Cette année, c’est Ken Loach et son Moi, Daniel Blake, qui remporte la Palme d’or du Festival de Cannes. Un verdict dont la pertinence a été globalement remise en question par la presse depuis hier. Ce qui, en soixante neuf éditions, est loin d’être une première.
“Un palmarès frileux” pour L’Obs, “Une palme navrante et un palmarès inégal” selon Les Inrocks. Côté presse étrangère, il n’est pas non plus difficile de trouver des déçus. Comme avec ce journaliste du Los Angeles Times : “Depuis 11 ans que je me rends au Festival de Cannes, je n’ai pas souvenir d’une pire décision prise par un jury que ce prix”, évoquant Juste la fin du monde, réalisé par Xavier Dolan et qui a reçu le Grand Prix du jury. Ce n’est pas la première fois que les choix d’un jury du Festival de Cannes, sont largement remis en question par les critiques cinéma, ou par les spectateurs. Quand ils ne font pas polémique.
Immoral. En 1960, la dolce vita de Federico Fellini emporte la Palme d’or. Le film, jugé “immoral”, avait provoqué l’ire du Vatican et du monde ecclésiastique. Son scénario plongeait le spectateur dans la vie d’un journaliste italien, qui profitait pleinement de la vie mondaine de Rome. La presse de gauche se déclarera tout aussi sceptique, le qualifiant de “moralisateur”.
Satan. 27 ans plus tard, Maurice Pialat divise le public du Festival de Cannes en deux, recueillant d’un côté des huées, de l’autre des applaudissements nourris. Son long métrage Sous le soleil de Satan, qui raconte l’histoire d’une jeune femme qui tue son amant, sera vu par certains comme peu abordable. Il répondra dans son discours par une formule pour le moins directe : “Si vous ne m’aimez pas, je peux vous dire que je ne vous aime pas non plus”.
Tape-à-l’oeil. Alain Finkielkraut n’a pas attendu Nuit debout pour être polémiste. En 1995 dans Le Monde, il descend Underground, un film d’Emir Kusturica qui retrace l’histoire de l’ex-Yougoslavie, de 1941 à 1992. Sans être le seul à critiquer le versant politique et pro-serbe de l’oeuvre, le philosophe estimera que le jury a “honoré un illustrateur servile et tape-à-l’oeil de clichés criminels ».
Scènes de sexe. Plus récemment, en 2013, c’est La vie d’Adèle d’Abdellatif Kéchiche qui a inspiré de nombreuses Unes de journaux. Conditions de tournage douteuses, mauvaises relations entre actrices principales et réalisateur, scènes de sexe explicites…
Avec des avis qui sont tous négatifs, tous positifs, violents ou excessivement élogieux, la remise des prix est l’occasion chaque année d’échanges passionnés, dans la presse ou dans la rue.
Finalement, c’est peut-être le journaliste Vincent Manilève qui a raison. Dans un article publié lundi sur Slate, il relativise: “Les récompenses cannoises dépendent de la subjectivité de neuf personnes, pas d’un consensus critique”. Inutile de s’enflammer, donc.
Victorien Willaume