Le tueur de masse norvégien Anders Breivik, 38 ans, a annoncé ce jeudi sa volonté de saisir la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). La Cour suprême norvégienne, plus haute instance judiciaire du pays, refuse d’examiner le recours du responsable de la mort de 77 personnes en juillet 2011. Qu’est-ce que la CEDH et comment fonctionne-t-elle ? Explications.
La Cour Suprême de Norvège refuse de statuer sur son cas : il ira donc à la CEDH, la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Anders Breivik, 38 ans, a annoncé ce jeudi sa volonté de saisir la Cour Européenne des Droits de l’Homme. La Cour suprême norvégienne, plus haute instance judiciaire du pays, refuse d’examiner le recours du responsable de la mort de 77 personnes en juillet 2011 : Breivik a tué huit personnes en faisant exploser une bombe près du siège du gouvernement à Oslo avant de traquer des participants à un camp d’été de la Jeunesse travailliste, sur l’île d’Utoya.
L’extrémiste purge une peine de 21 ans d’emprisonnement susceptible d’être prolongée indéfiniment. Il dispose de trois cellules richement équipées en prison, mais il juge ses conditions de détention « inhumaines » notamment à cause de son isolement des autres détenus. Il estime que sa situation constitue une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui bannit tout traitement « inhumain » ou « dégradant ».
Une juge lui avait donné raison en 2016 sur ce point en première instance mais une cour d’appel avait estimé en mars de cette année que « Breivik n’est pas et n’a pas été victime de torture ou de traitement inhumain ou dégradant ».
Pourquoi le meurtrier norvégien se tourne-t-il vers la CEDH pour essayer d’obtenir gain de cause ? Voici les 5 informations-clés pour comprendre.
1 : Une création d’après-guerre
Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, les puissances alliées réfléchissent à des normes de droit international pour garantir la paix. Il y aura l’ONU (Organisation des Nations Unies) mais aussi la Cour Européenne des Droits de l’Homme. La CEDH est composée de trois sous-ensembles : un comité de trois juges, une chambre de 7 juges, et une Grande chambre de 17 juges pour les affaires particulièrement complexes.
Elle obéit à la Convention Européenne des Droits de l’Homme, qui est son texte fondateur. Ratifiée en 1953 à Rome, elle vise à protéger les droits civils et politiques des citoyens dont les états sont membres du Conseil de l’Europe. Toutefois, elle insiste sur la souveraineté des états.
La Convention est composée de 59 articles. Anders Breivik, lui, veut saisir la CEDH au nom de l’article de 3 sur les traitements inhumains et dégradant.
2 : Elle est liée au Conseil de l’Europe
Elle est créée en 1959 par le Conseil de l’Europe, qui est une assemblée parlementaire regroupant 47 états européens, dont les 28 membres de l’Union Européenne. Son siège est à Strasbourg. La Norvège en fait partie, tout comme la Russie et la Turquie : le Conseil de l’Europe ne réunit pas seulement les membres de l’Union Européenne. C’est pour cette raison qu’Anders Breivik peut saisir la CEDH.
3 : Elle ne peut être saisie comme n’importe quel tribunal
Il est impossible de saisir la CEDH pour une affaire de manière directe : la CEDH intervient en dernier recours. C’est l’article 35 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme qui stipule que « la Cour ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours
internes, tel qu’il est entendu selon les principes de droit international ». En France, par exemple, il faudra être allé jusqu’à la Cour de Cassation. Si le jugement rendu par celle-ci ne satisfait pas la personne, il peut porter son affaire à la CEDH.
Anders Breivik est dans ce cas de figure : il est allé jusqu’à la Cour Suprême de Norvège, la plus haute institution judiciaire de son pays. Celle-ci refusant de statuer sur son cas, il saisit la CEDH.
4 : Une institution très sollicitée
La CEDH rend près de 1000 arrêts par an, ce qui est énorme. Un protocole a dû être adopté pour désengorger la Cour qui voyait les demandes se multiplier.
5 : Des décisions qui font figure d’exemple dans le droit International
Parmi les arrêts rendus par la CEDH, certaines décisions ont marqué le droit et sa pratique : certaines appartiennent désormais à ce que l’on appelle la jurisprudence (des textes qui font figure d’exemple, souvent étudiés). Parmi ces décisions, on peut citer la condamnation de la France dans l’affaire Siliadin (la France n’a pas respecté l’article 4 de la Convention sur l’esclavage et n’a pas condamné assez sévèrement les coupables d’esclavage sur Siwa-Akofa Siliadin dans les années 1990) ou encore l' »affaire Chypre contre Turquie » en 1978. L’Etat turc avait torturé et infligé des traitements inhumains et dégradants sur des détenus chypriotes et s’était justifié en déclarant qu’elle ne reconnaît pas l’état de Chypre. La CEDH a réaffirmé que la non-reconnaissance mutuelle des Etats ne suspend pas le respect des droits de l’homme.
Asmaa Boussaha