Soirées d’intégration : une charte pour rien ?

Mercredi 10 octobre, la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal a publié une charte à l’attention des universités et associations étudiantes. Le but ? Responsabiliser les étudiants, après les drames et dérapages survenus à répétition dans des soirées d’intégration. 

Une soirée étudiante "disco" / olagon.com
Comas éthyliques, agressions sexuelles, bizutages… Les histoires plus ou moins sordides sont nombreuses dans les soirées étudiantes. / olagon.com

« Le but est de responsabiliser les étudiants, pas de les encadrer. » Avec la charte signée ce mercredi 10 octobre par les universités, grandes écoles et associations, le ministère de l’Enseignement s’attaque aux soirées étudiantes qui dégénèrent. Comas éthyliques ou autres dérapages liés à l’alcool, bizutages et discriminations sous toutes leurs formes… Les histoires plus ou moins sordides sont nombreuses dans le milieu universitaire.

Une charte sans valeur contraignante

La charte est composée de quatre articles édictant des grands principes de sécurité et de respect d’autrui, ainsi que d’un questionnaire à l’attention des étudiants participant aux soirées. Sauf que celle ci n’a aucune valeur juridiquement contraignante : « Il existe déjà des dispositions, notamment contre le bizutage qui est puni de six mois de prison et de 7.500 euros d’amende et où la responsabilité des personnes morales (comme les universités ndlr) peut être engagée », nous dit-on au ministère de l’Enseignement.

Des dispositions encadrant les soirées universitaires, il en existe sur le plan légal, mais est-ce bien suffisant ? « On nous interdit les open-bars, mais on contourne ces interdictions avec des faux tickets de boisson. Pour ma part, je n’ai jamais eu à payer une conso d’alcool, raconte Tatiana, étudiante en médecine. Je pense que cette charte ne servira à rien. Dire « ce n’est pas bien de boire », ça ne va pas changer grand chose. »

Un manque de formation 

Limiter l’alcool, mais aussi former plus de personnel pour gérer des situations d’urgence pendant les week-ends d’intégration, c’est l’un des buts de la charte. « A un wei (week-end d’intégration ndlr), j’ai le souvenir d’une pote qui était vraiment mal, elle avait froid et la Croix Blanche, présente à tous nos événements, n’avait même pas de couverture de survie à lui proposer », confie Tatiana.

Aujourd’hui, s’il manque de professionnels pour superviser les soirées étudiantes, la formation des élèves pourrait être une solution, sauf que celle ci est rare. Selon Alexandra Gonzalez, « les universités doivent prendre leurs responsabilités ». A l’université de Lorraine, où elle travaille pour la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE), une journée de formation annuelle est obligatoire, afin de sensibiliser aux risques liés à l’alcool, à la drogue et de former aux gestes de premier secours. Il y a dix ans que la FAGE a mis en place une charte similaire à celle publiée aujourd’hui, la charte « soirée étudiante responsable ». « On ne découvre pas le problème aujourd’hui, puisqu’on a rédigé une charte de bonne conduite il y a longtemps. Malheureusement ce n’est pas une question suffisamment centrale pour le gouvernement, se désole Alexandra, avant de tempérer. Cette charte montre tout de même une volonté de se bouger sur ces sujets-là» Malheureusement cette charte n’est pas connue de tous, loin de là : ni Tatiana, ni Antoine Lebon, qui fait partie du bureau des étudiants de l’université Dauphine, n’en ont entendu parler en six ans d’études supérieures.

« On est très renseigné »

A l’université Dauphine justement, l’administration semble jouer un rôle central dans l’organisation des « wei » et festivités en tout genre. « On est très renseigné sur les risques et tout est super réglementé par l’administration. Avant chaque week-end, on a de la prévention avec des professionnels qui interviennent. Et ils sont à nos côtés à chaque soirée, que ce soit pour la sécurité comme pour les premiers secours », explique Antoine Lebon. Aucun débordement ne serait à déplorer en trois ans, selon le responsable de la communication.

Pourtant, l’excès d’alcool, les bizutages qui tournent mal et les faits d’agression sexuelle restent un problème majeur dans le milieu estudiantin. Tatiana, elle, se veut optimiste : «  J’ai comme l’impression que les nouvelles années de médecine sont plus raisonnables. Peut être qu’il y a une pris de conscience que nous, on a raté. »

Caroline Quevrain

Maison Chérie: A la rencontre d’une drag house parisienne

Le collectif de drag queens Maison Chérie. Crédit photo: Jean Ranobrac
Le collectif de drag queens Maison Chérie. Crédit photo: Jean Ranobrac

Drag queens membres du collectif Maison Chérie, Cookie Kunty, Ryûq Qiddo font du drag depuis un an et demi, Enza Fragola depuis trois ans. Toutes trois sont très actives dans le milieu de la nuit depuis l’inauguration du premier Dragathon, un concours de drag queens, en 2014.

 

Q : Qu’est-ce qu’est Maison Chérie ?

 

Enza Fragola: C’est une drag house, un groupe de potes cohérent, comme une famille. Chaque personnage a sa propre personnalité, son charme. Mon personnage est carton papier ciseaux. J’aime être encombrante : je passe une porte sans avoir de problèmes, c’est que c’est pas assez, il manque un truc. Un truc qui dépasse, un truc qui déborde.

 

Ryûq Qiddo: On n’est pas comme ces houses où toutes les drags se ressemblent. Il y a tous les types de queens. Il y a Cookie Kunty, qui a un maquillage propre, à côté de Enza Fragola, qui recycle tout (Enza: « La poubelle ! Très clairement, je pioche dans la poubelle pour m’habiller. »), et moi qui suis plutôt masculine, avec des épaules de mec et un maquillage type créature. Il y a aussi des membres qui sont féminines ou issues du milieu transformiste, etc.

 

Q : Quelles sont vos actions ?

 

Enza: Notre groupe est une plateforme pour permettre aux drags parisiennes de s’exprimer et de se faire connaitre à travers nos activités. Il y les soirées, qui sont une scène ouverte qui a pour but d’aider des gens qui n’y ont pas accès de monter sur scène. Il y a un fanzine, « Les Fées du Marais », sur la drag culture. On participe aussi à des événements, comme le sidaction, pour lequel on a réuni 2000€.

Infographie par Jean-Gabriel Fernandez
Drag queen: mode d’emploi

 

Q : Pour vous, qu’est-ce que représente le drag ?

 

Cookie Kunty: Le drag est militant. Affiché ou pas, le drag reste un acte subversif. Tu poses des questions aux gens, tu soulèves des problématiques sur le genre surtout. Dans le milieu gay, on fait partie du paysage. Dans le milieu hétéro… on est moins accessibles, il y a comme un mur qui sépare les performers du public dans ces soirées.

 

Enza: Mais les drags c’est surtout le fun ! Les étudiants qui vont en soirée hétéro s’habillent comme s’ils allaient au supermarché. La communauté queer a une culture de la fête, du paraître, qui permet de mettre une distance entre celui que tu es dans ta vie banale et celui que tu es en soirée. Ca permet de faire les choses à fond, faire les choses en grand !

  • Jean-Gabriel Fernandez & Anaëlle De Araujo

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