Plusieurs syndicats agricoles ont appelé à manifester cette semaine. Ils protestent contre les accords de libre-échange internationaux comme le CETA, les arrêtés anti-glyphosate mais dénoncent surtout « l’agribashing », le dénigrement des agriculteurs.
“France, veux-tu encore des paysans?” C’est avec ce slogan que la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et les Jeunes Agriculteurs (JA) ont appelé cette semaine à la mobilisation. Les syndicats dénoncent une “stigmatisation permanente”, qui “tue à petit feu” l’agriculture française.
🚨 10 000 agris mobilisés
🚨 6 000 tracteurs
🚨 100 points de blocage
Nos réseaux @JeunesAgri et @FNSEA en action aj pr témoigner de notre exaspération. La mobilisation est totale ! Il est urgent que politiques et consommateurs entendent notre détresse. #sauvetonpaysan pic.twitter.com/lTHhztxuKL— La FNSEA (@FNSEA) October 8, 2019
Pascal Solvignon, éleveur de vaches dans la Creuse, est d’accord avec le message de la FNSEA. « On nous traite de pollueurs, de chasseurs de primes », explique-t-il. « On est attaqué en permanence », ajoute Mickael Ballet Bassinet, céréalier à Saint Amand Magnazeix, à côté de Limoges. Il dénonce les insultes, les intrusions dans les exploitations et les agressions physiques dont certains agriculteurs sont les cibles. « Rien que la semaine dernière, quelqu’un m’a envoyé un message sur Facebook pour m’insulter », confie-t-il. « Personne ne prend notre défense », regrette le céréalier.
Vrai ou faux phénomène?
« Les Français dénigrent les agriculteurs, c’est certain », affirme Pascal Solvignon. Pourtant, selon un sondage IFOP de 2019, 74% des Français font confiance aux agriculteurs. Alors, pourquoi les éleveurs et producteurs ont-ils le sentiment d’être aussi stigmatisés ? « Il faut distinguer agriculteur et agriculture. Les Français sont surtout inquiets par rapport à des pratiques agricoles, comme l’usage du glyphosate ou l’élevage intensif », constate Eddy Fougier, politologue et spécialiste des mouvements protestataires.
« On a l’impression que les gens découvrent aujourd’hui ce que c’est de faire de l’élevage, et quelles sont les conditions de vie des animaux ! », s’exaspère Mickael Ballet Bassinet. Et c’est peut-être là l’une des raisons principales de cet « agribashing », indique Juliette Grimaldi, agronome à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA). Selon la chercheuse, ce phénomène manifeste « la perte du lien entre le monde agricole et le reste de la population ». « Il y a une méconnaissance de ce qu’est le métier d’agriculteur, de ce que c’est de produire de la nourriture”, précise-t-elle.
« On sait ce que l’on fait! »
Pour Mickaël Ballet Bassinet, « l’agribashing » se manifeste surtout aujourd’hui par les arrêtés anti-glyphosate pris par certaines mairies. « On est contrôlés, et surtout, on sait ce que l’on fait! » s’exclame-t-il. « En regardant le journal à la télé, on a parfois l’impression d’être des consommateurs extrêmes de pesticides, c’est complètement faux. »
Un sentiment de détresse qui s’explique aussi par une tendance à considérer que les agriculteurs sont les acteurs centraux de la transition écologique, selon Véronique Lucas, sociologue rurale. « Il ne sont qu’un maillon », explique-t-elle. « Il y a d’autres acteurs. Les chercheurs, l’action publique. Mais surtout, les filières agro-alimentaires ».
Pour signifier son mécontentement, Mickaël Ballet Bassinet a décidé de participer aux manifestations cette semaine. « On a l’impression d’être pris pour des pestiférés, ce n’est plus possible », déplore l’agriculteur.
Constance Cabouret