Chahuté par les affaires des droits télévisés, le football français poursuit sa descente aux enfers. Le coût exorbitant de l’abonnement proposé par le diffuseur DAZN continue de creuser un fossé entre les dirigeants de clubs et les supporters. Pour faire entendre leurs voix, beaucoup forment des groupes de socios qui gagnent en crédibilité grâce à des soutiens de poids.
Plus de 40 ans après son départ du Forez pour Turin, Michel Platini est de retour à Saint-Etienne. Toutefois, il n’est pas question d’une casquette d’entraineur ou d’un costume de dirigeant pour le triple ballon d’or. « Platoche » a décidé d’adhérer au projet « Socios Verts« , un collectif de supporters souhaitant s’impliquer dans le club aux 10 championnats de France.
https://twitter.com/Socio_Verts/status/1833732203080986820
Les « socios » sont des fans qui aspirent à être propriétaires d’une partie de leur club. Le terme est originaire d’Espagne où le Real Madrid et le FC Barcelone sont des exemples de gestion par leurs supporters. Ils sont plus de 90 000 au Real Madrid et ont un pouvoir de décision concret avec le droit de voter pour élire le président du club. En France, les statuts juridiques rendent difficiles l’obtention d’une place dans la direction des clubs.
« Il y a deux types d’esprit socios en France, explique Julien Beal, vice-président des Socios Verts. Certains sont nés dans le but de sauver leur club financièrement comme à Sochaux ou Bastia. D’autres ont été créés sans problèmes financiers mais simplement pour faire entendre la culture du club, c’est le cas à Guingamp ou à Saint-Etienne.» Dans le club breton, les socios disposent de 7,5% du club.
Sauver un club d’une crise majeure
Le dernier groupe de socios en date est celui né à Bordeaux. Les Girondins enchainent les déconvenues et ont perdu leur statut professionnel. Devant évoluer en Ligue 2, le club au scapulaire a finalement été rétrogradé administrativement en National 2, la quatrième division du football français. Cette situation est vécue comme un drame par les amoureux de cette institution qui a vu passer des joueurs historiques comme Zinédine Zidane ou Bixente Lizarazu.
https://twitter.com/GirondinSocios/status/1825476595936579729
Ainsi, Girondins Socios se présente sur son site comme « une initiative passionnée visant à organiser un actionnariat supporter aidant le club avec pour principal objectif : agir pour le respect de l’institution du FCGB ». Former un appui financier vise à acheter une partie du club pour faire partie de la prise de décisions. Cela permet aussi à tous les supports d’intégrer le capital du club.
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Les supporters girondins espèrent reproduire la belle expérience de Sochaux qui a échappé à la liquidation judicaire grâce à un projet de rachat mené par ses socios. Le groupe bastiais a également joué un rôle décisif dans le retour du club corse au premier plan. Toutefois, les propriétaires ne sont pas toujours ouverts à l’entrée des supporters dans la direction du club, rendant difficile l’opération.
Se défendre face au foot business
Lorsque le groupe de socios ne naît pas dans la crise, il aspire à améliorer le lien entre direction et supporters. « Nous sommes tous d’accord avec l’idée que les présidents président, que les entraîneurs entrainent et que les supporters supportent, commente Mounir Mouguin, membre du groupe socio grenat affilié au FC Metz. Toutefois, seuls les supporters sont là pour toute leur vie. Nous devons être entendus. »
C’est en ce sens que le projet des Socios Verts consiste davantage à développer la culture du club. « Le socios est un supporteurisme 2.0 qui permet aux fans de rappeler qu’ils ne sont pas que là pour financer le club avec des abonnements et des maillots, affirme Julien Beal. On veut contribuer à l’éducation à la culture du club dans les centres de formation ou aux animations d’avant match ou de la mi-temps par exemple. » Le supporter ajoute que le mouvement n’a pas vocation à prendre des décisions liées à la direction sportive des Verts.
« Nous sommes le contrepoids du foot business, se targue Mounir Mouguin. Tout le monde doit pouvoir vivre le football et aujourd’hui, des clubs historiques comme Sedan ou Niort sont mis en difficulté. Les socios permettent de les sauver. » Pour réunir tous les mouvements et promouvoir l’actionnariat local, la Fédération des Socios de France est née en octobre 2023.
Améliorer l’image globale du supporter
En s’immisçant dans la direction du club, les socios espèrent tisser davantage de liens entre l’ensemble de ses membres. « Nous souhaitons la fin des insultes dans les stades, des actions sont possibles, l’Espagne est un exemple, assure Mounir Mouguin. Je pense que les joueurs doivent davantage rencontrer des supporters et des clubs amateurs. Ce sont des humains et créer du lien est essentiel pour arrêter ces réactions et améliorer l’image globale du supporter. »
Malgré quelques divergences selon les groupes, les socios ont en commun l’amour inconditionnel de leur club et la volonté de le préserver en mettant en avant ses valeurs. « Dans un stade, tout le monde est uni pendant 90 minutes malgré les différences d’opinion ou de religion, explique le socios messin. On souhaite prolonger ce vecteur social d’union en dehors du terrain grâce aux valeurs de nos clubs.»
Rémy VIDEAU