Réuni en séminaire du 5 au 7 février, le Front national est confronté à un problème : comment confirmer au second tour des élections les bons scores observés aux premiers ? Au programme donc, un changement de nom, la sortie de l’euro et surtout la préparation de 2017.
Depuis cinq ans, le Front national a su conquérir une partie de l’électorat de droite sur ses thématiques traditionnelles de l’immigration et de la sécurité. Mais il a aussi progressé en séduisant à gauche et jusqu’à l’extrême gauche anti-libérale grâce à son discours social et économique. Reste à devenir crédible et passer la barre du second tour. Problème, ce programme économique anti-libéral, anti-euro et protectionniste est largement décrié par la plupart des économistes. Voici les principales mesures avancées par le parti frontiste.
« Le retour au franc pour retrouver la prospérité » : ce projet reste central dans le programme du Front même si les termes et la date de cette sortie ont évolué avec le temps. Il ne s’agit pas « d’une sortie unilatérale de l’euro ». A l’image des Britanniques de l’Ukip, le parti souhaite organiser un référendum en France. Tout en renégociant les traités européens, le parti prévoit le démontage « coordonné de l’euro unique par un euro commun qui coexisterait avec l’euro ». L’objectif : « agir sur notre monnaie en refusant les plans dramatiques d’austérité sociale ». Après avoir repris le contrôle de la politique monétaire, le FN envisage de dévaluer le franc (de 20% à 25% selon les prises de parole).
« Déprivatiser l’argent public pour désendetter la France » : « en 40 ans, la France a versé 1400 milliards d’euros d’intérêts aux marchés financiers ». Partant de ce constat, le FN propose de briser le monopole des banques, ce qui permettrait à la France de s’endetter auprès de la banque de France à des taux bas et non plus sur les marchés privés. Cette proposition est commune avec l’extrême gauche et les souverainistes comme Nicolas Dupont-Aignant.
« Le retour de la retraite à 60 ans et la revalorisation des retraites » : Là encore, une proposition de l’extrême gauche. La retraite pleine à 40 annuités serait restaurée et l’âge légal de départ en retraite ramené à 60 ans. De plus, les pensions de retraites seraient revalorisées. En revanche, le minimum vieillesse pour les étrangers sera supprimé. Ces mesures seront financées en taxant les revenus du capital.
« Augmenter le SMIC de 200 euros nets en instaurant une taxe douanière » : cette mesure de relance du pouvoir d’achat serait financée par une « contribution sociale aux importations égale à 3% du montant des biens importés », c’est à dire une taxe aux frontières.
Avec ce programme qui promet souveraineté et politique sociale, le FN a cherché à faire le grand écart. Il souhaite rassurer sa base historique sensible aux problématiques identitaires, continuer de rafler les « laissés-pour-compte de l’UMPS » tout en séduisant les classes moyennes. Un choix entre libéralisme et étatisme qui va s’avérer crucial dans la stratégie de campagne de 2017. Sans compter que le parti n’affiche pas un front uni sur ces questions.
Plusieurs cadres frontistes aimeraient que la sortie de l’euro soit beaucoup moins mise en avant dans les discours afin de ne pas effrayer l’électorat de droite, notamment les retraités, inquiets pour leur épargne, et les CSP+. Parmi eux, il y a Jean-Lin Lacapelle. Le nouvel homme fort du Front national depuis sa nomination au poste de secrétaire national aux fédérations et à l’implantation, a annoncé la couleur dans une interview à l’hebdomadaire d’extrême droite Minute : « Nous devons réfléchir pour voir si l’on peut préserver l’euro et le faire évoluer ou s’il faut changer de monnaie, c’est-à-dire revenir au franc« .
L’arrivée de l’ancien directeur commercial de L’Oréal, et de ses réseaux dans le secteur privé, est aussi cohérente avec le visage pro-business que souhaite désormais afficher le FN, soucieux de contrer les piques de la droite sur son programme économique «de gauche». Quant à la sortie de l’euro, l’intéressé relativise : « ce n’est pas ça l’idée, c’est différent. On veut challenger l’euro. On n’en sort pas du soir au lendemain. Cela se prépare, s’anticipe, se discute avec les entrepreneurs. »
Marion Maréchal-Le Pen, en bonne petite fille de son grand père (« le Reagan Français » pour reprendre ses propre mots) penche du côté du libéralisme. Robert Ménard allait même plus loin vendredi dernier. « Si le Front national veut gagner, il faut qu’il change« , a-t-il insisté au micro de France Info. « Faire de la sortie de l’euro l’alpha et l’omega de toute politique me semble être une mauvaise idée. »
Au contraire, Florian Philippot, qui incarne la ligne « sociale » et étatique du FN s’oppose à toute remise en question de la sortie de l’euro. Celui-ci menace de quitter le parti si cette mesure devait être abandonnée.
Reste à savoir où se placera Marine Le Pen. Idéologiquement plus proche de la ligne Philippot elle doit aussi composer avec les autres mouvances de son parti. Invitée lundi soir sur le plateau de TF1, la présidente du Front national devrait clarifier la situation.
Antoine Etcheto