De nombreux doutes subsistent à l’issue de la première journée du procès « Babu »

Il y a cinq ans, un jeune indien mourait électrocuté dans le métro après avoir été poussé par un autre individu. Le procès de son agresseur présumé s’ouvre aujourd’hui aux assises de Paris.

C’est la fin de ce premier jour d’audience sur l’affaire « Babu ». Le 29 septembre 2011, Rajinder Singh, 33 ans, surnommé Babu, était électrocuté sur les voies du métro à la station Crimée. L’homme d’origine indienne avait pris la défense de jeunes filles importunées par Mohamed Fayed, 22 ans, un sans-papiers égyptien. Après une altercation violente, l’accusé avait  poussé Babu depuis le quai, entraînant sa mort.

A l’époque, on surnomme Babu « le héros ordinaire ». l’émotion est immense, l’emballement médiatique instantané. Mais ce héros anonyme est vite rabaissé au statut de simple agresseur alcoolisé lorsque l’on apprend qu’il était en état d’ébriété au moment des faits. Désormais, c’est à la justice de trancher entre ces deux extrêmes, durant trois jours de procès.

Mohamed Fayed (à gauche) et Rajinder Singh, dit Babu (à droite)
Mohamed Fayed (à gauche) et Rajinder Singh, dit Babu (à droite)

Mohamed Fayed est poursuivi pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner » et plaide la légitime défense. Remis en liberté en 2011 puis réincarcéré en 2015, il a depuis régularisé sa situation, s’est marié religieusement et a un fils de trois ans. Lorsque la Cour lui demande pourquoi il est venu à Paris alors que ses parents étaient contre, il répond « tous mes amis avaient quitté l’Égypte pour l’Europe, et j’aime la France. »

Un début de procès difficile

L’audience a démarré sous de mauvais auspices. Mohamed Fayed parle très mal français, il ne comprend pas ce que le Président de la Cour lui dit et inversement. Il a besoin d’une interprète, qui peine, elle aussi, à comprendre son client.

Tout d’abord, les jurés sont tirés au sort. Quatre femmes et deux hommes: c’est la composition du groupe d’individus qui devra décider du sort de M. Fayed. Puis, face à la liste des témoins, il y a déjà un hic: l’enquêtrice en charge de l’enquête, premier témoin, est en arrêt maladie et les proches de Babu, seuls témoins directs du drame, sont introuvables. La liste est donc courte : seul un policier ayant participé à l’enquête sera interrogé aujourd’hui.

Ce dernier rappelle les faits : « Nous avons axé notre travail sur les vidéos de surveillance. La cause de cette altercation était le fait que Mr Fayed avait importuné des jeunes femmes dans la rame. Il ressort des témoignages qu’il y avait un vague lien entre Mr Fayed et les jeunes femmes ». Ce serait l’accusé qui aurait entraîné Babu à descendre du métro et aurait commencé à le pousser mais on sait aussi que les amis de Babu ont encerclé Mohamed Fayed, ils auraient essayé d’éviter le drame. Selon se amis, « Babu n’était pas bagarreur ni violent ».

L’accusé répond : « Je suis désolé, je m’excuse, je n’ai fait que me défendre ».

Une vidéo décevante

https://twitter.com/JasonJournalist/status/734805131741433857

En fin d’après-midi, l’assemblée visionne la fameuse vidéo sur laquelle repose l’enquête. Mais de mauvaise qualité, elle laisse à désirer et la Défense met ce défaut à profit. On y voit Mohammed Fayed frauder le métro à Stalingrad, changer à Pigalle, un paquet de bonbon à la main, accoster deux groupes de filles, mais sans violence ni attouchement. « Ont-elles l’air malheureuse ? » n’aura de cesse de répéter l’avocat de la défense : « Non » devra concéder le policer à la barre.

La séquence la plus importante est filmée de loin et coupée. On y voit un groupe d’individus se disputer, puis Babu tomber au milieu des voies. L’image la plus percutante est sans doute celle où ses proches se précipitent sur les rails pour hisser le corps inerte de leur ami. On y voit aussi Mohamed Fayed récupérer son paquet de bonbon et s’enfuir en courant : « je ne savais pas qu’il était mort » affirme-il. Les avocats de Mohamed Fayed insistent sur le fait que « les témoins directs qui l’accusent sont tous des proches de la victime ». L’audience reprendra demain à 9h30 avec des témoignages d’experts. Le procès durera jusqu’au 25 mai.

 

Alexis Perché

Le pape rencontre le grand imam d’Al Azhar

Ahmed_el-Tayeb_May_2015_(17963337671)

Le grand imam d’Al Azhar, le Cheikh Ahmed Al-Tayeb, s’est rendu pour la première fois au Vatican pour rencontrer le pape. Cela faisait dix ans que les relations étaient rompues entre cette haute autorité de l’islam sunnite et le Saint-Siège.  L’homme religieux égyptien avait été rebutée par les propos de l’ancien pape Benoît XVI qui établissait un parallèle entre islam et violence. Cette rencontre qualifiée de « très cordiale » par le Saint-Siège, a des airs de réconciliation. Le pape a offert au grand imam un exemplaire de son encyclique sur l’écologie Laudato Si ainsi qu’un médaillon de la paix. Selon le Vatican, les deux hommes se sont entretenus de « la paix dans le monde, du refus de la violence et du terrorisme, de la situation des chrétiens dans le contexte des conflits et des tensions au Moyen-Orient, ainsi que de leur protection ». Demain le Cheikh Ahmed Al-Tayeb sera à Paris, il rencontrera François Hollande dans l’après-midi.

Claire-Marie Germain

Cannes : ces palmarès qui ont fait parler d’eux

1228536_I Daniel Blake
Moi, Daniel Blake, 2016

Cette année, c’est Ken Loach et son Moi, Daniel Blake, qui remporte la Palme d’or du Festival de Cannes. Un verdict dont la pertinence a été globalement remise en question par la presse depuis hier. Ce qui, en soixante neuf éditions, est loin d’être une première.

“Un palmarès frileux” pour L’Obs, “Une palme navrante et un palmarès inégal” selon Les Inrocks. Côté presse étrangère, il n’est pas non plus difficile de trouver des déçus. Comme avec ce journaliste du Los Angeles Times : “Depuis 11 ans que je me rends au Festival de Cannes, je n’ai pas souvenir d’une pire décision prise par un jury que ce prix”, évoquant Juste la fin du monde, réalisé par Xavier Dolan et qui a reçu le Grand Prix du jury. Ce n’est pas la première fois que les choix d’un jury du Festival de Cannes, sont largement remis en question par les critiques cinéma, ou par les spectateurs. Quand ils ne font pas polémique.

Affiche de la dolce vita
Affiche de la dolce vita, 1960

Immoral. En 1960, la dolce vita de Federico Fellini emporte la Palme d’or. Le film, jugé “immoral”, avait provoqué l’ire du Vatican et du monde ecclésiastique. Son scénario plongeait le spectateur dans la vie d’un journaliste italien, qui profitait pleinement de la vie mondaine de Rome. La presse de gauche se déclarera tout aussi sceptique, le qualifiant de “moralisateur”.

Satan. 27 ans plus tard, Maurice Pialat divise le public du Festival de Cannes en deux, recueillant d’un côté des huées, de l’autre des applaudissements nourris. Son long métrage Sous le soleil de Satan, qui raconte l’histoire d’une jeune femme qui tue son amant, sera vu par certains comme peu abordable. Il répondra dans son discours par une formule pour le moins directe : “Si vous ne m’aimez pas, je peux vous dire que je ne vous aime pas non plus”.

Tape-à-l’oeil. Alain Finkielkraut n’a pas attendu Nuit debout pour être polémiste. En 1995 dans Le Monde, il descend Underground, un film d’Emir Kusturica qui retrace l’histoire de l’ex-Yougoslavie, de 1941 à 1992. Sans être le seul à critiquer le versant politique et pro-serbe de l’oeuvre, le philosophe estimera que le jury a “honoré un illustrateur servile et tape-à-l’oeil de clichés criminels ».

Scènes de sexe. Plus récemment, en 2013, c’est La vie d’Adèle d’Abdellatif Kéchiche qui a inspiré de nombreuses Unes de journaux. Conditions de tournage douteuses, mauvaises relations entre actrices principales et réalisateur, scènes de sexe explicites…

Avec des avis qui sont tous négatifs, tous positifs, violents ou excessivement élogieux, la remise des prix est l’occasion chaque année d’échanges passionnés, dans la presse ou dans la rue.

Finalement, c’est peut-être le journaliste Vincent Manilève qui a raison. Dans un article publié lundi sur Slate, il relativise: “Les récompenses cannoises dépendent de la subjectivité de neuf personnes, pas d’un consensus critique”. Inutile de s’enflammer, donc.
Victorien Willaume