Ce mercredi 11 septembre, l’ex-président du Pérou (1990-2000), Alberto Fujimori, est décédé à la suite d’un cancer à l’âge de 86 ans. Une mort à fort impact pour le pays andin qui réveille chez les Péruviens de vieux traumatismes. Retour sur la politique autoritaire de celui que l’on surnommait « El Chino ».
« Après une longue bataille contre le cancer, notre père, Alberto Fujimori, vient de partir à la rencontre du Seigneur. » C’est de cette manière que nous avons appris la mort de l’ex-président du Pérou, Alberto Fujimori, ce mercredi 11 septembre. Sa fille, Keiko Fujimori, aussi connue pour présider le parti de droite Fuerza popular, a communiqué la nouvelle par un post sur X (anciennement Twitter). Elle termine son message par : « Nous demandons à tous ceux qui l’on aimé de nous accompagner par une prière pour le repos éternel de son âme. Merci pour tout papa! »
Después de una larga batalla contra el cáncer, nuestro padre, Alberto Fujimori acaba de partir al encuentro del Señor. Pedimos a quienes lo apreciaron nos acompañen con una oración por el eterno descanso de su alma.
Gracias por tanto papá!
Keiko, Hiro, Sachie y Kenji Fujimori.— Keiko Fujimori (@KeikoFujimori) September 11, 2024
Le décès de cet ex-président est loin d’être anecdotique puisqu’Alberto Fujimori est la personnalité politique la plus controversée dans l’histoire du Pérou. Il est autant haï qu’adoré. Sa mort fait justement l’objet d’un deuil national de trois jours à la demande, par décret, de l’actuelle cheffe d’Etat, Dina Boluarte.
Une victoire inattendue
Alberto Fujimori n’était pas destiné à gouverner un pays. Professeur de mathématiques et ingénieur agronome de formation, il se présente aux élections présidentielles de 1990. Soutenu par un parti de droite, il se positionne tout de même aux côtés de la classe pauvre du pays. Sans aucune expérience politique, et à la surprise générale, il remporte ces élections face à l’écrivain Mario Vargas Llosa.
De la même manière que le Chili dans les années 1980, Alberto Fujimori calque sa politique aux théories de l’ultralibéralisme. En clair, il privatise tout. De cette manière, il séduit ses électeurs en remettant sur pied le Pérou qui traversait une grande crise et en créant une croissance économique plutôt stable. « Au même titre que Fujimori, Pinochet au Chili était un dictateur mais qui a été vu comme un homme qui restaurait l’économie », avance la Professeure d’études latinoaméricaine à l’Université de Cergy, Lissell Quiroz.
Une politique qui devient rapidement autoritaire
Si une partie de la population se souvient d’Alberto Fujimori pour le redressement économique du pays, d’autres restent traumatisés de son passage au pouvoir qui a tout de même duré dix ans. Au delà d’avoir une politique économique ultralibérale, le président s’est donné pour objectif de combattre sans relâche le parti communiste péruvien appelé « Sentier lumineux ».
Déjà combattu par les anciens présidents du Pérou, le Sentier lumineux est d’autant plus menacé à l’arrivée d’Alberto Fujimori au pouvoir puisqu’en 1991, seulement un an après son élection, ce dernier commandite un massacre chez des partisans communistes lors d’une fête de quartier à Lima. Les assaillants sont des membres d’un escadron de la mort que le président employait. « Il combattait des groupes que l’on considérait à l’époque comme étant terroristes comme le Sentier lumineux et il a réussi à les réprimer. Donc pour les Péruviens plus âgés de cette époque c’est un évènement très positif », raconte Lissell Quiroz.
« El Chino » s’offre le plein pouvoir
Alberto Fujimori, que l’on surnommait « El Chino » (Le Chinois) pour ses origines asiatiques bien qu’en réalité il soit d’origine japonaise, ne s’arrête pas là. En 1992, le Parlement péruvien majoritairement composé d’élus d’opposition, se voit être dissout par le président. Dans le même temps, ce dernier instaure un gouvernement d’urgence lui permettant même d’interdire certains partis d’opposition et d’emprisonner de nombreux journalistes et personnalités politiques.
Pour toutes ces raisons, il est condamné à 25 ans de prison en 2009. Au vu de son état de santé très dégradé il sera gracié en 2023 et ne fera que 16 ans de prison. Encore aujourd’hui, les Péruviens se divisent concernant sa politique.
Si la Cheffe d’Etat actuelle a imposé au pays trois jours de deuil national en mémoire à cet ex-président, cette décision ne fait pas l’unanimité au sein de la population civile comme l’explique Lissell Quiroz : « C’est clivant ce choix car même s’il a été président c’est un homme qui purgeait une peine de 25 ans. Je pense que ces jours de deuil national vont participer au fait que l’on oublie cette partie sombre de la personne de Fujimori. Le gouvernement de Dina Boluarte est connu pour avoir fortement réprimé les mobilisations donc je pense que les Péruviens qui ne sont pas en accords avec ce deuil national hésiteront à contester. »
#DinaAsesina declara 3 días de “duelo nacional” para un asesino corrupto violador d DDHH q fue dictador d #Perú x una década y q fue liberado ilegalmente por #DinaAsesina en contra de una sentencia de la Corte Americana de Derechos Humanos @CorteIDH
Queda duda de quién gobierna? pic.twitter.com/W2qHIcNekb— Julia Urrunaga (@jurrunaga) September 12, 2024
Noa Perret
Alberto Fujimori en 5 dates
1938 : Il nait au Pérou à Lima de parents originaires du Japon
1990 : Il est élu président de la République
1992 : Il est à l’origine d’une crise politique et ordonne le massacre de plus d’une centaine de militants maoïstes.
2009 : Il est condamné à 25 ans de prison pour violation des droits de l’Homme pendant sa présidence et détournement de fonds.
2023 : Il est touché par de nombreux problèmes de santé, la Cour Constitutionnelle ordonne sa libération « immédiate ».