Trois questions à… Véronique Bleuse, conseillère pôle emploi en Picardie et déléguée CGT. L’agence dans laquelle elle travaille applique depuis octobre 2015 les réformes lancées par la direction. Ce lundi, elle est venue manifester son mécontentement devant la Direction générale de Pôle emploi, à Paris.
La direction de Pôle emploi souhaite fermer les agences, l’après-midi, aux demandeurs d’emploi sans rendez-vous. Quels ont été les conséquences d’une telle mesure dans votre agence ?
Ça a été catastrophique. Depuis que l’agence ferme à 12h30, on a assisté à un flux incessant de personnes qui cherchent à prendre rendez-vous l’après-midi. Nous, on ne peut plus les accueillir, alors tout le monde essaye de venir le matin, la queue est interminable, les conseillers sont débordés. On a dû mettre en place un système D pour répondre à toutes ces demandes. Des conseillers « jokers », c’est-à-dire des conseillers supplémentaires pas prévus au planning, viennent nous épauler le matin pour gérer le flux. Nos conditions de travail et l’accueil des demandeurs d’emploi ne s’est pas amélioré avec cette mesure.
N’avez-vous pas, grâce à cette réforme, plus de temps l’après-midi pour mieux traiter les demandes ?
L’après-midi, nos boîtes mails explosent parce que ceux qui n’ont pas obtenus de rendez-vous le matin tentent de nous contacter par e-mail. Sachant que certains conseillers ont jusqu’à 900 demandeurs d’emploi à suivre, ça nous prend énormément de temps de répondre à toutes ces nouvelles demandes de rendez-vous. Beaucoup de gens s’énervent, ils essayent de communiquer avec l’interphone de l’agence. On en arrive à une situation où les demandeurs d’emplois sont obligés d’envoyer un mail à leur conseiller qui se trouve de l’autre côté de la porte. En quelque sorte, on est en train de demander aux chômeurs de se passer de nous.
Qu’en est-il du passage au « tout internet » concernant l’inscription et les demandes d’allocations ?
Ça a eu pour conséquence une dépendance des demandeurs d’emploi à internet. Les échanges de mails entre conseillers et demandeurs ont explosé. Seulement, il ne faut pas oublier que 20% des chômeurs n’ont pas d’accès à internet. Ces personnes là se retrouvent discriminées. Ce sont ces mêmes personnes que nous sommes obligés d’aider en agence. Mais la procédure est longue, ça prend au moins 50 minutes pour rentrer toutes les informations dans le logiciel. Internet, ça a peut-être permis à certains de gagner du temps, mais nous, on en a encore perdu.
Léo Pierrard