Le maillot rose lui va si bien. Déjà sacré sur les terres italiennes en 2008, Alberto Contador redevient le maître des lieux et envoie un message fort à ses détracteurs. Il est au sommet de sa carrière et compte bien réaliser le doublé Giro – Tour de France.
Intouchable pistolero
Pour cette 98e édition du Giro d’Italia, Alberto Contador a rapidement réduit la concurrence au silence. Domenico Pozzozivo, Richie Porte et Rigoberto Uran, tous candidats au podium, ont rapidement rendu les armes. Seul le jeune Italien Fabio Aru (24 ans) a cru pouvoir faire vaciller le maître. Mais le suspense s’est éteint au soir de la 14e étape, après un contre-la-montre de près de 60km entre Trévise et Valdobbiadene. En concédant 2’47, Aru a vu ses chances de victoire finale s’envoler. L’Italien n’a pourtant pas démérité. Bien accompagné par son équipier Mikel Landa, ils ont fait trembler le coureur espagnol, mais sans jamais lui faire poser un genou à terre. Seules deux grosses chutes auraient pu avoir raison du pistolero mais c’était sans compter sur sa volonté et son mental d’acier.
Alexandre Mignot, journaliste L’Equipe 21: « Tout le monde a su qu’il serait intouchable ».
Deux coups de fusil ont suffi. Un premier sur le contre-la-montre de la 14e étape, alors que Fabio Aru venait d’endosser le maillot rose la veille. Un second lors de la 18e étape, en attaquant à 42 km de l’arrivée pour reléguer Landa et Aru à plus d’une minute. A 3 étapes de la fin du Giro, les deux coureurs de l’équipe Astana pointaient à respectivement 5’15’’ et 6’05’’ du leader espagnol. Un gouffre. Pour le reste, Alberto Contador s’est contenté de gérer.
Le doublé Giro – Tour de France?
Oleg Tinkoff, richissime patron de l’équipe Tinkoff-Saxo et « boss » d’Alberto Contador l’avait promis, il l’a fait. Pour la dernière étape du Tour d’Italie, le russe s’était teint les cheveux en rose. Mais derrière cette bonne humeur apparente, le propriétaire est ambitieux et verrait bien son « poulain » réussir le premier doublé Giro – Tour de France depuis Marco Pantani en 1998. Une éternité. L’Espagnol compte déjà 2 Tours de France (2007, 2009), 2 Tours d’Italie (2008, 2015) et 3 Tours d’Espagne (2008, 2012, 2014) à son palmarès. Devant lui, seuls Eddy Merckx (5 Tour, 5 Giro, 1 Vuelta), Bernard Hinault (5 Tour, 3 Giro, 2 Vuelta) et Jacques Anquetil (5 Tour, 2 Giro et 1 Vuelta) peuvent se targuer d’avoir gagné plus de grands tours. Et dire qu’Alberto Contador s’est vu retirer ses victoires lors du Tour 2010 et du Giro 2011 pour avoir été contrôlé positif au clenbutérol (une substance dopante) en juillet 2010…
Parmi eux, « le Cannibale » Eddy Merckx est le seul a avoir réussi à remporter deux Grands Tours la même année. En 1970 et en 1972, il avait combiné la victoire sur le Tour d’Italie et la victoire sur le Tour de France. Et en 1973, il s’était imposé sur le Giro et sur la Vuelta.
Alexandre Mignot: « Ça fait un moment que le monde du cyclisme attend ça ».
En réussissant un nouveau doublé, Contador pourrait entrer définitivement dans l’Histoire de son sport. En 2011, une chute lors de la 5e étape du Tour l’en avait empêché. Si la chance est de son côté cette année, il devra cependant réussir à gérer sa fatigue et composer avec une concurrence accrue. Vincenzo Nibali, Chris Froome et Nairo Quintana seront de bien plus coriaces adversaires que Fabio Aru et Mikel Landa. Son équipe Tinkoff-Saxo, renforcée par la présence de Rafa Majka, devra quant à elle être plus efficace que sur le Giro où le pistolero s’est retrouvé de trop nombreuses fois isolé.
Plus que jamais, un tel succès s’accompagnerait de suspicions de dopage. Déjà rattrapé par la patrouille en 2010, Contador aurait du mal à justifier une telle performance. Notamment lorsque l’on connaît le passif de Marco Pantani, dernier coureur a avoir réalisé cet exploit. Mais comme le dit l’adage: pas vu, pas pris.
Alexandre Geniez, la belle surprise française
Treizième en 2014 pour sa première participation, le grimpeur de la Française des Jeux a réussi cette année à rentrer pour la première fois dans le Top 10 d’un Grand Tour. Il est le seul Français à avoir surnagé lors de ce Giro, malgré les belles places d’honneur de Sylvain Chavanel (2e à Abetone, 3e à Verbania). L’Aveyronnais, promu leader de la FDJ, a profité de quelques abandons pour s’immiscer parmi les meilleurs coureurs ce tour. Mais c’est surtout sa combativité et sa science de la course qui lui ont permis de conserver sa place. Loin des caméras, Alexandre Geniez s’est accroché, en grimpant à son rythme et en gérant ses efforts. Toujours placé, il termine à près de 16′ de l’intouchable Contador. A 27 ans, le Français réalise la plus belle performance de sa carrière. Récent vainqueur du Tro Bro Léon, il s’était préparé spécialement pour atteindre son pic de forme lors du Giro.
Alexandre Mignot: « On se contente de ce qu’on a ».
Cette 9e place est tout de même le signe d’un désintérêt des équipes françaises pour le Giro d’Italia. L’année dernière, le sprinter Nacer Bouhanni avait remporté 3 étapes. Mais sa nouvelle équipe Cofidis évoluant au second niveau professionnel, il n’a pas participé à la dernière édition.
Les principales têtes d’affiches internationales et hexagonales ont préféré faire l’impasse pour se consacrer au prochain Tour de France, toujours plus intéressant pour les sponsors. Pour voir Thibault Pinot, Romain Bardet, Pierre Roland, Arnaud Démare ou Bryan Coquard porter haut les couleurs françaises, il faudra donc attendre juillet prochain.
Tristan BAUDENAILLE-PESSOTTO.