Quinquagénaire, homme et professionnel de la politique : portrait robot du député européen français

Avec 79 nouveaux eurodéputés français et une promesse politique de renouvellement, le Parlement européen représente-elle mieux la société civile, comme le promettait le président Macron ? Réponse en 3 graphiques pour dresser le portrait robot de l’eurodéputé français.

Le Parlement européen. Wikimedia Commons

C’était une promesse du président Macron : offrir du renouveau dans la classe politique, en investissant des candidats n’ayant jamais foulé le sol du Parlement européen. Depuis le 26 mai 2019, 30 nouveaux eurodéputés français siègent à Bruxelles. Portés également par la promesse politique de renouvellement de la République en marche, les députés européens français seront-ils davantage représentatifs de la société française qu’ils ne l’ont été jusqu’ici ?

Depuis plusieurs années, une crise de confiance entre les élus et la population française est installée. Le Parlement européen, élu au suffrage universel direct et censé être politiquement représentatif du peuple, ne l’est pas sociologiquement. Il représente majoritairement des hommes blancs de plus de 50 ans, diplômés, qui sont, pour la plupart, des professionnels de la politique.

En voici la démonstration en trois graphiques, basés sur nos chiffres à partir des données sur les élus des élections de 1979, 1999, 2014 et 2019, appuyés par l’analyse des sociologues Willy Beauvallet, Victor Lepaux, Sébastien Michon, auteurs de l’étude Qui sont les eurodéputés ?, publiée aux archives ouvertes en 2013.

 

Le député européen français est … un homme

 

Discours, chartes, vœux… Les textes visant à assurer l’égalité des sexes se sont multipliés ces derniers années au sein des institutions européennes. Mais malgré ces revendications, l’Union ne montre pas toujours le bon exemple : la parité au sein des institutions européennes est loin d’être atteinte. En 2014, le Parlement, pourtant l’une des chambres les plus féminisées d’Europe ne compte que 36% d’eurodéputées. 

Mais du côté des députés européens français, on peut noter une nette amélioration : le nombre de femmes n’a cessé d’augmenter depuis 1979, date des premières élections européennes. En mai 2019, 49,3% des élus français sont des femmes, contre 19,7% en 1979, l’année des premières élections.

Ces chiffres sont indissociables du contexte politique et législatif sur la parité en politique. Dans les années 1990, il est apparu nécessaire de faire évoluer la loi afin de permettre une meilleure représentation politique des femmes en politique. Depuis le 6 juin 2000, les partis politiques français ont l’obligation de présenter un nombre égal de femmes et d’hommes lors des scrutins de liste.

Les partis les plus féminisés sont les partis écologistes, puisque sur tous les eurodéputés français écologistes élus lors des élections de 1979, 1999, 2014 et 2019, 48% sont des femmes. C’est également le parti le plus jeune, avec une moyenne d’âge de 48,6 ans, contre plus de 50 ans pour les autres bords politiques.

 

Le député européen français est un homme … quinquagénaire

52 ans et 7 mois. C’est l’âge moyen de l’eurodéputé français en 1979. On reproche souvent aux élus de voir le Parlement comme une maison de « retraite dorée ». Un facteur qui accroit également la défiance des électeurs envers le Parlement européen. A chaque nouvelle élection européenne, l’abstention est « le parti numéro un à chaque scrutin »,comme le titrait l’AFP, le 24 mai dernier. En 2019, le taux de participation s’élevait le taux de participation aux élections européennes 2019 s’établit à 50,12%, selon les chiffres diffusés par le ministère de l’Intérieur.

Conscient que le Parlement européen peut être vu comme un instrument technocratique, loin des réalités concrète et vieillissante, de nombreux partis ont décidé de miser sur la jeunesse pour mener les listes diverses : Manon Aubry (29 ans) à la France Insoumise, Jordan Bardella (23 ans) au Rassemblement National -qui devient le plus jeune député européen de l’Histoire-, François-Xavier Bellamy (33 ans) chez Les Républicains ou encore Ian Brossat (39 ans) pour le Parti communiste. Les élections européennes de 2019 ont rajeuni les députés européens français : ils ont aujourd’hui 49 et 6 mois d’âge en moyenne, contre 54,4 mois en 2014.

Pourtant, la France fait moins bien que les autres pays en la matière : toutes nationalités confondues, les 766 députés européens ont quant à eux un âge moyen de 51,2 ans. « Ils apparaissent néanmoins un peu plus jeunes que de nombreux parlementaires nationaux », notent les sociologues Willy Beauvallet, Victor Lepaux, Sébastien Michon, auteurs dans leur étude Qui sont les eurodéputés ?, publiée aux archives ouvertes en 2013. En France, les députés de l’Assemblée nationale affichaient une moyenne d’âge de 54 ans en 2012.

Le député européen français est un homme quinquagénaire … qui n’est pas issu de l’immigration

 

Lors des dernières élections, seulement 3,92% des eurodéputés français élus sont issus de l’immigration, c’est-à-dire immigrés ou enfants d’immigrés. C’est bien plus que lors de l’élection européenne de 1979, où le seul eurodéputé issu de l’immigration était Paul Vergès, membre du Parti communiste, et frère du célèbre avocat Jacques Vergès.

Mais cette – toute relative – diversité ne se conjugue pas avec une diversification des profils sociaux : la mère de Paul Vergès était une institutrice vietnamienne et son père, consul français au Vietnam.

En 1999, sur 86 eurodéputés français élus, 13 sont immigrés ou issus de l’immigration. Sur ces 13 eurodéputés, 5 étaient élus Europe Ecologie les Verts, un parti qui défendait déjà un « accueil digne » aux immigrés arrivés sur le territoire français.

En 2019, ils ne sont que 11 eurodéputés français issus de l’immigration, soit 13,93 %. Preuve que l’intégration des immigrés ou des fils d’immigrés dans la sphère de la politique française reste difficile, mais s’améliore. A titre de comparaison, l’Assemblée nationale ne compte que seulement 6,35 % des députés français issus de l’immigration, selon un décomptage établi par France 24.

Le député européen français est un homme quinquagénaire qui n’est pas issu de l’immigration … et qui est un professionnel de la politique

Des agriculteurs, des enseignants, une experte en immobilier, en 2019 de nombreux élus issus de la société civile on fait leur entrée au Parlement européen. On pourrait penser que c’est une tendance nouvelle depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir. Pour autant, on ne peut pas réellement dire qu’il y ait une réelle évolution. En 1979, 23,4% des élus étaient issus de la société civile, c’est-à-dire qu’ils n’avaient pas exercé de mandat ou collaboré avec un élu politique. En 2019, ils n’était que 0,6% de plus, soit 24%. On peut tout de même observer que les métiers des élus se sont diversifiés au cours des années : en 1979 seul Hubert Buchou était agriculteur avant d’être élu au Parlement. En 2019, ils étaient trois : Jérémy Decerle (LREM), Maxette Pirbakas-Grisoni (RN) et Benoît Biteau (EELV).
Les élections européennes ont surtout été marquées par une arrivée massive des eurodéputées françaises au Parlement. Mais la majorité des députés européens restent issus des mêmes classes sociales et ont toujours plus ou moins gravité autour de la politique avant de se présenter aux élections européennes.
Caroline Baudry, Camille Bichler et Blanche Vathonne

Elections européennes : les différences entre les listes d’extrême gauche en France

Thibaut Prévost, Drapeau de l’UE (Modifié)
Pour les élections européennes du 26 mai 2019, les électeurs français ont le choix entre trente-quatre listes. Parmi elles, trois listes d’extrême gauche : La France Insoumise, Lutte Ouvrière et Pour l’Europe des gens contre l’Europe de l’argent (Parti Communiste Français). Nous avons comparé leurs programmes.

A six jours du scrutin, il est parfois difficile de s’y retrouver dans les différentes listes candidates. Trois d’entre elles sont issues de partis traditionnellement qualifiés d’extrême gauche : La France insoumise, Lutte Ouvrière et le Parti communiste français. Pour ces élections, le Nouveau Parti Anticapitaliste s’est retiré de la course en faveur de Lutte Ouvrière. Nous avons établi les différences entre les programmes de ces partis issus de mouvances semblables.

A voir également : Les différences entre les listes écologistes

Les différences entre les listes « gilets jaunes »

Les différences entre les listes d’extrême droite

Antonella Francini

Elections européennes : les différences entre les listes écologistes en France

Niccolo Caranti, Europe Day. Lago di Caldonazzo. May 9, 2010.
Pour les élections européennes du 26 mai 2019, les électeurs français ont le choix entre trente-quatre listes. Parmi elles, quatre listes écologistes : Europe écologie, Urgence écologique, le Parti Animaliste et Décroissance 2019. Nous avons comparé leurs programmes.

A six jours du scrutin, il est parfois difficile de s’y retrouver dans les différentes listes candidates. Quatre d’entre elles peuvent être qualifiées d’écologistes. Deux sont généralistes : Europe écologie et Urgence écologique. Les deux autres sont plus thématiques : le Parti Animaliste défend le droit des animaux et Décroissance 2019 prône la décroissance économique pour protéger l’environnement. Nous avons établi les différences entre les programmes de ces partis issus de mouvances semblables.

 

A voir également : Les différences entre les listes d’extrême gauche

Les différences entre les listes « gilets jaunes »

Les différences entre les listes d’extrême droite

Antonella Francini

Handicap : toutes les personnes sous tutelle pourront voter aux européennes

Les personnes sous tutelle pourront désormais voter. Crédit : Rama.
Depuis mars 2019, les personnes sous tutelle peuvent désormais voter, ce qui concerne plus de 385 000 personnes. À l’occasion des élections européennes ce dimanche 26 mai, toutes les personnes porteuses de handicap mental notamment pourront donc passer par l’isoloir, une première pour certaines d’entre elles.

« Les personnes sous tutelle étaient considérées jusque là comme des sous-citoyens, il était impératif de leur reconnaître le droit de vote », explique Céline Simonin, chargée des affaires internationales à l’Unapei, l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales, et de leurs amis qui rassemble plus de 500 associations. Depuis 2009, les personnes majeures sous tutelle disposaient d’un droit de vote mais celui ci pouvait être retiré par un juge des tutelles. Des personnes porteuses d’handicap intellectuel sont concernées, mais aussi les personnes atteintes de troubles psychologiques et ayant des problèmes de santé mentale.

Avant la promulgation de la loi, le 25 mars 2019, ce droit de vote était régulièrement retiré par la justice, pour des motifs illégitimes selon l’Unapei. Plus de 275 000 personnes ont ainsi été radiées des listes électorales depuis 2009, et peuvent désormais retrouver automatiquement leurs droits. « Les méthodes de ces retraits étaient douteuses : dans 80% des cas d’annulation de droit, la décision n’était pas clairement appuyée par des justifications dans les rapports », indique Céline Simonin. Les juges recourraient notamment à des bilans médicaux inaptes à évaluer les capacités intellectuelles de vote des personnes handicapées selon l’organisation. Ils sollicitaient également des interrogatoires qui pouvaient mettre l’intéressé dans une situation inconfortable et stressante. « C’était aussi une mesure discriminante, insiste la membre de l’Unapei. Tous les autres citoyens ne subissent pas ce genre de contrôle, alors que plusieurs d’entre eux sont moins bien informés pour aller voter que certaines personnes handicapées. »

Dispositifs adaptés

Un ensemble de dispositifs, déjà mis en place, a été complété par de nouvelles mesures, comme la formation du personnel d’accueil dans les bureaux de vote. La rédaction de programmes politiques en version Facile à Lire et à Comprendre (FALC), un mode d’écriture à la syntaxe simple et appuyé sur des images, a également été lancé cette année, mais s’adresse plus largement aux personnes qui ont des difficultés de lecture et de compréhension. Des associations membres de l’Unapei ont réalisé des vidéos explicatives autour du droit de vote à destination du grand public et des concernés. Depuis 2014, un accompagnateur peut aider le votant si besoin, mais celui-ci ne doit pas être son tuteur professionnel. Un dispositif qui constitue un « dernier garde fou contre le risque d’influence » selon Céline Simonin (voir infographie ci-dessous).

Car certains détracteurs voient dans la mesure le risque que les personnes handicapées se laisser influencer par leur entourage dans leurs choix politiques. L’UNAPEI veut mettre fin à cette défiance. « Tout le monde est susceptible d’être influencé, commente Céline Simonin. Le même argument était utilisé par les opposants au droit de vote des femmes ! » La France n’est d’ailleurs pas la première à promulguer cette loi, pour laquelle l’organisation a milité depuis plusieurs années : la Norvège, la Suède et le Royaume-Uni notamment ont déjà adopté le texte il y a plusieurs années.

Une belle avancée malgré un court délai d’adaptation

En France, la mise en place complète de cette nouvelle mesure va prendre du temps, c’est pourquoi l’Unapei s’investit dans la sensibilisation, notamment auprès des personnels de bureaux de vote qui n’ont pas tous pris pour le moment le pli de la nouvelle législation. Du côté des votants aussi, le délai d’inscription sur les listes a été court. Les personnes concernées par cette loi ont en effet bénéficié d’un bref délai pour s’enregistrer : elles avaient jusqu’au 16 mai pour réaliser cette démarche, mais il est impossible pour le moment d’estimer le nombre d’inscrits.

Les associations accueillent donc cette avancée avec un grand optimisme, mais attendent la participation des personnes mises sous tutelle surtout à l’horizon des municipales, en 2020. D’ici là, elles seront attentives aux propositions du Parlement européen à venir en matière de handicap. « Cette loi représente un grand pas en avant pour les droits des personnes handicapées, mais la campagne européenne a été raccourcie par le grand débat national et le handicap a été peu présent dans les discussions, explique Céline Simonin. On va se rapprocher des Parlementaires européens pour les encourager à aller dans le fond des sujets. »

Maëlane Loaëc