Européennes 2024 : de la sortie de l’UE à une réforme de l’intérieur, comment l’extrême droite a fait sa mue

Aujourd’hui, les différents partis d’extrême droite européens n’affichent plus leur souhait de sortir de l’Union européenne, ils aspirent désormais à la changer de l’intérieur. La vague populiste annoncée par nombre de sondages, le dimanche 9 juin, pourrait donc bouleverser le projet communautaire.

 

Jeudi 23 juin 2016, les Britanniques votaient à 51,9% pour quitter l’Union européenne (UE). Parallèlement, en France, Marine Le Pen, alors présidente du Front national (FN) se félicitait d’un tel choix. Elle préconisait alors « d’organiser un référendum » pour une sortie de la France de l’UE.

Il en allait de même pour sa nièce, Marion Maréchal-Le Pen, anciennement membre du FN, aujourd’hui tête de liste du parti Reconquête d’Éric Zemmour, aux européennes. Elle défend, désormais, une « Europe des nations et de la civilisation ». L’objectif n’est plus de quitter l’UE, mais à l’instar de sa tante, de la réformer de l’intérieur.

 

Aujourd’hui, à deux jours du vote, Jordan Bardella, tête de liste et président du Rassemblement national (RN) continue d’expliquer partout où il passe que cette époque est révolue et qu’il souhaite réformer l’Union de l’intérieur. Ses détracteurs l’accablent de vouloir un « Frexit caché ». Au profit d’une Europe à la carte.

 

L’idée s’est volatilisée des programmes

Plus au nord, Geert Wilders et son Parti pour la liberté (PVV, extrême droite), après avoir remporté les élections législatives aux Pays-Bas en novembre 2023, avaient longtemps prôné un Brexit version hollandaise, « Nexit ». Mais depuis quelques années, l’idée s’est volatilisée. Plus surprenant encore, le projet n’a jamais été évoqué durant l’actuelle campagne des européennes. La raison ? Les électeurs néerlandais voient d’un mauvais œil une sortie de l’UE. Le « Nexit » n’étant plus un projet qui rassemble, Geert Wilders le retire de son manifeste le 5 avril 2024.

Aucun pays membre n’affiche de majorité d’électeurs en faveur d’un retrait de leur pays de l’UE. La Pologne, Chypre, et la Slovénie affichent le pourcentage le plus élevé de rejet de l’UE, s’élevant à 18% du corps électoral. Dans les 24 autres pays, une telle perspective ne séduit jamais plus de 10 % des votants.

L’échec repoussant du Brexit

Ce changement de cap intervient depuis les conséquences repoussantes du Brexit. La baisse de l’immigration était la motivation principale des partisans du Brexit pendant la campagne du référendum. Depuis, jamais le Royaume-Uni n’a accueilli autant d’étrangers. Pour juguler cette tendance, l’exécutif britannique conservateur a misé sur l’expulsion des immigrés sans papier vers le Rwanda.

Aussi, le Brexit a favorisé la hausse des traversées irrégulières de la manche depuis le nord de la France : sortir des accords de Dublin empêche Londres de renvoyer les demandeurs d’asile vers le premier pays européen traversé.

De l’europhobie à la réformation

L’euroscepticisme ne s’est pas envolé, mais l’idéologie anti-UE s’est adaptée, a mué et tend désormais à imiter le modèle diplomatique de chantage prôné par Viktor Orban, le président de la Hongrie : combattre et obtenir des concessions de la Commission européenne en échange de son soutien sur des causes chères mais épineuses de l’UE, notamment la guerre en Ukraine. La logique de conflictualité avec l’UE pourrait donc s’étendre dans le Parlement.

Il en va de même pour Giorgia Meloni, en Italie, très dure initialement envers l’UE, devenue première ministre en 2022, elle collabore désormais avec d’autres dirigeants européens et promeut des politiques communes, contre l’immigration notamment.

Si certains populistes critiquent l’actuel fonctionnement de l’UE, ils admettent cependant que l’UE est le seul cadre pour freiner la venue d’immigrants.

Élargir pour mieux bâtir

Actuellement, les groupes d’extrême-droite et eurosceptiques sont répartis en deux coalitions distinctes au parlement européen.

  • Les Conservateurs et Réformistes Européens (CRE), 68 eurodéputés) comprenant les partis Vox (Espagne), Fratelli d’Italia (Italie), Reconquête (France) et Droit et justice (Pologne)
  • Identité et Démocratie (ID), 58 eurodéputés, comprenant le Rassemblement national, (France), la Lega (Italie) et Alternative für Deutschland (Allemagne)

Le point de discorde majeur entre les deux groupes porte sur le soutien de l’UE à l’Ukraine face à la Russie. Le CRE, pro-atlantisme, maintient qu’il faut aider l’Ukraine tandis que l’ID s’y oppose fermement. Les deux groupes partagent pourtant des similitudes : critiques des politiques environnementales, jugées néfastes pour l’économie et l’agriculture, climatoscepticisme, nationalisme, respect des traditions…

Selon nombre d’experts, une unification des deux groupes semble aujourd’hui très difficile, mais une coopération renforcée n’est pas à exclure sur certains sujets.  « Leur caractère nationaliste peut également être le dénominateur commun », c’est ce qu’explique l’académicien Marco Lisi, de l’Université Nova de Lisbonne, qui a centré ses recherches sur l’extrême droite en Europe.

Selon le site Politico, si les résultats du 9 juin correspondent à leurs estimations et que les deux groupes réalisent une coalition, ils totaliseraient 143 sièges, et deviendraient la deuxième force du parlement à égalité avec le groupe des sociaux-démocrates (143 sièges), derrière le Parti populaire européen (173 sièges).

Vincent Danilo

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