Ce lundi 8 février vers 22h, l’Assemblée nationale a voté la constitutionnalisation de l’état d’urgence avec 103 votes pour seulement. Au-delà du contenu du texte, hautement symbolique à moins de quatre mois des attentats du 13 novembre, c’est l’image d’un hémicycle vide aux trois-quarts qui interroge. Mais alors, où étaient les députés ?
Des chaises (très) majoritairement vides pour un article aussi crucial. La scène interpelle forcément. Or, ce n’est pas la première fois que l’absentéisme des députés est pointé du doigt. En avril dernier, à l’occasion du vote de la loi, elle aussi très polémique, sur le renseignement, une trentaine de députés seulement avaient répondu présents. Dans un cas comme dans l’autre, certains avaient de bonnes raisons de sécher la séance. Explications.
Les textes sont modifiés en commission
L’absentéisme ne date pas d’hier. La principale raison est simple : les députés cumulent souvent les mandats électifs. Mais ce qui est relativement nouveau, et n’arrange pas franchement les choses, c’est la réforme de 2008. Depuis cette date, tous les textes examinés en séance sont préalablement adoptés par la commission. En clair, aucune modification de texte n’est possible en séance, qui devient donc souvent un bis repetita des débats de la commission. La « discussion générale », censée ouvrir chaque débat de texte est la phase la plus boudée par les députés puisqu’elle consiste en un exposé de 5 à 10 minutes (et qui peut durer des heures) du point de vue de l’orateur qui est à la tribune. Or, il s’agit souvent d’arguments moult fois rabâchés en commission et résumés, avec un succès relatif, dans les médias. Surtout, cette phase laborieuse de présentation ne permet pas de débattre. Quid de la phase du vote ? Bien que plus rempli, l’hémicycle n’affiche pas pour autant complet, surtout quand les débats ont lieu tard le soir, comme dans le cas de la constitutionnalisation de l’état d’urgence. Là où il y a foule, c’est surtout pour les « votes solennels » de l’ensemble des textes qui ont lieu le mardi et qui sont les plus importants pour l’adoption finale. Le fait est que seul l’absentéisme lors des « votes solennels » peut donner lieu à une « punition ». Si un député est présent à moins des deux tiers de ces votes, il peut se voir privé d’un tiers de son indemnité de fonction pour une durée égale à celle de la session.
Les députés ont une vie… de députés
Le travail en séance est loin d’être la seule prérogative des députés français. Il sont, en effet, tous tenus de siéger dans l’une des huit commissions permanentes de l’Assemblée nationale : affaires culturelles et éducation, affaires économiques, affaires étrangères, affaires sociales, défense, développement durable, finances, lois auxquelles s’ajoutent la commission des affaires européennes. Et tous tenus d’assister aux réunions de ces commissions qui ont lieu le mercredi matin pour examiner des textes ou mener des auditions. En plus de ces tables rondes, les députés participent à des commissions d’enquêtes et des missions d’information. A titre individuel, les élus planchent régulièrement sur des dossiers qui débouchent parfois sur des rapports et peuvent siéger dans divers offices parlementaires et groupes d’amitié. Dernière prérogative et pas des moindres, ils doivent régulièrement se rendre dans leur circonscription afin d’y tenir des permanences et d’y rencontrer leurs administrés. Ce qui implique donc des allers-retours et autant de temps passé hors de l’Assemblée.
Rania Berrada