L’Europe toujours en désaccord face à des flux migratoires importants

Malgré certaines mesures européennes pour tenter de freiner l’afflux de migrants débarquant sur le continent, les arrivées ne ralentissent pas. Sans vrai moyen de réponse, l’Europe continue, elle, de se désaccorder sur ces questions migratoires.

En vingt-quatre heures, l’Italie a vu 6000 personnes débarquer à Lampedusa, soit presque autant que la population de l’île. Ce nouveau flux marque une forme de continuité dans l’arrivée de migrants en Italie, Lampedusa restant l’une des principales porte d’entrée en Europe depuis l’Afrique du nord.

« Je ne suis pas étonné que ces arrivées se poursuivent », confirme Guido Nicolosi, auteur du livre « Lampedusa, les damnés de la mer ». Avant cette arrivée massive par la mer, l’île avait vu plus de 4000 personnes accoster le 27 août dernier, provoquant de nouveaux problèmes relatifs à l’accueil de ces personnes.

Un flux migratoire qui continue d’augmenter

Ces arrivées continues à Lampedusa sont le symbole d’un flux migratoire qui ne ralentit pas, malgré quelques tentatives de l’Europe. En juillet, l’Union européenne avait conclu un partenariat stratégique avec la Tunisie pour freiner les traversées illégales provenant de ses côtes.

Une volonté d’externaliser les frontières qui marque un problème d’approche de la part de l’Europe. « On a fermé les portes mais ce n’est pas possible. On veut cacher le problème plutôt que le résoudre », explique Guido Nicolosi, également professeur en sociologie des médias à l’Université de Catane.

Cette stratégie semble avoir des limites, au regard des arrivées de migrants qui se poursuivent en Italie. « Au début, il semblait y avoir un impact. Mais plus maintenant », analyse Guido Nicolosi.

Sur les huit premiers mois de l’année 2023, près de 115 000 migrants maritimes sont arrivés en Italie. Comparativement, c’est presque autant qu’en 2016 sur la même période, une année record sur le nombre de personnes arrivés en Italie par la mer. L’Europe fait donc face à des flux arrivant en Italie qui ne désemplissent pas malgré cet accord et peine à trouver des solutions pour endiguer cette immigration illégale.

Des désaccords récurrents entre les membres de l’Union

Parallèlement à ces problèmes pour contrôler les flux, l’Europe fait également face à des désaccords en son sein quant à la répartition des personnes arrivant sur le continent entre les différents pays. Mercredi, l’Allemagne a par exemple annoncé suspendre l’accueil volontaire de demandeurs d’asile en provenance d’Italie.

Pourtant, difficile pour autant de parler de regain de tension en Europe tant ces tensions sont presque permanentes sur ces questions migratoires. « C’est une tension qui n’est pas nouvelle, elle est même plutôt cyclique », explique Tania Racho, docteure en droit européen et juge-assesseure à la Cour nationale du droit d’asile.

Ce désaccord là est même plus symbolique qu’autre chose, au vu du poids qu’a ce mécanisme. « Les chiffres sont faibles », rapporte Tania Racho, qui considère que ce mécanisme solidaire a été mis en place « histoire de trouver une solution » plutôt que pour trouver une solution pérenne.

Le système de Dublin, symbole d’inefficacité

Ces désaccords entre l’Allemagne et l’Italie se cristallisent aussi autour du système de Dublin, que Rome n’applique pas comme il faut selon Berlin. Selon ce système, le pays d’arrivée d’un migrant dans l’Union européenne doit traiter sa demande d’asile. Or, le gouvernement de Giorgia Meloni a cessé de reprendre les demandes d’asile transférées par les autres pays membres.

Plusieurs pays sont donc en désaccord autour de ce système controversé par les pays membres. Un système pas forcément appliqué, en plus de manquer d’efficacité. « Cela ne marche pas du tout, dit Tania Rocho. Ça coûte de l’argent plus qu’autre chose ».

Malgré les dissensions autour de ce système, il n’est pas voué à être modifié. Un symbole des difficultés de l’Europe à trouver des solutions face à des flux migratoires toujours importants, et qui continuent de provoquer des tensions entre les différents pays européens.

Crédit image en Une : Alessandro Serranò/AFP

La CEDH rejette la demande du plus ancien assigné à résidence de France

Kamel Daoudi est assigné à résidence depuis 14 ans, et sa requête à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a été rejeté jeudi 14 septembre 2023. En cause : l’homme de 49 ans n’a pas encore épuisé tous les recours possibles de la justice française.

 

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rejeté jeudi la requête de Kamel Daoudi, qui dénonçait son assignation à résidence depuis 2008. Cet Algérien de 49 ans n’a pas épuisé l’ensemble des recours auprès de la justice française. Or, c’est l’une des conditions pour saisir le bras judiciaire du Conseil de l’Europe, qui rassemble 46 pays du continent

La Cour « déclare, à l’unanimité, la requête irrecevable » et la « rejette (…) pour non-épuisement des voies de recours internes », indique dans un communiqué la juridiction basée à Strasbourg, une décision « définitive ».

Soupçonné d’avoir préparé un attentat

Kamel Daoudi avait été condamné en 2005 en appel à six ans de prison et à une interdiction définitive du territoire pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » et avait été déchu de sa nationalité française. Membre présumé d’un groupe islamiste affilié à Al-Qaïda, il était soupçonné d’avoir préparé un attentat contre l’ambassade des États-Unis à Paris en 2001.

En 2009, la CEDH avait toutefois interdit son expulsion en raison du risque de torture en Algérie, pays qu’il avait quitté à l’âge de cinq ans. Cet ex-ingénieur informaticien, qui ne peut donc être ni expulsé, ni régularisé, a été assigné depuis avril 2008 à sa sortie de prison dans la Creuse, la Haute-Marne, le Tarn, la Charente-Maritime et le Cantal.

14 ans d’assignation à résidence

Il « fut astreint à se présenter deux à quatre fois par jour auprès des forces de l’ordre » et contraint de « respecter un couvre-feu nocturne à compter du 24 novembre 2016 », selon la CEDH. Il présenta plusieurs recours pour « excès de pouvoir » mais fut à chaque fois débouté.

« On bat tous les records. Cela fait plus de 14 ans qu’il est assigné à résidence. M. Daoudi a dû pointer 14 ou 15.000 fois. Qui pourrait encore survivre à un tel traitement? », a dénoncé jeudi sur France Inter son avocat, Emmanuel Daoud, avant la publication de l’arrêt.

« Il ne peut rien faire, il est emprisonné à ciel ouvert et dans un état d’assistanat permanent, sans pouvoir pourvoir aux besoins essentiels de sa famille », avait ajouté le conseil dont le client, marié à une Française, est père de quatre enfants français résidant dans le Tarn.

Des procédures françaises encore possibles avant les européennes

Il dénonçait notamment devant la CEDH les modalités de son assignation dans lesquelles il voyait « une mesure privative de liberté » qui violait l’article 5 (droit à la liberté et à la sûreté) de la Convention européenne des droits de l’homme. Il se plaignait aussi d’avoir été séparé de ses proches et critiquait l’équité des procédures engagées devant le juge administratif.

Mais, comme le souligne la Cour, « le requérant n’a pas formé de pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 5 novembre 2019 ». Par ailleurs, « son pourvoi contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 6 avril 2023 est actuellement pendant devant le Conseil d’Etat ».

« Selon une jurisprudence constante, le recours pour excès de pouvoir est en principe une voie de recours à épuiser, la procédure devant être menée jusqu’au juge de cassation », justifie la CEDH, selon laquelle « aucune raison ou circonstances particulières ne dispensaient le requérant de se pourvoir en cassation ».

Avec AFP

La Tunisie interdit à une délégation européenne l’entrée sur son territoire

Sans réelles clarifications, la Tunisie a refusé l’entrée d’une délégation du Parlement européen sur son territoire, selon les déclarations jeudi d’une source européenne à l’AFP. Une décision de Tunis qui intervient suite aux critiques d’eurodéputés d’un accord migratoire conclu entre l’UE et Tunis.

La Tunisie a interdit d’entrée sur son territoire une délégation du Parlement européen après les critiques d’eurodéputés sur un accord migratoire conclu entre l’UE et Tunis, confie jeudi une source européenne à l’AFP.

Cette délégation composée de cinq députés, dont trois Français, devait se rendre à Tunis jeudi « pour mieux se rendre compte de la situation politique actuelle » et faire le point après la signature à la mi-juillet entre l’UE et la Tunisie d’un accord sur les flux migratoires.

Emmenée par le député Allemand Michael Gahler (PPE, chrétien-démocrate), elle devait rencontrer des membres de la société civile, des syndicalistes et des représentants de l’opposition tunisienne.

Dans une lettre adressée à cette délégation, que l’AFP a pu consulter, les autorités tunisiennes se bornent à informer ces députés de la Commission des Affaires étrangères du Parlement qu’ils ne seront « pas autorisés à entrer sur le territoire national ».

Le président tunisien « s’autorise à choisir ses interlocuteurs »

« C’est à la fois étonnant et exceptionnel », a réagi le député Mounir Satouri (Verts), interrogé par l’AFP.

En refusant l’accès à des députés européens, le président tunisien Kais Saied « se croit autorisé à choisir ses interlocuteurs parmi les Européens et pense qu’il n’a pas besoin des représentants du peuple pour toucher les centaines de millions que lui a promis Mme von der Leyen », s’est-il insurgé.

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a cité en exemple mercredi le « partenariat migratoire » conclu entre l’UE et la Tunisie,

Elle avait d’ailleurs fait le déplacement à Tunis à l’occasion de la signature, accompagnée des chefs de gouvernement italien Giorgia Meloni et néerlandais Mark Rutte, après une première visite en juin du trio, au cours de laquelle ils avaient proposé ce partenariat.

avec AFP

Elargissement de l’Europe, Pacte vert : 6 infos à retenir du discours sur l’état de l’Union européenne

La présidente de la commission européenne a donné son discours annuel sur l’état de l’Union Européenne ce mercredi 13 septembre. (Photo de FREDERICK FLORIN / AFP)

La présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen a prononcé ce mercredi 13 septembre le discours sur l’état de l’Union européenne. Voici ce qu’il faut retenir.

 

« Un pacte vert juste et équitable ». La présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen a abordé l’ambitieux Pacte vert, une série de mesures visant à réduire les émissions carbone du continent. Elle promet de « garantir une transition juste et équitable ».

37 textes de ce Pacte sont encore en négociations, dont ceux sur l’encadrement des pesticides. Ursula Von der Leyen a essayé de rassurer à la fois son camp, le Parti populaire européen, qui s’oppose à certains textes, et les agriculteurs, qui s’inquiètent des règles sur la protection de la biodiversité.

L’élargissement de l’UE

Sans fixer un calendrier, Ursula Von der Leyen a appelé à « adapter plus rapidement l’Union ». Elle a précisé son discours: « Le futur de l’Ukraine est notre union. Le futur des Balkans de l’ouest est notre union. Le futur de la Moldavie est notre union ».

La responsable allemande a rappelé sa volonté d’admettre la Roumanie et la Bulgarie dans l’espace Schengen, alors que les deux pays sont membres de l’Union depuis 2007.

L’Ukraine abordée

Contrairement au discours sur l’état de l’Union de l’année dernière, la guerre en Ukraine n’était pas le thème central du discours d’Ursula Von der Leyen. La responsable allemande a salué les « grandes avancées » de Kiev vers l’adhésion à l’Union, rappelant le soutien de l’Union européenne face à l’offensive russe, ainsi que son souhait d’éviter « le retour de la logique de bloc ».

La politique migratoire

Ursula Von der Leyen a appelé les états membres de l’Union européenne à intensifier leurs efforts sur la réforme de la politique migratoire. Cette dernière vise notamment un système de solidarité des états membres sur la prise en charge des réfugiés et un examen des demandes d’asile aux frontières de l’Union.

La présidente de la commission européenne a vanté les mérites du récent « partenariat stratégique » signé avec la Tunisie en juillet. « Montrons que l’Europe peut gérer les migrations avec efficacité et compassion. Finissons le travail », a-t-elle exhorté.

L’inflation et la conjoncture économique

Dans un contexte de forte inflation – à 5,3% en août -, Ursula Von der Leyen a reconnu que le retour à l’objectif d’une inflation à 2% « prendra du temps ». Elle a aussi pointé du doigt un autre « fort vent contraire » économique : les pénuries de main d’œuvre.

La présidente de la Commission européenne a aussi annoncé combattre la concurrence chinoise en matière d’automobile électrique. Le Parlement européen promet une enquête contre ces subventions chinoises, pour faire face à la croissance des ventes automobiles en provenance de Chine (8% cette année en Europe, contre  4% en 2021). Un début de protectionnisme au nom d’une concurrence équitable, selon Ursula von der Leyen: « L’Europe est ouverte à la compétition, pas à une course déloyale. »

L’avenir d’Ursula Von der Leyen

C’était le dernier discours de son mandat, démarré en 2019 et marqué par la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine. A « 300 jours » des élections européennes, la responsable allemande chrétienne-démocrate n’a pas abordé son avenir, et son souhait ou non de devenir candidate à un nouveau mandat.

Ulysse Llamas / avec AFP