Une uniformisation des normes de tri

Atteindre les 75% de recyclage d’ici 2022, contre 70% en moyenne, à l’heure actuelle? C’est l’objectif du nouveau cahier des charges établi par le gouvernement, pour la période 2018-2022, en ce qui concerne le tri des emballages ménagers.

Le premier changement se traduira par une uniformisation des couleurs des poubelles dans toute la France : avec des codes couleur-déchets qui diffèrent de villes en villes, entre le jaune, le vert, le bleu, le noir ou encore le marron, il est en effet facile de s’y perdre. D’ici 2022, chaque type de déchets aura une même couleur de poubelle dédiée, quel que soit le lieu, pour que le tri soit plus aisé.

Le second changement s’effectuera au niveau du contenu des poubelles de tri sélectif, les traditionnelles poubelles jaunes. Pour les capsules de café en aluminium, les pots de yaourt, le polystyrène et les films plastiques, fini l’incinération. Il faudra désormais jeter tous ces déchets dans la poubelle jaune, aux côtés des cartons, des papiers ou encore des bouteilles et flacons en plastique.

En janvier, Paris a été la première ville à adopter les nouvelles normes de tri. Elle devrait être suivie prochainement par les autres collectivités locales. Le gouvernement souhaite ainsi arriver à 100% de recyclage du plastique d’ici 2025, contre 20% aujourd’hui.

Une grande ambition qui nécessite cependant des moyens et qui inquiète les collectivités locales. Si une partie des frais est prise en charge par l’Etat, les communes paient encore une taxe sur le recyclage plus élevée que la taxe sur l’enfouissement…

Un changement dans les normes de tri est attendu d’ici 2022

 

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Peut-on parler d’une vraie tendance de fond pour le recyclage ?

La réglementation va dans ce sens, avec des incitations financières et des politiques publiques qui encouragent la réduction des déchets ou l’amélioration de leur valorisation et de leur recyclage. Il y a aussi un engouement pour l’économie circulaire de la part des acteurs de la société, qui cherchent des solutions nouvelles pour produire tout en limitant le gaspillage et la surconsommation.

Y a-t-il eu un déclic récent ?

Il y avait eu un premier sursaut dans les années 2007-2010, au moment du Grenelle Environnement et du film d’Al Gore, Une vérité qui dérange. On est de nouveau dans une période de prise de conscience. Quand on voit comment Greta Thunberg- la jeune suédoise de 15 ans à l’origine des grèves étudiantes pour le climat chaque vendredi-   a réussi à mobiliser la jeunesse, c’est génial, c’est encourageant. On se dit que si ça s’intègre dans les modes de vie des jeunes et que cela devient le mainstream, on aura gagné.

Faut-il aller plus loin que le recyclage ?

Ce qui marche très fort en ce moment, c’est le zéro déchet. A Paris, cela peut sembler parfois un peu dérisoire mais certains messages vont dans ce sens. Pas aussi vite que ce que l’on voudrait, mais ils y vont. Les collectivités sont obligées de développer en effet des programmes de prévention des déchets, les PLPDMA (Programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés). Même si cela se fait plus ou moins, et que c’est plus ou moins visible.

 

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Le recyclage n’est pas incompatible avec une activité économique viable et, pour la jeune entreprise Les Alchimistes, la formule fonctionne. Transformer les déchets organiques d’entreprises parisiennes en compost, c’est la formule de la start-up fondée, en décembre 2016, par Fabien-Kenzo Sato et Alexandre Guilluy.

Sur son site, installé dans le village associatif Les Grands Voisins, dans le 14e arrondissement, le composteur électronique traite 30 à 40 tonnes de déchets sur l’année et produit 10 tonnes de compost. Avec les équipements de La Caverne, une ferme souterraine, Porte de la Chapelle, et ceux de l’Île Saint-Denis, 700 tonnes d’ordures organiques sont valorisées sur l’année.

Un moyen de nourrir les sols tout en valorisant les déchets collectés chez des professionnels, dans un rayon de 5 km autour des composteurs. Une volonté de circuit court qui tranche avec les centaines de kilomètres que parcourent d’ordinaire les déchets parisiens. “Une absurdité écologique et économique” que dénonce Martin Guinement, responsable développement de l’entreprise. La collecte se fait en vélo-remorque ou en fourgon fonctionnant à l’énergie renouvelable. Dix points de vente, épiceries et magasins biologiques, proposent aux consommateurs d’acquérir le compost produit.

Les Alchimistes valorisent 700 tonnes de déchets sur l’année.

La collecte payante et la vente, ce sont les fondamentaux du modèle économique des Alchimistes. “Il faut créer de la valeur, explique Martin Guinement, on n’est pas anticapitalistes, même si on aimerait un capitalisme différent. Il faut faire converger le militantisme bricoleur avec des projets économiques viables.” La start-up accompagne ainsi cinq projets comparables dans d’autres métropoles françaises. Quant à elle, elle continue d’étendre son maillage territorial et prévoit l’ouverture de deux autres sites en Île de France, et près de 1 000 composteurs d’ici 2030.

 

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Un peu partout en ville, des initiatives fleurissent pour valoriser les déchets, comme ici aux Grands Voisins.

De l’installation de composteurs de quartier aux collectes de vêtements des grands magasins qui s’apparentent souvent à des opérations marketing, valoriser les déchets n’a jamais été aussi tendance. Bon pour l’environnement, pour l’emploi et pour la vie associative, le recyclage semble amorcer une transformation de la société …

Porte de Champerret, au 3, rue Jean-Moreas, un jardin dans la ville. Citrouille, persil, framboisier et hortensia, les plantations sont variées dans cette cour parisienne. Toutes sont nourries par le compost produit par les habitants de l’immeuble. “ Nous en produisons parfois tellement que certains en ramènent à leur famille, à la campagne”, confie Sylvie Roche, une habitante. Depuis janvier 2018, fini les épluchures à la poubelle. Des dizaines de foyers ont franchi le cap pour valoriser leurs déchets organiques. Trois bacs à compost ont été installés juste à côté du petit potager, dans la cour de 30m². Dans les deux premiers, les habitants jettent coquilles d’oeufs, peau de bananes ou marc de café. Dans le troisième, de la matière sèche pour permettre la bonne dégradation de ces déchets. Pour obtenir un bon compost, il ne reste plus qu’à attendre six à neuf mois.

Pourtant, en ville, donner une seconde vie à ses déchets ne coule pas de source. Les citadins recycleraient deux fois moins que les ruraux, selon les chiffres de l’entreprise Citeo, en charge du ramassage et du tri des déchets ménagers en France.

DU TRI SÉLECTIF AU COMPOSTAGE

Pour changer cela, les villes visent aujourd’hui un taux plus élevé de recyclage. Le dirigeant de Citeo, Jean Hornain, annonçait en décembre sur Europe 1 “l’accélération du déploiement des points de collecte” en zone urbaine, pour faciliter la démarche de tri. Seuls 70% de tous les déchets ménagers sont recyclés à l’heure actuelle, malgré une demande de plus en plus forte de la part des ménages. Pour Annick Lacout, fondatrice d’Agir ensemble pour une faible empreinte écologique, la société civile va plus vite que les élus, que les collectivités et que l’Etat. Les institutions pourraient se saisir de cet engouement populaire pour aller plus loin.” Une uniformisation des normes de tri est prévue pour 2022, mais d’ici-là, il peut parfois être difficile de se repérer quand les caractéristiques des poubelles changent de ville en ville.

Beaucoup de Français jettent leurs déchets dans la mauvaise poubelle.

Paris, qui a adopté ces nouvelles normes en janvier, expérimente actuellement le dispositif Trilib dans plusieurs arrondissements. Pensé comme une station de recyclage, il permet aux passants de trier leurs déchets dans cinq bacs différents: textile, carton, papier, verre et petits emballages.  À partir de décembre 2019, ces bornes seront installées dans toute la ville.

Et pour les déchets organiques, si vous n’avez pas trop peur des petites bêtes, plusieurs villes, comme Lyon, Tours ou encore Rennes donnent des lombricomposteurs aux habitants qui en font la demande. En à peine trois mois, les vers contenus dans cette petite poubelle peuvent transformer 10 kg d’ordures en 1,5 kg d’engrais.

La ville de Paris propose aussi aux habitants des appartements Paris-Habitat une aide financière pour mettre en place des bacs de compostage dans les immeubles, comme c’est le cas Porte de Champerret.“Dix foyers au minimum doivent signer auprès de la mairie pour que le projet puisse naître, explique Sylvie Roche. Elle admet que beaucoup de personnes étaient au départ sceptiques, par peur des odeurs, de l’hygiène ou des rats. Mais à force de persévérance, le projet a vu le jour. Inspiré par l’initiative, l’immeuble voisin de la Porte de Champerret a, lui-aussi, fait installer son bac à compost, six mois après. Sur les 150 logements Paris-Habitat que compte la rue, plus de 20% recyclent à présent régulièrement leurs déchets organiques. “Cela a aussi permis de créer un lien social inattendu, confie Sylvie Roche, sa petite fille de huit mois dans les bras. Parler de ce projet a permis aux gens de l’immeuble de se rencontrer. Nous faisons des apéros ensemble, nous veillons sur les plus fragiles quand vient l’été, les enfants jardinent ensemble, et nous avons monté une boîte à livres où, cette fois, tous les gens du quartier viennent déposer et se servir.”

Dans la cour de l’immeuble, Sylvie Roche descend régulièrement ses déchets organiques.

UN ACTE DE MILITANTISME SOCIAL

Donner une deuxième vie à ses déchets en ville, c’est souvent une opportunité de mener une action sociale. L’entreprise à but non-lucratif TerraCycle noue ainsi des partenariats avec des marques désireuses de faire recycler les déchets que produisent leurs clients et qui ne sont pas pris en charge par les usines habituelles: colles UHU, emballages Harris, brosses à dents Signal… Les personnes intéressées créent un point de collecte chez elles, dans une école ou encore dans une entreprise. TerraCycle récupère ensuite gratuitement les déchets, qui sont convertis en matériaux de construction. “Depuis 2012, nous en avons ramassé 87 tonnes en France, souligne Apolline Sabaté, chargée des relations presse. En échange, les gens reçoivent des points, qu’ils peuvent convertir en dons pour des associations.”

Chez Emmaüs Alternatives, dix boutiques de Paris et Montreuil permettent l’emploi de 150 salariés en réinsertion. Notre objectif principal reste de remettre les gens sur le marché du travail, rappelle Sylvie Perrot, responsable de la boutique rue de Charonne, dans le 11e arrondissement. Les boutiques de l’association reçoivent vêtements, livres, bibelots, petits meubles et récupèrent les biens encombrants au domicile des donneurs. Ils sont ensuite triés et, au besoin, remis en état avant d’être proposés à la vente ou d’être recyclés.

Les ressourceries, magasins associatifs collectant et valorisant les biens de seconde main, revendiquent également un rôle social. Chez Ma Ressourcerie, dans le 14e arrondissement, la directrice Sophie Chollet se félicite d’être dans un quartier avec une grande mixité, où tout le monde peut donner et acheter, de tous les horizons et tous les milieux socio-professionnels”. Avec ses neuf salariés en insertion, l’association permet d’éviter 130 tonnes de déchets par an, grâce à la revente et au recyclage. Il y a un réel engouement. On est à 125 achats par jour et, ici, c’est forcément un peu militant”, sourit la directrice. Sophie Meyer, salariée, constate un intérêt des clients pour la question écologique : Ils veulent savoir ce que deviennent leurs dons, c’est important pour eux. Il y a très peu de pertes, tout ce que l’on ne garde pas repart dans d’autres circuits. L’association accepte tout type de dons, sauf les objets électroniques. Elle propose alors aux donateurs d’aller au lycée professionnel Lazare Ponticelli, dont les élèves réparent les appareils.

« Un achat, ici, c’est forcément un peu militant », explique Sophie Chollet, directrice de Ma Ressourcerie

Lola Uldaric, étudiante, fréquente la ressourcerie pour y renouveler son dressing et ne veut pas faire son shopping dans les magasins traditionnels. Je ne me vois pas acheter de vêtements au prix du neuf, je préfère leur donner une seconde vie”, justifie-t-elle. Un raisonnement que rejoint Danielle Dunas. La sexagénaire a l’oeil pour dénicher les pièces de marques au rayon textile et en a même bouleversé ses habitudes consuméristes: Avant, j’avais la carte du Printemps, j’achetais aux Galeries Lafayette mais j’ai arrêté pour venir ici.

UN ARGUMENT MARKETING

Les grandes enseignes comme le Printemps, justement, tentent de s’engouffrer dans cette nouvelle demande. Depuis le 4 avril et jusqu’au 12 mai, l’opération “(re) créez, (ré) inventez” vise, selon Gilles Desmousseaux, attaché de presse, “à mettre en valeur les nouveaux modes de consommation de plus en plus plébiscités par les jeunes, par la génération Millenials”. Une collection capsule à partir d’anciens vêtements du Printemps a été réalisée par l’association Tissons la solidarité, pour la marque Andrea Crews, et une collecte de textiles est organisée au profit de la Croix-Rouge.

Le recyclage est devenu un argument marketing de premier plan pour les entreprises

Les vêtements de seconde main sont mis en avant via un vide-dressing organisé par des influenceuses et par deux pop-up stores de la marque Tilt Vintage. Pour Chloé Devin, vendeuse, la clientèle française est toutefois encore frileuse à l’idée d’acheter des fripes. “C’est beaucoup plus dans les moeurs des Américains ou des Anglais, explique-t-elle. Cela plaît beaucoup aussi aux Coréens, car les artistes de la K-Pop ont adopté les codes des années 1990, et ils achètent donc beaucoup ce genre de vêtements.” Pour les pop-up stores, les prix vont de 35 €, pour une jupe, à 300 € pour un manteau en fourrure. “C’est un peu plus cher que dans nos magasins car le Printemps a fait une sélection parmi les produits les plus luxueux, admet Chloé Devin.

Au-delà de l’aspect social et écologique, le recyclage est donc devenu un argument marketing de premier plan pour les entreprises: H&M, Lush, Sephora, beaucoup sont ceux qui incitent à présent leurs clients à revenir en magasin pour ramener les vêtements dont ils ne veulent plus, les flacons de parfums ou de crème vides, en échange d’un bon de réduction. A Marionnaud, c’est 20% de remise et 25 points sur la carte fidélité pour tout contenant rapporté, hors aérosols. Les boutiques Cyrillus récupèrent, quant à eux, vêtements et linge de maison en échange d’un bon d’achat de 5€, valable dès… 20€ d’achat. Si cela apparaît parfois comme une bonne affaire pour les clients, c’est surtout un très bon moyen pour les magasins d’inciter au rachat.

Cette vitrine écologique pourrait parfois s’apparenter à du green washing – une pratique marketing qui consiste pour un organisme à communiquer autour d’actions écoresponsables, loin de sa réalité- même si, pour Annick Lacout, en matière de recyclage, il n’y a pas tant de green washing, même si les intentions ne sont pas toujours aussi vertueuses que l’on le souhaiterait. Le monde des déchets est concret, il est difficile de faire semblant de trier ”. Avec un marketing vert assumé et des actions tangibles, la valorisation des déchets est devenue un marché à part entière. Pour l’économiste et professeur de géographie à l’Université Lyon 3, Lise Bourdeau-Lepage, cela s’explique aisément. Sans valeur économique, la valeur écologique ne serait pas reconnue, explique-t-elle. La question du recyclage, c’est essentiellement celle de redonner de la valeur à un bien qui n’a plus d’usage.” Ainsi, les magasins Sephora, en faisant recycler les vieux flacons en verre, font d’une pierre deux coups. “Le verre est transformé en matériau pour les routes, explique Dimia Habib, vendeuse au Sephora Haussmann, avec un sourire. Les clients apprécient, et certains ramènent parfois leurs flacons sans même demander de remise.”

Audrey Dugast & Blandine Pied

Pour compléter :

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