Restaurateurs et agriculteurs, le retour du grand amour ?

L’attrait pour les produits locaux gagne aussi la restauration. Les chefs font de plus appel aux agriculteurs de leur coin pour remplir leurs assiettes. Mais les obstacles pour pérenniser cette tendance sont variés.

Les restaurateurs français achètent 46% de produits locaux pour leurs menus. Crédits Rieul Techer.

La Ruche qui dit oui et Bienvenue à la ferme en pleine expansion, Kelbongoo qui ouvre un deuxième magasin à Paris … Ces plateformes de vente de produits locaux, se fournissant directement auprès des producteurs, connaissent un succès florissant depuis quelques mois. « Les gens se sont rendus compte qu’ils étaient devenus déconnectés des agriculteurs : ils ne savent plus ce qu’ils mangent« , explique Bastien Beaufort, responsable chez Slow Food Bastille, qui organise différents événements avec des producteurs, pour promouvoir une alimentation locale et de qualité. « Ils sont en colère face aux marges énormes des grandes surfaces par rapport aux revenus misérables qu’ils se dégagent« .

Mais il n’y a pas que les consommateurs qui se (re)tournent vers les produits locaux. Pour répondre à ces besoins grandissants de la population, comme les étudiants, les restaurateurs suivent aussi de plus en plus cette tendance. Pour preuve, 46% des achats des restaurants « classiques » (hors restauration rapide) en France sont réalisés auprès d’agriculteurs locaux. Les avantages ? Des produits souvent de saison, le goût, la transparence sur les modes de production, pas d’intermédiaire entre le client et l’agriculteur …

« Un rôle à jouer en tant que chef cuisinier« 

Lors de la sixième Rencontre nationale des chefs de demain, organisée jeudi pour permettre à des étudiants en hôtellerie d’échanger avec des professionnels, le chef François Pasteau a tenu à sensibiliser ces futurs « cuistots » à l’écoresponsabilité et au « local ». « 40% des effets du réchauffement climatique sont la conséquence de notre alimentation. J’ai pris conscience qu’en tant que chef, j’avais un rôle à jouer », juge François Pasteau. En privilégiant des produits achetés auprès d’agriculteurs locaux, notamment, mais aussi dans le sanctuaire même des restaurateurs. « En salle, vous devez faire le choix d’ustensiles de cuisine écoresponsables, de nappes en coton … », explique-t-il.

Mais faire le choix du « local », pour un restaurateur, ne va pas de soi. En cause : « un manque de variétés de produits dans certaines régions, une lourdeur administrative, ainsi qu’un manque de stabilité au niveau des livraisons. En effet, les producteurs locaux sont tributaires des aléas climatiques et des saisons donc les chefs aussi. Les restaurateurs préfèrent passer chez un gros fournisseur parce que c’est plus rapide, c’est fourni en masse et ça leur fait gagner du temps. Moi, je fais des gros efforts pour aller chercher mes produits directement au marché ou chez des agriculteurs« .

Du côté des producteurs, l’intérêt des restaurants pour le « local » ne peut qu’être bénéfique. « Contrairement aux agriculteurs qui vendent aux grandes surfaces en se voyant imposer les prix, moi je fixe les miens« , indique Laurent Berrurier, basé à Neuville-sur-Oise, qui vend ses produits uniquement à des chefs. « Économiquement, c’est beaucoup plus rentable, mais il faut pour cela disposer comme moi d’un large attirail de fruits et légumes de saison ».

Des limites au « produire local »

Différents freins empêchent cependant le « local » de prendre davantage d’ampleur. Pour Bastien Beaufort, de Slow Food Bastille, le terme « local » même n’est pas bien définie. « Jusqu’à combien de kilomètres de distance peut-on considérer un produit comme local ? 25 km ? 100 km ? D’autre part, ce n’est pas forcément synonyme de qualité : certains produits sont conçus en toute transparence par des producteurs écoresponsables à 500 km d’ici, est-ce qu’on peut les considérer comme locaux ? Nous, oui, mais les pouvoirs publics préférer parler de produits qui proviennent du champ d’à côté, mais qui sont conçus de façon industrielle et ont fait deux fois le tour du monde pour rajouter des substances ».

En cause également : un manque d’information. « Les gens n’imaginent même pas que les grandes surfaces sont synonymes de produits industriels. Ils ne savent pas quelles substances alimentaires sont mauvaises pour la santé« , affirme Gérard Cagna, l’un de chefs étoilés présent lors de la Rencontre des chefs de demain. « C’est surtout le cas pour les populations pauvres, qui privilégient de toutes façons les hard discount, où les prix sont cassés« .

Le chef Gérard Cagna, lors de la Rencontre nationale des chefs de demain, à Paris. Crédits Douglas De Graaf
Le chef Gérard Cagna, lors de la Rencontre nationale des chefs de demain, à Paris. Crédits Douglas De Graaf

La formation des futurs hôteliers est aussi dans le viseur. « Dans les écoles, les étudiants apprennent un programme qui ne tient pas compte des saisons« , regrette François Pasteau. « Résultat : les futurs chefs ne savent même pas quels produits sont de saison ou non« . Samuel Nahon, responsable de Terroirs d’avenir, une plateforme qui met en relation restaurateurs et producteurs locaux, abonde : « on n’apprend pas comment cuisiner un agneau entier puisque les produits arrivent souvent aux chefs en « pièces détachées » « . Une façon de dire qu’il faut bien connaître le produit pour le cuisiner.

Douglas De Graaf

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« Chasse aux DRH » à Paris: 41 personnes interpellées

Environ 80 militants s’étaient donné rendez-vous en marge d’un congrès de directeurs des ressources humaines où était conviée la ministre du Travail. La manifestation a viré en affrontement avec les forces de l’ordre. 41 personnes ont été interpellées.

C’est un rassemblement qui a mal tourné. Plusieurs incidents ont émaillé la 34ème édition d’un Congrès des décideurs en ressources humaines qui se déroulait ce jeudi dans le Bois de Boulogne (Paris XVIe). 41 manifestants, présentés comme des membres de la « mouvance contestataire » par la police, ont été interpellés.

Environ 80 personnes se sont rassemblées peu avant 8 heures ce matin pour mener une « chasse aux DRH ». Ils visaient les directeurs des grandes entreprises du CAC40 présents (Bouygues, Carrefour, Société Générale, Renault…) mais surtout la ministre du Travail Muriel Pénicaud. Elle a finalement annulé sa venue pour un « problème d’agenda ». Sur le site chasseauxdrh.com, ils appelaient à être « nombreux au rendez-vous pour busquer, traquer, enfumer… » et pour « ne pas subir le futur qu’ils nous préparent ».

Sur place, sept voitures de stationnement ont été dégradées dont trois ont été incendiées. Les manifestants « ont tenté de s’introduire dans l’enceinte d’un domaine sportif ». Les pompiers sont intervenus après les débordements.

 

41 interpellations ont eu lieu pour « jets de projectiles sur agents de la force publique, port d’arme prohibé, et participation à un attroupement en étant porteur d’une arme », selon un communiqué de la préfecture de police. Le préfet de police Michel Delpuech a « fermement » condamné « ces agissements inadmissibles dont les auteurs devront répondre devant la justice ».

 

Chloé Tixier

Des seniors pour sauver la lecture chez les jeunes

Le gouvernement a lancé ce jeudi une campagne qui favoriserait la lecture en milieu scolaire. Des Français de plus de 50 ans sont appelés à partager bénévolement leur goût de la lecture auprès des plus jeunes. Une initiative qui laisse sceptique certains parents et élèves des écoles de Levallois-Perret. 

Le ministre de l’Education Nationale demande aux seniors de plus de 50 ans de partager leur goût de la lecture avec des enfants. Crédit : dassel

« Aujourd’hui, un enfant qui prend un livre c’est de l’héroïsme » déclare Bernard Pivot dans le Parisien de ce jeudi. L’écrivain-journaliste soutient la campagne « Ensemble pour un pays de lecteurs » lancé par Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Education nationale, ce jeudi devant des académiciens, des écrivains et des élèves à l’Institut de France, à Paris. Cette campagne vise à lutter contre les problèmes de lecture rencontrés par les enfants. Pour cela, Michel Blanquer lance un appel à tous les Français de plus de 50 ans à venir bénévolement dans les écoles faire la lecture aux écoliers et les collégiens, en plein apprentissage.

Pour développer cette rencontre intergénérationnelle par la lecture, le gouvernement soutient l’association Lire et faire lire qui compte 18 000 bénévoles intervenant dans plus de 11 000 structures éducatives. Une à plusieurs fois par semaines, des seniors viennent faire la lecture aux élèves.

A la sortie de l’école Alfred de Musset à Levallois-Perret, Marie-Christine attend sa fille et son fils pour déjeuner à la maison. Elle insiste sur le fait que l’apprentissage de la lecture c’est un travail fait à l’école mais aussi à la maison. « Pour mon fils, la lecture c’était un peu plus difficile mais j’étais derrière lui pour l’aider. C’est aussi notre travail de parents d’aider nos enfants à surmonter leur difficulté. » Cette mère de famille préfère que ses enfants lisent seuls. « Ma fille, qui est en CM1, n’a aucun problème de lecture. Elle aime beaucoup lire. L’école lui permet même de pouvoir lire lorsqu’elle a terminé ses exercices en avance, en attendant que tout le monde ait terminé. » Elle trouve que ces ateliers de lecture avec des seniors remettent en cause le travail des enseignants. « C’est inquiétant que le gouvernement souhaite mettre cela en place. C’est quand même le travail de l’Education nationale. Cela voudrait dire que nos instituteurs ne sont pas efficaces… »

Une baisse de lecteurs en grandissant

Selon l’enquête « Les jeunes et la lecture » publié par le Centre national du livre en 2016, un écolier lit deux fois plus de livres qu’un collégien et trois fois plus qu’un lycéen. Les élèves du collège Danton à Levallois-Perret nous confirme l’enquête. Ils ont davantage lu à l’école primaire qu’au collège.

Quelle est donc la raison de cette baisse ? « Le portable et les jeux vidéos » affirme Amine, 14 ans, perché sur sa trottinette. Les collégiens acquièrent leur premier portable et passent des heures devant l’écran de leur console de jeu. « Je préfère jouer à FIFA que lire » assure Mehdi, 13 ans. En cours de français, les collégiens sont censés lire 6 à 8 livres. « Je ne les lis pas en entier car ça me gonfle » déclare Julianne, 14 ans. Pour sa copine Rose, c’est tout l’inverse. « J’adore lire des livres d’histoire, des témoignages sur la Shoah. Notre prof de français nous a donné à lire Une vie de Simone Veil. J’ai beaucoup aimé. » Rose est l’exception de cette bande de copains. Le taux de lecture pour le loisir baisse fortement à l’âge de l’entrée au collège selon l’enquête « Les jeunes et la lecture ».

L’objectif de cette campagne est de mobiliser 50 000 bénévoles pour toucher plus d’un million d’élèves. Elle pourrait également réduire les inégalités sociales entre les élèves.

Alice Pattyn

De plus en plus menacés, les policiers sortent davantage leurs armes

Deux notes écrites en juillet dernier par l’Inspection générale de la police nationale, et révélées ce mercredi 12 octobre, recensent un usage des armes à feu en hausse dans les rangs de la police. Elles pointent également une progression de 94% des tirs accidentels.

 

Police_nationale_en_service_en_réponse_aus_Attentats_à_Paris,_November_15,_2015

Crédits : Mstyslav Chernov

 

Les policiers ont de plus en plus recours à l’arme à feu. Deux notes de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), révélées ce mercredi par TF1, indiquent que le nombre de tirs policiers, au 1er semestre 2017, était en hausse de 39% par rapport à 2016. En six mois, les tirs sont passés de 116 à 192 par agent.

Premier élément marquant : les tirs d’intimidation ou de sommation enregistrent la plus forte progression, avec une hausse de 89% (de deux à 19 tirs). Pour Stanislas Gaudon, représentant du syndicat Alliance police nationale, ces tirs sont la preuve que « les agents ne sont pas des fous de la gâchette ». Le représentant précise que ces coups de feu sont généralement orientés vers le ciel, afin d’intimider, et ne visent pas directement les assaillants. Cette hausse des tirs d’intimidation intervient dans un contexte de forte menace terroriste. « Daech appelle à attaquer les forces armées, il est normal qu’elles aient les moyens de se défendre », estime Stanislas Gaudon.

« Les attaques sont de plus en plus nombreuses et violentes »

A ce danger s’ajoute la délinquance de droit commun quotidienne. « Les attaques sont de plus en plus nombreuses et violentes. Cet été, une équipe de la brigade anti-criminalité était en patrouille à Aulnay-sous-Bois. La voiture a été attaquée et la conductrice s’est fait tirer dessus », raconte-t-il à Celsalab. Un rapport de 2016 de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales indique qu’en 2015 chaque jour, deux policiers étaient blessés par arme.

L’Union des policiers nationaux indépendants constate également cette hausse des agressions contre les fonctionnaires. « Il y a quelques mois, un collègue a volontairement été fauché par une voiture volée. Dans pareil cas, il est totalement légitime de sortir et d’utiliser notre arme pour stopper le fuyard », explique Christophe Robert, prédisent de l’UPNI. Les notes de l’IGPN indiquent que les coups de feu en direction de « véhicules en mouvement » ont augmenté de 32,6%. « Lors d’un contrôle routier, nous sommes davantage enclins à utiliser notre arme si un risque se présente », reconnaît Christophe Robert. Selon lui, les agressions sont le pendant d’un système judiciaire qui n’est pas assez ferme. « Les petits délinquants font des allers-retours en prison, cela ne les impressionne plus. Tout comme la police, qu’ils n’hésitent pas à menacer », avance-t-il.

« Manque cruel de formation permanente et continue de la police nationale sur l’utilisation de ces nouvelles armes »

Un autre point clé ressort et suscite une « réelle inquiétude », selon l’IGPN. Les tirs accidentels. Le nombre de tirs effectués « par imprudence » avec des armes longues (fusil d’assaut G36, pistolet mitrailleur Beretta 12SD…) a progressé de 94%. Cet arsenal a été déployé en 2015 après les attentats contre Charlie Hebdo et le Bataclan. Depuis le 1er janvier, 19 tirs ont été recensés au total. 18 d’entre eux étaient accidentels mais aucun n’ont fait de blessé. La police des polices pointe du doigt un « défaut de maîtrise d’armes plus complexes et encombrantes ». Pour Christophe Robert, le représentant de l’UNPI, ces dérapages « sont dus au manque cruel de formation permanente et continue de la police nationale sur l’utilisation de ces nouvelles armes ». Un sentiment partagé par Stanislas Gaudon. Selon le représentant du syndicat Alliance police nationale, leur maniement nécessite un entraînement régulier qui se limite aujourd’hui à 12 heures par an.

Mais ce point noir du document n’inquiète pas Stanislas Gaudon: « 19 incidents représentent un chiffre important mais il doit être mis en perspective avec le nombre d’armes longues en service ». Elles seraient entre 6000 et 7000. En tout cas, ces notes de l’IGPN ne sont selon lui pas de nature à alarmer les citoyens qui savent qu’une « police armée est une police capable de neutraliser une menace et de sauver des vies ».

Ambre Lepoivre