouveau complexe de 13 salles est prévu, un nouveau coup de bâton pour la salle indépendante. Malgré nos multiples relances, le groupe UGC-MK2 n’a pas donné suite aux appels téléphoniques.

Pour certains cinémas, le numérique a été synonyme de diversité et de flexibilité accrue. Pierre Magne, Assistant de Programmation pour le réseau du Parvis installé dans les Hautes Pyrénées ne peut plus s’en passer : “on a plus à se déplacer pour faire passer les bandes à nos cinémas en personne, ça nous a changé la vie. Notre programmation s’en trouve enrichie.” Mais pour son homologue bordelais, l’investissement est bien trop lourd. Cette remise à neuf, vécue comme imposée par les boites de distribution et le CNC a été faite sans consultations des salles indépendantes et n’est pas adaptée à leur usage: “ Une nouvelle cabine de projection coûte entre 50 000 et 70 000 euros, et est optimisée pour des écrans de 15 m. Nos écrans sont bien plus petits. C’est une dépense inutile, et c’est mettre le doigt dans l’engrenage de l’obsolescence programmée. Un projecteur argentique pouvait durer 30 ans, qui sait combien d’années dureront les nouveaux avant de devenir obsolètes à leur tour?

Interview de Pierre Magne disponible ici.

Et l’argent dans tout ça ?

Les multiples initiatives qui permettent aux salles d’art et essai de vivre ne seraient pas possible sans le soutien financier du CNC. « Nous attribuons une subvention qui va de 2000 à 99 000€ par an, selon les salles » explique Dorothée Duval. Les pouvoirs publics ont aussi leur rôle à jouer. A Saint-Denis, ils financent 60% du budget de l’Ecran. “Sans leur soutien, il serait plus difficile de faire le lien avec les écoles et l’Université.

Là-bas, comme dans de nombreuses communes, la municipalité met gratuitement à disposition les locaux aux cinémas. Mais sans aide de la ville, les choses peuvent rapidement se compliquer. A Bordeaux, le Stéphan Bolato regrette ce manque de soutien “Nous sommes un cinéma complètement indépendant qui tire la majorité de ses revenus par la vente de tickets. C’est un choix, mais la ville ne nous aide en aucun cas, il nous handicapent.” Le directeur de salle d’art et d’essai s’inquiète de la création prochaine du nouveau multiplexe dans l’agglomération. “La ville est déjà saturée en écrans, et l’on va devoir se battre d’autant plus  récupérer des copies de films. Notre seul recours, c’est de continuer à nous diversifier.

La charge salariale est un poids pour beaucoup de salles. Pour l’Utopia, c’est même la majorité du budget de fonctionnement. “On ne paye pas nos salariés au lance pierre, ça fait partie de nos valeurs. Du coup, c’est un poids considérable sur notre budget.” Mais à Lyon, le Saint-Denis a trouvé un modèle différent : géré par une équipe de bénévoles, le cinéma n’a pas à payer de salaires à la fin du mois et, grâce aux bénéfices engendrés, peut mettre à jour les équipements numériques pour une meilleure projection.

La clé sous la porte, une peur inévitable

Le tableau n’est donc pas si noir pour les salles d’art et d’essai. Et pourtant le Melville n’a pas résisté. Ce cinéma de Rouan a fermé le 23 septembre, après trois mois de discussion intense. Le cinéma vivait des jours difficiles depuis 2013. Une situation financière irrattrapable qui n’a cessé de se dégrader. Les loyers étaient impayés, les salaires non reversés. Placé en redressement judiciaire en juillet 2014, les salariés croyaient encore au plan de sauvegarde mais c’était peine perdue. Aujourd’hui l’’avenir du bâtiment semble s’orienter vers l’installation d’une nouvelle salle de spectacle.

Le cas du Melville reste emblématique et montre que tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes pour les salles d’art et essai. Malgré de nombreux exemples flamboyants, la survie des cinémas indépendants n’est pas évidente pour tous. A Saint-Denis, Boris Spire résume la situation en une phrase :  “De toute façon, être directeur d’une salle d’art et d’essai, nous oblige à être optimiste, autrement il faut changer de métier.”

Estelle WALTON et Margaux MALINGE

Le Parvis, un multiplexe 13 salles sur… 4 000 km2

Avec 4 millions de budget, le Parvis à Tarbes (65) diffuse chaque année des dizaines de films d’art et essai au pied des montagnes des Hautes Pyrénées. Pierre Magne, assistant de programmation depuis 5 ans, explique pourquoi les défis du cinéma en milieu rural.

Comment est né le projet ?

Ca a démarré comme une petite aventure. La Scène Nationale du Parvis Tarbes existe depuis 40 ans. On peut y trouver de l’art contemporain, de la danse, du cinéma et du théâtre. Petit à petit, les municipalités sont venues vers nous pour que l’on gère leurs salles. On fédère maintenant 11 cinémas, en grande partie municipaux. C’est comme un multiplexe de 12 salles, mais éclatées sur le département. Nous sommes 3 programmateurs qui gérons tout de A à Z.

Quels sont les avantages d’un tel système?

Le territoire des Hautes-Pyrénées n’a pas une offre pléthorique en terme de cinéma. Tout seul avec un mono-écran, ils n’avaient pas de levier pour demander des copies. En se fédérant, ça nous permet d’avoir une meilleure force de négociation au niveau des distributeurs. Ça permet aux mairies de faire vivre les salles.

A Arrens, par exemple, il n’y plus de librairies, pas de salle de spectacle, mais il y a un cinéma. Et puis, le numérique a rendu notre travail plus facile. Il y a encore deux ans, on avait qu’une seule pellicule que l’on passait d’un cinéma à l’autre. C’était la tournée du facteur! Le numérique a tout changé.

Comment se porte le réseau?

Ça marche bien. Les bonnes années, on peut aller jusqu’à 150 000 entrées sur les onze salles. Mais ça dépend beaucoup de la programmation. Ce premier trimestre, c’est la catastrophe. On a pas de films  En 2014, toutes les salles ont augmenté leur fréquentation, celle de Cauterets a même doublé. A 1300 mètres d’altitude, c’est une des salles de notre réseau qui fonctionne le mieux. Il y a clairement un public, mais si les gens viennent, c’est aussi grâce à des gérants de salles qui connaissent le tissu local et savent se bouger pour l’entretenir. C’est un travail de terrain.

Comment faites vous pour encourager le public à se déplacer pour l’art et essai?

C’est parce que l’on passe des films qui font de grosses entrées que l’on peut se permettre de diffuser des films plus intimistes. Lorsqu’on fait beaucoup d’entrées avec un James Bond, ça nous permet de mieux faire notre travail. Si on faisait que de l’art et essai, on aurait mis la clé sous la porte depuis longtemps. Ce qui compte, c’est de diffuser du cinéma.

On organise des soirées avec des associations, des discussions, des débats. Par exemple, les séances Ciné Passion,  sont réalisées avec les élèves des lycées d’Argelès-Gazost et de Bagnères de Bigorre. Les étudiants s’occupent de la communication et du choix du film. Bien sur, le succès dépend beaucoup de la volonté enseignants.

Et à Tarbes?

On manque d’attractivité. Sans accès en transports en commun après 21h, difficile de ramener des jeunes. Mais on se bouge. 1 fois par mois, on organise une soirée film de genre ou l’on offre des pizzas et met de la musique entre deux films. La semaine dernière, le gérant du Pub le Celtic est venu avec un groupe, et tout le monde dansait sur les sièges. Ça rajeunit le public, et nous on s’amuse beaucoup.

Pourquoi avoir choisi ce métier?

Nous sommes avant tout des cinéphiles. Contrairement à M. Gaumont ou M. Pathé, nous ne sommes pas là pour faire de l’argent, mais pour partager un art et sauvegarder la pluralité de l’expression. Le cinéma, c’est un point de vue sur le monde. Grâce au travail du CNC, nous avons une pluralité unique au monde.

Estelle WALTON

Ambiance Rocky’n’roll au Studio Galande

Chaque vendredi et samedi soir, à 22h, le célèbre Studio Galande à Paris organise une soirée spéciale Rocky Horror Picture Show. 


Rock’n’roll avec le Rocky horror au Studio Galande par malinge-margaux

Dans le quartier latin de Paris, le film burlesque et totalement décalé des années 70 qu’est le Rocky Horror Picture Show refait surface toutes les semaines. Dans la salle du Studio Galande – qui ne compte que 83 places – le film est projeté sur grand écran tandis que des comédiens font leur propre « show » sur scène. Cette troupe c’est celle des No Good Kids, auparavant appelés les Irrational Masters. Si la tradition du Rocky existe depuis 35 ans, c’est la même troupe qui se charge de cet événement depuis une dizaine d’années.

Dans la salle d’art et essai, d’habitude, on trouve des films de toute sorte. Nasser, le chef de cabine, explique que « contrairement aux idées reçues, il n’y a pas que le Rocky qui compte dans les recettes du Studio Galande. Notre public est très varié et beaucoup de seniors du quartier aiment se poser dans ce cinéma le soir pour regarder un film. » Dans leur programmation, des vieux films, quelques œuvres grand public et bien sûr des films classés art et essai.

Et le concept des soirées Rocky, qu’est-ce c’est ? L’idée est simple : rendre le film d’origine encore plus déjanté et drôle qu’il ne l’est en ajoutant sur scène des comédiens. Ils commentent chaque tirade avec humour et multiplient gestes et grimaces grotesques pour faire croire qu’ils interagissent avec les acteurs projetés sur écran. Ils viennent même piocher des victimes dans le public pour quelques numéros improvisés. Leur mot d’ordre : s’amuser. « On est avant tout une bande d’amis. L’amitié passe avant le spectacle.

Ce vendredi 9 avril, dès 21h30, la foule commence à se presser devant la porte d’entrée du studio. Comme presque à chaque fois, le cinéma fait salle comble. Comme Chloé, 17 ans, beaucoup viennent parce qu’ils restent des fans inconditionnés du film « On est venus pour s’éclater ! Le film est complètement déjanté et les chansons sont vraiment super cool. » Et alors que les Parisiens se pressent devant l’entrée, on peut aussi apercevoir quelques têtes de touristes qui ont entendu parler de ce phénomène hebdomadaire par-delà les frontières. Exemple avec Greta, américaine, en voyage en France avec sa famille. « C’est la première fois que je vois ce film. Là je suis à Paris et je veux tester des choses complètement nouvelles. »

Durant le show, blagues scabreuses et déhanchés sexy à souhait. Une chose de sûre au Studio Galande, il est nécessaire de laisser tomber toute gêne. Alors que la plupart des salles de cinéma exigent le silence, ici on incite sans arrêt le public à participer. Quitte à hurler des obscénités en pleine projection. De quoi faire penser à l’ambiance des vieux théâtres où lancer des projectiles sur scènes ne choquait personne.

C’est entre autres l’idée de deux scènes mythiques. Tandis que le film s’ouvre avec un mariage les spectateurs ont comme tradition de lancer du riz dans la salle. Autre moment tout aussi emblématique : la scène de l’orage. Pistolets à eau et parapluies sont alors de sortie.

Vous l’aurez compris, le Studio Galande et le Rocky Horror Picture Show, c’est une histoire d’amour et d’humour, là où tout est permis. Blagues obscènes ou humour noir charbon, personne ne s’en offusque, ici c’est la tradition. Et histoire de faire participer le public une dernière fois, les comédiens proposent aux spectateurs d’aller boire un verre au bar d’en face à l’issue de la séance. « Il y a des gens qu’on retrouve de séance en séance. On fait énormément de rencontres sympas avec le Rocky. 95% des gens nous disent qu’ils adorent parce que c’est très original. C’est quelque chose qu’ils n’ont vu nulle part ailleurs. »


Margaux MALINGE