Rodin-Picasso : deux mastodontes en miroir

Le musée Rodin présente une exposition dédiée à la confrontation entre les deux figures de l’art moderne qui ont toutes deux bousculé les codes. Reportée pour cause de pandémie, elle est visible jusqu’en janvier 2022.

Dans une exposition-événement, le musée Rodin met à l’honneur le sculpteur et Picasso. © Lola Dhers

L’un s’est consacré à la sculpture quand l’autre est un touche-à-tout. Ils ne se sont probablement jamais rencontrés et quarante ans les séparent. Pourtant, ils partagent des obsessions communes et ont tous deux bousculé les codes de l’art. Dans une exposition-événement présentée jusqu’en janvier 2022, le musée Rodin (VIIème arrondissement de Paris) confronte son artiste éponyme à Picasso en mettant en miroir leurs œuvres et leur vision du monde.

Il suffit de faire quelque pas dans la première salle d’exposition pour le comprendre : Rodin et Picasso ont tout deux réalisé des œuvres ayant ouvert de nouvelles perspectives à l’art. Rodin invente un langage expressionniste qui fait débat dans les années 1880 lorsque Picasso cherche une nouvelle manière de rendre compte de la vie. Leurs sculptures respectives sont apposées les unes à côté des autres. La force d’expression des visages frappe.

Deux artistes hors-normes

L’exposition se décline sous forme de thématiques qu’avaient en commun les deux artistes. Ici, la nature, propice aux découvertes et favorable à l’émerveillement. Là, l’art primitif qui a influencé aussi bien le travail de Rodin que celui de Picasso. Les deux auteurs ont tous deux rejeté une certaine forme d’académisme, explorant l’antique précédant le classique.

Rodin et Picasso ont également en commun le fait d’avoir réalisé des œuvres hors normes, par leur taille autant que leur portée. Dans l’une des salles de l’exposition, La Porte de l’Enfer du Français regarde le Guernica de l’Espagnol. Le royaume des supplices fait alors écho au bombardement d’une ville. Et les corps pris dans les flammes font face aux visages acculés de douleur et d’épouvante.

Rodin et Picasso ont tous deux représenté les femmes sous de multiples facettes. Ici, leurs «Baisers» respectifs. © Lola Dhers

Les femmes au cœur des œuvres

La figure féminine demeure sans conteste ce qui réunit le mieux les deux auteurs. Objets de désir, de fétichisme, d’idolâtrie, les femmes parcourent l’œuvre du sculpteur et du peintre. Dans une dernière salle consacrée à cette thématique, on retiendra sûrement les deux « Baisers » de Rodin et Picasso apposés l’un à côté de l’autre, l’un frappant par sa sensualité, l’autre par son extravagance.

Retenons également de cette exposition miroir les multiples croquis de Rodin, mais aussi, et surtout, ceux de Picasso qui attestent de l’influence de son prédécesseur sur son travail. Enfin, si vous n’êtes pas rassasié par le musée Rodin et son dédale d’œuvres mythiques, sachez que le musée Picasso présente lui aussi une exposition dédiée aux deux géants de l’histoire de l’art.

Lola Dhers

L’Angleterre honore Stephen Hawking, astrophysicien et icône de la pop culture

Cahiers raturés, scripts de films… Des milliers de pages d’archives du plus célèbre astrophysicien britannique vont être conservées à l’Université de Cambridge au Royaume-Uni. Le bureau de Stephen Hawking sera également reconstruit à l’identique au musée des Sciences de Londres, avec ses souvenirs de séries où il a pu apparaître et doubler ses propres rôles.

Les archives du célèbre astrophysicien Stephen Hawking, décédé en 2018, vont être conservées à la bibliothèque de l’Université de Cambridge, au Royaume-Uni. © Pingnews.com

Voix synthétique, fauteuil roulant, sourire et autodérision à toute épreuve. Stephen Hawking était autant un personnage à part entière qu’un esprit brillant. Trois ans après sa mort, l’Angleterre l’honore une nouvelle fois : plus de 10 000 pages d’archives vont être conservées à la bibliothèque de l’Université de Cambridge. Son bureau sera reconstruit à l’identique au musée des Sciences de Londres en 2022.

Si Stephen Hawking est l’astrophysicien britannique le plus connu, c’est en grande partie du fait de son incroyable parcours. Il a à peine 22 ans lorsqu’on lui diagnostique une sclérose latérale amyotrophique, aussi appelé maladie de Charcot.

Des biopics dédiés à l’astrophysicien

Il devient progressivement paralysé, ce qui le cloue dans un fauteuil roulant. Il finit par parler grâce à une machine. Au moment du diagnostic, il n’avait plus que quelques années à vivre, mais il défie les prédictions médicales et décède bien des décennies plus tard, à 76 ans. Son fauteuil, devenu sa marque de fabrique, sera également exposé au musée des Sciences de Londres.

Sa vie a d’ailleurs inspiré plusieurs biopics. Il a notamment été incarné par Benedict Cumberbatch (SherlockDoctor Strange) dans Hawking, téléfilm produit par la BBC en 2004, et Eddie Redmayne (Danish GirlLes animaux fantastiques) dans Une merveilleuse histoire du temps, sorti en 2015. L’acteur a d’ailleurs reçu l’Oscar du meilleur acteur pour sa performance.

Une icône geek

La liste de ses archives est aussi longue que diverse. Cahiers raturés, raisonnements sur ces théories de cosmologie – la science des lois qui gouvernent l’univers -, correspondance datant de 1944 à 2008 avec ses proches et des scientifiques brillants, une première ébauche de son best-seller Une brève histoire du temps (publié en 1988), des scripts de films et de séries… Les passionnés et les curieux pourront plonger dans ses réflexions, en apprendre plus sur son génie et ses centres d’intérêts.

Stephen Hawking est apparu et a doublé son propre rôle dans de nombreuses séries, notamment Les Simpsons. © Capture d’écran d’un épisode des Simpsons

L’astrophysicien tient également sa renommée de la pop culture. Les Simpsons, FuturamaThe Big Bang Theory, Star Trek… le scientifique est plusieurs fois apparu ou a réalisé le doublage de ses propres rôles. Des souvenirs qu’il a conservés dans son bureau et qui seront également reproduits au musée des Sciences de Londres. Les visiteurs pourront (re)découvrir les nombreuses apparitions de l’astrophysicien au sein de l’univers geek.

 Gaëlle Sheehan

Jobs saisonniers : avec la crise sanitaire, l’été sera compliqué

Avec la lente réouverture des bars et restaurants, la question des jobs d’été demeure incertaine pour une population plus que jamais demandeuse au sortir de la crise sanitaire.

Les bars, comme le Franco-Belge à Versailles, ne seront pas les premiers employeurs saisonniers cet été. © Louis de Kergorlay

Pour les jeunes et les étudiants, été rime souvent avec jobs et petits boulots. Parmi les secteurs qui recrutent le plus à cette occasion : la restauration. Avec ses 59,9 % de travailleurs saisonniers par an selon Pôle emploi, il s’agit de la filière qui dépend le plus de ces travailleurs intermittents. Mais à l’heure d’un été incertain avec une menace de re-fermeture permanente due à la crise sanitaire, le secteur affichera sans doute un visage bien différent pour la période estivale. 

Lorsque l’on interroge Achraf, 55 ans, patron du Franco-belge à Versailles depuis plus de vingt ans, la prudence est de mise : « On est contents d’avoir pu enfin rouvrir, mais on fait attention parce qu’à tout moment ça peut repartir ». Échaudé par les arrêtés préfectoraux en vigueur depuis deux semaines suite à la « marée humaine » de la réouverture, Achraf préfère procéder différemment cette année. Face à cette incertitude permanente, il préfère « faire appel aux anciens ». Ainsi, pas de perte de temps à former des serveurs ou cuisiniers pour quelques semaines, les serveurs de cet été doivent être prêts, flexibles et facilement mobilisables en cas de fermeture surprise à cause d’un rebond de la pandémie.  

La demande est là, mais l’offre ne suit pas 

Même son de cloche du côté d’Isabelle, 51 ans et cogérante du Tir Na Nog à Lille : « Nous avons déjà eu la chance de réussir à conserver toute notre équipe, on ne cherche pas spécialement à engager pour cet été. » Au sortir d’une crise qui a durement frappé le secteur de la restauration, l’objectif principal est surtout de se remettre à flot avant d’embaucher de nouvelles paires de bras parfois inexpérimentées.

Alors que l’on pouvait s’attendre à une demande moindre de la part d’une jeunesse désireuse de profiter de son été suite à une année passée en confinement, il n’en est finalement rien. « Ce n’est pas qu’on ne reçoit pas de demandes, c’est qu’on ne peut pas les accepter surtout que les profils sont plus divers et inexpérimentés que d’habitude, confie Didier Giraud, patron de l’Entrepôt à Biarritz. Il ne faut pas croire que tous les jeunes sont des feignants paresseux, ils veulent bien travailler mais ils ne le peuvent pas ». 

L’État et les villes au secours de la jeunesse ? 

Parfois critiqué pour sa gestion de la crise sanitaire au sein du monde étudiant, le gouvernement tente de réagir en relançant son initiative 1 jeune 1 solution créé à l’été 2020. Depuis ce lundi, 35 entreprises dont Leclerc, Just Eat ou Accor ont publié près de 10 000 offres d’emplois pour la jeunesse. Cette initiative intervient au lendemain d’une tribune parue dans le Journal du dimanche où ces chefs d’entreprise exhortaient leurs homologues à ne pas faire de cette jeunesse une « génération sacrifiée ». 

L’action fait écho à plusieurs événements organisés à des échelles plus locales. La ville de Versailles a, par exemple, proposé un job-dating le 20 mai dernier sur la grande avenue de Paris qui donne sur le château. « Ça a été un vrai succès car jeunes et employeurs étaient au rendez-vous », explique Charles Rodwell, adjoint à la jeunesse pour la ville.   

Les opportunités d’emploi semblent donc au rendez-vous, même si les jeunes demandeurs d’emplois auront sans doute moins de choix que d’habitude pour cet été 2021. Des opportunités bienvenues pour une population dont 82% s’est retrouvée en difficulté financière durant le confinement, selon la Fédération des associations générales étudiantes.

Louis de Kergorlay

Décryptage : les municipales au Mexique sont-elles un danger pour la démocratie ?

Dans moins d’une semaine, les élections municipales débuteront au Mexique, alors que 34 candidats ont déjà été assassinés par des bandes criminelles qui cherchent à maintenir leurs alliances. 

34 candidats aux municipales au Mexique ont été assassinés par des bandes criminelles. © Pixabay

Menaces, enlèvements, assassinats… Les élections municipales qui auront lieu le 6 juin prochain au Mexique font l’objet de violences répétées. Les cartels de la drogue sont soupçonnés d’être derrière la mort d’au moins 34 candidats, pour influencer les votes.

Dernier en date, Abel Murrieta, candidat à la mairie de Cajeme, gangrenée par le narcotrafic, a été assassiné le jeudi 13 mai, dans une rue fréquentée et en plein jour. Cet avocat de 58 ans, candidat au parti Movimiento Ciudadano, promettait d’affronter les mafias locales et l’affirmait dans son slogan de campagne: « Je n’ai pas peur ! »

« Le crime organisé essaie d’influer sur le cours de ces élections »

Entre le 7 septembre 2020 et le 30 avril 2021, l’étude Etellekt a compté 71 menaces envers des politiques mexicains et 61 homicides intentionnels. Ces attaques sont perpétuées par des groupes criminels locaux qui cherchent à placer au pouvoir des candidats qui leur sont favorables. « Le crime organisé essaie d’influer sur le cours de ces élections », a déclaré la ministre de la sécurité, Rosa Icela Rodriguez.

Si les élus sont remplacés, les narcotrafiquants seront obligés de renégocier les pactes qu’ils ont déjà établis. Les bandes criminelles à l’origine des menaces et exécutions au Mexique ne cherchent pas nécessairement à imposer leurs candidats, mais à maintenir ceux avec lesquels ils ont des accords, qui leur sont profitables.

« Les pouvoirs criminels locaux ont bâti leur pouvoir sur ce qu’on appelle des pactes avec les autorités locales »

Les assassinats de candidats aux municipales sont devenus une pratique courante depuis les années 2000. « Les courbes sont en hausse, de plus en plus de candidats se font tuer », affirme Jean Rivelois, chercheur et spécialiste des narcotrafiquants au Mexique. En 2018, 152 politiciens se sont fait assassiner dont 48 candidats. 18 autres ont déjà annoncé leur retrait des élections depuis le début de l’année.

Une pratique qui s’explique par un basculement dans le régime de domination entre le pouvoir et les cartels. « Avant, dès la fin des années 70, il y avait une connivence entre les acteurs politiques, les policiers et les criminels, mais le pouvoir politique restait dominant. Maintenant, c’est le pouvoir criminel qui a pris le dessus », indique Jean Rivelois.

Les exécutions ont de plus en plus un coté macabre selon le chercheur qui met en évidence une nouvelle pratique, selon lui héritée des djihadistes du Moyen-Orient : «Ils cherchent à instiller la terreur parmi la population en décapitant et en démembrant des corps, en placardant des affiches avec des inscriptions. Ils visent à rendre leurs exécutions spectaculaires .» 

Une protection rapprochée limitée

Face aux attaques fréquentes que subissent les candidats aux municipales, la police a mis en place un service de protection rapprochée avec la police fédérale, moins corrompue que les polices municipales et régionales. Le programme, mis en place depuis mars dernier seulement, a été initié par le président mexicain Andrés Manuel López Obrador, surnommé AMLO.

« Le programme reste très limité, explique Jean Rivelois. Le problème, c’est que la police est très corrompue au niveau local. Ils n’ont pas le choix, sinon, ils sont assassinés. »

« C’est un pays qui vit dans la terreur »

Ce régime de terreur constante constitue une menace pour la démocratie représentative qui ne peut plus fonctionner correctement. « Il y a moins de motivation à se porter candidat, tout le monde à peur. C’est un pays qui vit dans la terreur », selon Jean Rivelois. Pessimiste, il assure que des changements ne seront pas visibles avant dix ou vingt ans, malgré les efforts du gouvernement actuel.

« Le risque, c’est que la population en ait marre, appelle les militaires au pouvoir et abandonne la démocratie », s’inquiète le spécialiste.

Lise Cloix