Le projet de loi Blanquer arrive au Sénat sur fond de défiance

L’examen du projet de loi « pour une école de la confiance », débute mardi 14 mai au Sénat. Déjà adopté en première lecture par l’Assemblée nationale en février, le texte provoque une défiance et des craintes chez les parents d’élèves et les enseignants.

Jean-Michel Blanquer s’est exprimé au Sénat devant le Sénat mardi. (Illustration) / Crédits : S.Kerlidou – Flickr

Alors que le projet de loi « pour une école de la confiance » sera au programme des sénateurs pendant trois jours avant un vote solennel mardi prochain, les syndicats d’enseignants grondent. Répondant à un appel à la mobilisation, parents d’élèves et professeurs se sont rassemblés mardi devant le Palais du Luxembourg pour dénoncer des mesures jugées inquiétantes.

Le ministre de l’Education nationale a tenu à défendre son texte devant les sénateurs. C’est « une loi pour l’éducation et une loi profondément sociale », a-t-il déclaré mardi à la haute chambre. Il a dit entendre « les craintes » et souhaité que la discussion au Sénat permette de « rectifier certaines erreurs et mensonges » apparus ces dernières semaines. S’il souhaite  « faire de la France une grande puissance éducative » il a expliqué néanmoins que « cette loi ne prétend pas résoudre tous les problèmes ».

Pour le rapporteur de la commission de la Culture et de l’Education Max Brisson, il faut « un débat à la hauteur » qui « porte sur l’essentiel ». Il a néanmoins eu des mots durs en parlant d’un texte qui « manque de souffle ». Les sénateurs de droite comme de gauche fustigent « un manque de concertation, de dialogue » pour expliquer la défiance suscitée par ce texte, largement amendé par les députés. Si la mesure phare du projet de loi concernant l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire, passant de six à trois ans fait consensus, certaines proposition ne font pas l’unanimité.

  • Des propositions qui font débat

Parmi les mesures qui ont provoqué les critiques et inquiétudes, celle qui fixe un devoir d’exemplarité des enseignants. Les enseignants s’alarment en effet du dirigisme du ministre de l’Education nationale. « L’exemplarité est une notion morale, qui peut susciter la suspicion », a argumenté Marie-Pierre Monier (PS) auprès de France Info.

Deux événements récents inquiètent sur cette menace adressée aux enseignants : un directeur d’école réprimandé par sa hiérarchie après une interview radio, et une députée qui réunit inspecteurs d’académie et directeurs. « L’article 1 ne vise pas à museler les professeurs mais à rappeler les devoirs des fonctionnaires », s’est défendu Jean-Michel Blanquer auprès des sénateurs.

Les professeurs fustigent également certaines propositions anecdotiques comme la présence du drapeau français dans les écoles.

Les syndicats appellent à maintenir les mobilisations à travers la France.

Sylvia Bouhadra

Le fossé se creuse entre les enseignants et leur ministre de l’Éducation

« Un réel effet de rupture de la confiance » entre les enseignants et le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blancher / Crédit : cyberien 94, Flickr

« Une rupture de la confiance » accordée au ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer, c’est ce que montre le baromètre annuel de la fédération Unsa-Education publié mardi. Publié pour la 7e année consécutive, le questionnaire auquel 25 830 personnels de l’éducation ont répondu montre une chute inédite du taux de satisfaction, notamment des enseignants.

Réalisé en mars 2019, alors que commençait à monter la grogne dans les établissements scolaires sur la loi « pour une école de la confiance » actuellement discutée au Sénat et la réforme du lycée, le baromètre et ses résultats « marquent un véritable changement » selon le secrétaire général Frédéric Marchand.

Une rupture particulièrement prononcée chez les enseignants

A peine plus de 10% du personnel de l’éducation se dit « en accord avec les choix politiques », deux fois moins que lors de l’enquête de 2018. Ils ne sont que 35% à « ressentir de la reconnaissance et du respect dans leur pratique professionnelle », dix points de moins qu’il y a un an.

Même s’ils sont encore beaucoup à « aimer » leur métier (92,7%) et « heureux de l’exercer » (78,7%), les personnels ont « l’impression de ne pas être consultés, écoutés, accompagnés » selon le représentant du syndicat. La rupture est particulièrement prononcée chez les enseignants, dont seulement 6,5% se disent en accord avec les choix politiques dans leur secteur d’activité. Une des causes principales de ce mécontentement ? « Le rythme élevé des réformes », « il faut aussi à un moment arrêter de vouloir tout bouger tout le temps ».

Marine Ritchie avec l’AFP