Le grand élan de l’e-sport

En France, ils sont près de 5 millions a avoir déjà regardé des retransmissions de parties de jeux-vidéos. Avec des revenus et des investissements qui ne cessent d’augmenter, les compétitions ont déserté les garages pour s’installer dans les stades. Pourtant, le milieu recherche encore stabilité et professionnalisme. Par Valentin Berg et Edouard Lebigre

Au milieu de la Paris Gaming School, une arène pour des tournois réguliers. Crédit Photo : Thomas Liégot

Montreuil, en Seine Saint Denis. Dans un des bâtiments gris de la zone industrielle se cache une école un peu particulière : la Paris Gaming School (PGS) dont il serait difficile de deviner l’existence. Pourtant, en passant la porte du troisième étage, on devine rapidement un espace uniquement dédié à l’e-sport, la pratique du jeu vidéo de manière compétitive. Dans une salle sur la gauche, le générique de Super Smash Bros Ultimate retentit, le jeu de combat phare de Nintendo. Au centre du local, un grand octogone en bois a récemment été construit pour accueillir, fin avril, un tournoi de Apex Legends, dernier jeu à la mode. Un mois après sa sortie en février dernier, il réunissait pas moins de 50 millions de joueurs dans le monde.

Devant les écrans, casque sur les oreilles, des joueurs faisant partie de la promotion de 33 étudiants. Tous titulaires du Bac, ils ont du débourser près de 10 000 euros pour suivre 9 mois de formation à la PGS, avec le rêve, un jour, de travailler dans l’e- sport. « On a reçu 2500 pré-inscriptions cette année. Le secteur est évidemment très attractif ces derniers temps mais beaucoup connaissent mal la réalité de l’e-sport. Ils ne regardent que les grandes sommes d’argent gagnées par les stars des compétitions », raconte Michael Annequin. Lui a fait partie de la première promotion de l’école avant de rejoindre l’équipe permanente de la PGS. « Il n’y a pas que des joueurs dans notre formation. L’avènement de l’e-sport a créé beaucoup de métiers. On compte aujourd’hui des coachs e-sport, des managers, des monteurs de contenu vidéo…».

En continuant la visite de la PGS avec Michaël, on découvre plusieurs salles dédiées à différents jeux. Ici, on répète ses gammes : communication avec les coéquipiers, agilité avec le clavier et la souris, connaissance de la carte du jeu… Si les joueurs disposent du matériel idéal, les fils qui traînent et les consoles en cours d’installation témoignent du chemin encore à parcourir pour faire de la PGS l’école du futur.

 

L’e-sport, un secteur encore jeune 

Avec pas moins de 200 jeux pratiqués de manière compétitive et des LAN (compétitions sur réseau local) organisées chaque semaine en France, le secteur de l’e-sport est en pleine expansion. Si l’arrivée de la compétition a rapidement suivi le développement des premiers jeux dans les années 70, c’est l’avènement d’Internet et des connexions personnelles qui a démocratisé la pratique. Dès la création des premières ligues professionnelles en 1997, le phénomène s’est rapidement amplifié.

La pratique compétitive du jeu vidéo reste néanmoins une pratique de niche entre 1997 et 2008, réservée principalement aux initiés. « Le tournant majeur, celui qui a tout changé, c’est l’apparition des plateformes de diffusion et de streaming comme Twitch et Youtube vers 2010. Tout à coup, n’importe qui pouvait avoir accès à du contenu e-sportif chez lui. Avant, c’était presque impossible », explique Nicolas Besombes, docteur en e-sport et vice-président de l’association France Esports.

Depuis, l’e-sport n’a cessé de se développer jusqu’à devenir un phénomène mondial pesant lourd sur le plan économique avec un chiffre annoncé de 300 millions de spectateurs en 2020. « On observe aujourd’hui des investissements massifs de la part d’acteurs extérieurs, comme des marques automobiles, de fast-food, de boissons, de cosmétiques… Cela a permis d’apporter des budgets plus conséquents à l’industrie, d’organiser des shows plus spectaculaires et d’améliorer sa visibilité ». En France, la Société Générale est devenue en 2018 le partenaire majeur de GamersOrigin, une des trois équipes majeures de l’e-sport en France.

 

L’e-sport en France
Infogram

 

Des formations dédiées aux métiers du jeu vidéo 

La professionnalisation grandissante de l’e-sport au cours des dernières années a motivé de plus en plus de jeunes à s’y consacrer à plein temps. Que ce soit en tant que joueur professionnel ou dans les métiers autour, ils sont de plus en plus nombreux à vouloir tenter leur chance dans le milieu. D’où, un nombre croissant de formations qui apparaissent en France pour préparer l’entrée dans ce secteur. À Paris, l’Isefac Bachelor a été l’une des premières écoles à lancer une formation entièrement consacrée à l’e-sport et au gaming.

« C’est un secteur très concurrentiel, les étudiants doivent en avoir conscience. Ils sont nombreux à vouloir y travailler car c’est un milieu qui fait rêver, que ce soit ceux qui passent par des formations ou les autodidactes. Mais dans l’e-sport, l’expérience compte beaucoup plus que la formation : on ne te laissera pas ta chance si tu arrives seulement avec un diplôme », explique Samuel Benitah, directeur de la branche eSport chez Prism Paris et intervenant dans le Bachelor sur la partie Management, recrutement et coaching eSport. « On forme les étudiants au management et au marketing axé sur l’e-sport, à des métiers comme chef de projet, community manager, chef des partenariats… Et quand il s’agit de devenir joueur professionnel, il y a très peu de formations. La plus prestigieuse, l’Asus ROG School, située dans la région parisienne, vient elle-même chercher les joueurs, à la manière d’un centre de formation ».

Cette popularité au cours de la dernière décennie a permis au milieu de s’ouvrir considérablement au grand public. « Aujourd’hui, grâce à des jeux comme League of Legends ou Fortnite, on assiste à l’émergence de véritables spectacles de masse. La pratique en elle-même s’est mondialisée, et touche de plus en plus de personnes extérieures au phénomène. En cela, le milieu est plus ouvert qu’avant, explique Nicolas Besombes. Mais paradoxalement, on a aussi observé une augmentation des compétences attendues chez les personnes qui intègrent cet écosystème. Cela veut dire qu’aujourd’hui, espérer travailler dans l’e-sport par pure passion n’est plus une raison suffisante. Il y a plus d’exigence, on attend d’eux des compétences spécifiques acquises en amont ».

La dextérité, la communication, la gestion du stress… Autant de compétences à entretenir pour rester au haut niveau. Crédit Photo : Thomas Liégot

Parmi elles, on retrouve des capacités physiques similaires au sport traditionnel : coordination et dextérité des mains comme au basket ou au handball, capacité à réaliser des tâches manuelles fines comme au tir à l’arc ou à l’escrime… S’ajoute à cela des compétences cognitives comme l’anticipation, le traitement des informations, l’orientation et la visualisation spatiales, ainsi que des compétences sociales à l’image du travail d’équipe, de la collaboration ou encore du leadership, sans oublier le contrôle des émotions. « L’ensemble des dimensions physique, psychologique et sociale sont mobilisées dans l’e-sport », résume-t-il. Mais l’exigence n’est pas la seule chose ayant augmenté autour des joueurs.

 

Une discipline stricte pour les joueurs

La taille des équipes s’est aussi élargie, afin d’encadrer leur santé et d’optimiser leurs performances. Préparateurs physiques et mentaux, ostéopathes, kinésithérapeutes et analystes sont autant de personnes sollicitées pour amener les joueurs au sommet de leurs capacités. Achille, 20 ans, n’a pas cédé aux dernières modes et a continué à se consacrer à Counter Strike, premier grand jeu de compétition en ligne dans les années 2000. « Pour se démarquer, il faut surtout en vouloir. Il y a beaucoup de bons joueurs dans le milieu, donc je joue 2h par jour en moyenne pour garder un bon niveau. Le reste de ma préparation quotidienne passe dans le visionnage de parties d’autres joueurs, pour les analyser ». Pour jouer dans de bonnes conditions, Achille possède une installation lui assurant un grand confort de jeu et un nombre suffisant d’images par seconde sur son écran. Prix : 2000 euros. Il a décidé de faire confiance à la Paris Gaming School pour se former.

« La plus grande difficulté pour un joueur qui souhaite devenir professionnel et en vivre, c’est qu’il n’y a pas réellement de parcours-type. Dans le sport traditionnel, le joueur peut s’appuyer sur un club de quartier, puis sur un club régional, les centres de formation et les pôles France… Ces structures n’existent pas à l’heure actuelle dans l’e-sport », souligne Nicolas Besombes. Autre difficulté majeure : se démarquer parmi les millions de joueurs qui peuvent potentiellement prétendre au statut professionnel.

Comme dans le milieu du football, des observateurs ou scouts scrutent les classements pour repérer les étoiles montantes de chaque jeu. « Pour être recruté à ce niveau-là, il y a notamment les ladder in-gamce, les classements compétitifs propres à chaque jeu sur lesquels les joueurs s’entraînent chaque jour. Sur League of Legends par exemple, les premiers joueurs du classement sont généralement contactés à chaque intersaison pour faire des tests et être ensuite potentiellement recrutés dans une équipe, explique Samuel Benitah. Le streaming (diffusion sur Internet) amène aussi beaucoup de visibilité sur la personnalité du joueur et sur son niveau de jeu. L’avènement de la fibre et de la connexion haut débit a permis de faire émerger de nouveaux joueurs ». Pour ceux qui parviennent à en vivre, soit moins de 200 joueurs sous contrat aujourd’hui en France, les salaires varient également beaucoup en fonction des jeux, allant d’un SMIC pour un joueur FIFA jusqu’à 30000 euros par mois pour un professionnel de Counter Strike ou League of Legends.

L’ascension des français de Vitality

Vitality compte dans ses rangs les meilleurs joueurs français et internationaux pour gagner des titres. Crédit photo : Lyncconf Games

Créée en 2013, l’équipe d’e-sport française Vitality est devenue le numéro 1 sur le territoire au cours des dernières années. Elle abrite deux des grands noms du gaming en France, Fabien “Neo” Devide, coach, et Corentin “Gotaga” Houssein streamer et français le plus titré sur console.

Au départ spécialisée dans la licence Call of Duty où ils ont remporté le championnat de France en 2013, ses joueurs ont su évoluer vers les terrains numériques de FIFA ou l’arène de Fortnite. Plusieurs tournois et championnats ont été remportés avec un groupe de joueurs différents pour chaque jeu différent.

 

Un nom qui vaut plusieurs millions d’euros

La réussite de l’équipe française a vite attiré les sponsors. En février 2018, Vitality annonce une levée de fonds de 2,5 millions d’euros, puis, en novembre, un financement de 20 millions d’euros par le milliardaire indien Tej Kohli. Il s’agit alors du plus gros investissement e-sportif en Europe. Enfin, l’entreprise française Renault annonce vouloir sponsoriser l’équipe pour Rocket League, un jeu de football où les voitures remplacent les joueurs. Le budget de Vitality est aujourd’hui évalué à 5 millions d’euros par an, soit le niveau d’un club de milieu de tableau de ligue 2 française.

Après avoir recruté des joueurs étrangers pour renforcer ses rangs, Vitality a récemment annoncé l’ouverture d’un centre d’entraînement dans le 3ème arrondissement parisien ainsi que des boutiques spécialisées. Du digital au physique…

Edouard Lebigre

 

Catch en France : « La discipline prend un peu plus de prestige »

Mardi soir, les stars du catch américain débarquent à Bercy avec la WWE LIVE. Ce show revient chaque année en France depuis 2007. Entretien avec Fabio Costantino, président du club APC catch Nanterre, sur la place du catch en France.
Le catch connaît un essor grandissant en France. Anton – Flickr – Creative Commons

Quel impact a le catch en France ?

Fabio Costantino : En France, il y a environ six club de catch. L’APC catch de Nanterre est l’un des plus grands avec environ soixante-dix membres, grâce à notre proximité avec Paris. Mais en général, les autres clubs comptent une trentaine d’adhérents. Le sport est encore peu développé dans l’Hexagone, mais chaque année il y a un peu plus d’adhérents et la discipline prend un peu plus de prestige. On a aussi des femmes dans notre club. Pour l’instant elles ne sont que six mais on espère avoir de nouvelles adhérentes. En terme d’événements, on organise des spectacles tous les mois. Chaque mois environ 300 personnes viennent voir nos shows. Avant, on avait des difficultés pour remplir la salle, aujourd’hui on a des difficultés pour faire rentrer tout le monde. C’est surtout grâce à internet et les réseaux sociaux que ces événements prennent de l’ampleur.

Le club de Nanterre existe depuis longtemps ?

F.C : Mon père a fondé le club en 2004. Au début c’était un peu dur, on avait monté cette école mais peu de monde venait. Il voulait vraiment créer un style de catch à la française, mais ça ne prenait pas. Au fur et à mesure, le catch américain est apparu à la télévision française. C’est grâce à ça que des gens sont venus vers nous. J’ai repris la présidence du club il y a quatre ans, depuis j’essaie d’adopter des styles plus internationaux en nous inspirant de la discipline américaine et mexicaine. On essaie aussi d’amener des catcheurs étrangers pour donner une valeur internationale à l’APC catch.

Comment peut-on qualifier le catch ? C’est du sport ou plutôt un show ?

F.C : J’appelle ça du « sport spectacle ». C’est d’abord un show avec un scénario et de la mise en scène. Chaque catcheur se créé un personnage qu’il met en valeur. Il y a des gentils, des méchants, des catcheurs masqués, chacun avec son histoire. Chaque mois on organise des combats. On essaie d’amener des anciens catcheurs américains pour plaire aux fans. Mais le catch est aussi et surtout du sport qui mélange les disciplines. Les catcheurs doivent être souples, savoir faire des acrobaties, chuter au sol, donner des coups… Ça demande beaucoup d’exigences, ils s’entraînent énormément pour éviter toutes blessures pendant les spectacles.

Simon Tachdjian

Giro : Carapaz remporte la 4e étape

L’Equatorien remporte la 4e étape. / Crédit : Flickr Archivo Medios Públicos EP

L’Équatorien Carapaz (Movistar) s’impose sur cette 4e étape du tour d’Italie après 235 km et 5h58 de course.

Pour mettre fin à l’échappée des Italiens Marco Frapporti, Mirco Maestri et Damiano Cima, à l’avant depuis les premiers kilomètres, le peloton a intensifié son rythme à 16 km de l’arrivée.  Une chute groupée à l’arrière du peloton, à 10 km de l’arrivée, a divisé l’effectif en deux. Treize coureurs étaient en lice pour la victoire jusqu’à ce que l’Équatorien n’attaque et ne s’échappe sur les cent derniers kilomètres, avant de l’emporter de peu sur Caleb Ewan. Ulissi est le dernier sur le podium.

Lise Boulesteix