Le vin français peut-il résister à la mondialisation ?

Les vins français perdent du terrain à l'international. ©CreativeCommons
Les vins français perdent du terrain à l’international.
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A l’international, le vin français perd du terrain. Héraut de la culture française pendant des décennies, il n’échappe pas aux néfastes de la mondialisation. Uniformisation du goût et standardisation des pratiques, les gros producteurs étrangers imposent leurs règles du jeu. Face au danger, les vignerons français s’organisent : ne serait-ce pas la fin d’une mondialisation heureuse ?  

 

La France est le premier pays exportateur de vin. 30% de sa production consacrée à l’international. Mais ce chiffre cache une autre réalité : les Français vendent moins mais plus cher. Et là où certains pays comme l’Afrique du Sud, le Chili ou encore la Chine voient d’année en année leur volume progresser, les volumes français, eux diminuent.

Les principaux pays producteurs de vin


Aujourd’hui, confronté à la mondialisation, le vin français perd du terrain à l’export. Depuis quatre ans, les ventes en volumes sont en recul de 13,5%, selon la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux. Si depuis plusieurs décennies déjà, les vins du « Nouveau monde » (Amérique du Sud et Etats-Unis) concurrencent les vins français, ces derniers doivent faire face aujourd’hui à d’autres concurrents : les vins du « Nouveau nouveau monde ». A la tête du groupe, la Chine. Son vignoble est aujourd’hui le deuxième du monde en surface. Un sérieux rival, qui rebat les cartes du marché. « L’arrivée de vins dits “mondialisés“ a modifié le marché mondial. Ces derniers ont une approche beaucoup plus “marketée“ avec la mise en avant du cépage au lieu du domaine, comme c’est le cas en France. La raison est simple : elle permet une approche plus simple pour le consommateur », explique Bérengère Bezaud, chercheuse sur les cultures alimentaires. Concrètement, les « vins de cépage » sont ceux issus d’une seule variété de raisin, qui sera mentionné sur l’étiquette. En opposition, les vins français sont des vins dits « de terroir ». Issus d’un assemblage de raisins, ils sont désignés par le nom du domaine producteur.

Face à la concurrence, le vin français a dû s’adapter, pour le meilleur…et pour le pire. « La mondialisation a permis la modernisation de certaines pratiques du vin français et un assouplissement de certains labels trop contraignants pour le producteur. On peut constater également que l’ouverture à la concurrence conduit à une segmentation du marché. Sauf qu’en France ça ne fonctionne pas et la mondialisation pénètre aujourd’hui les AOC », regrette Bérengère Bezaud. Ainsi, certaines techniques dites « du nouveau monde », comme l’ajout de copeaux de bois pour aromatiser artificiellement le vin sont aujourd’hui utilisées dans des vignobles français. « Le risque, c’est une uniformisation du goût », s’inquiète-t-elle, « un vin produit au Chili et à Bordeaux peut avoir, aujourd’hui, exactement le même goût. Avec ces pratiques, le vin est en train de devenir très technique, c’est comme une recette ».

La France peut-elle rattraper son retard ?

Savoir-faire et notoriété sont à l’actif des vins français. Pour autant, la France a dû mal à s’armer face à la mondialisation. Outre ses coûts de production élevés, la France pâtit d’un handicap de taille : 69% des entreprises françaises font moins de 10 millions de chiffres d’affaires. Et même les gros producteurs français sont à la peine. L’entreprise Castel, leader français sur le marché, réalise un chiffre d’affaires de 1,1 milliards d’euros par an. A titre de comparaison, le géant américain Gallo, réalise lui 4 milliards d’euros. En 2015, le chiffre d’affaires du vin chilien Concha y Toro dépassait déjà le milliard d’euros. Deux mastodontes qui inondent les marchés en terme de quantité.

Ces pays ont les moyens de produire plus et pour moins cher. C’est un tableau sur lequel les producteurs français ne peuvent compétiter. Alors, depuis une dizaine d’années, certains vignerons prônent un retour à la tradition. « L’uniformisation du produit a fait réagir la profession. On retrouve aujourd’hui de plus en plus de mouvements de vignerons indépendants. Leur objectif : mettre en valeur  le travail manuel », analyse Bérengère Bezaud. Ce retour au vin de terroir, correspond à un souhait des producteurs mais aussi à une demande du consommateur. « Chaque gros changement alimentaire correspond souvent à une crise sanitaire. Aujourd’hui, il y a une méfiance du consommateur envers les pesticides. Ils réagissent face à la mondialisation et ses excès, et veulent contrôler ce qu’ils achètent », explique-t-elle. Et les producteurs de vins mondialisés ne s’y trompent pas. « Ils utilisent d’énormes moyens de communication pour faire croire au consommateur que leur vin est issu du terroir. La mondialisation est devenu un gros mot », précise la chercheuse.

Capture écran de la page d'accueil de l'entreprise E&J Gallo Winery.
Capture écran de la page d’accueil de l’entreprise E&J Gallo Winery.

« Une tradition familiale », écrit en capitale avec en fond une vidéo parcourant les vignes. Telle est la page d’accueil de Gallo, premier producteur mondial avec ses 960 millions de bouteilles produites par an. Les Français ne s’y trompent pas : leur tentative d’importation sur le marché de l’Hexagone il y a vingt s’est soldé d’un échec.

Léa Broquerie et Dorine Goth

Gaspillage alimentaire : vrai geste pour la planète ou coup de com’ ?

Chaque année, un Français jette plus de vingt kilos de déchets alimentaires. ©CreativeCommons
Chaque année, un Français jette plus de vingt kilos de déchets alimentaires.
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Le gaspillage alimentaire coûterait deux à trois fois plus cher à la France que la dette de la sécurité sociale. Plusieurs alternatives ont été mises en place pour palier à ce fléau. N’est-ce pas aussi un nouveau moyen marketing pour les revendeurs ?

 

Quelques haricots verts, des tomates, des champignons, des mûres et des kakis. Le tout, pour 4 euros. Des fruits et des légumes qui risquaient, d’une minute à l’autre, de finir au fond de la poubelle dans ce petit primeur du 10ème arrondissement de Paris. L’application Too Good to Go fait partie de ces nouvelles start-up qui luttent contre le gaspillage alimentaire.

Le principe  de ce genre d’applications est simple, autant pour le consommateur que pour le revendeur. Pour l’utilisateur, il suffit de télécharger l’application, de se géolocaliser pour pouvoir faire une commande le plus proche de chez lui, et de se rendre dans le point de vente choisi pour récupérer son panier. Boulangers, restaurants, grandes surfaces ou primeurs peuvent faire un geste pour la planète en “vendant leurs invendus”. Mais ils maximisent aussi leur chiffre d’affaires : en moyenne, cela leur rapporte 300 euros par mois. L’application de son côté garde une commission d’un euro sur la somme payée aux commerçants.

Chaque année, plus de 20 kilos de déchets alimentaires sont jetés par chaque français. Au niveau mondial, cela représenterait plus de 350 milliards d’euros : un tiers des aliments destinés à la consommation humaine est perdu tout au long de la chaîne alimentaire. La lutte contre le gaspillage alimentaire n’en est qu’à ses débuts et peine à fonctionner réellement dans l’Union Européenne, alors qu’une partie de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté. S’ajoute à cela la future raréfaction de la nourriture qui, selon les scientifiques, devrait arriver plus tôt que prévu, et l’impact environnemental avec une surconsommation de CO2.

Limiter le gaspillage alimentaire 

 

Too Good to go n’est pas la seule start-up à s’être lancée dans l’anti gaspillage alimentaire. Depuis 2016, la loi Garot, unique en Europe, oblige les supermarchés à distribuer les invendus alimentaires aux associations et interdit “pour les distributeurs, de rendre impropres à la consommation des invendus encore consommables”. Ceux qui refusent de donner écopent d’une amende de 3750 euros. Depuis la promulgation de la loi, 5000 nouvelles associations se sont créées pour récupérer et distribuer des invendus. Cette loi était en effet attendue puisque certaines grandes enseignes étaient (et certaines le sont encore) suspectées d’asperger leurs invendus avec de la javel, pour empêcher les personnes sans-abris de les récupérer.

Les bons et les mauvais élèves de l'anti-gaspi
Les bons et les mauvais élèves de l’anti-gaspi

 

Alors, véritable geste pour la planète ou coup de pub pour fidéliser et voir grossir son chiffre d’affaires ? Si la loi oblige à distribuer les déchets alimentaires, c’est seulement aux associations, et sans aucune somme en contrepartie. Or, ces nouvelles applications permettent aux commerçants de revendre leurs produits qui auraient fini à la poubelle : parfois même, ces invendus sont périmés. De peu, mais par exemple un paquet de filets de poulet pourra avoir dépassé les deux jours de la date de péremption. Pour eux, l’intérêt de réduire le gaspillage alimentaire est d’abord économique. Et pour certains, cela leur permet de faire « bonne figure » auprès de leur clientèle. Un avantage certain pour ces supermarchés, mais le tableau n’est pas si noir : depuis cette loi, environ 10 millions de repas ont été distribués à des personnes nécessiteuses.

 

 

Dorine Goth et Léa Broquerie

Saint-Denis : entre les immeubles, des hectares de légumes pour les habitants

A Saint-Denis, une ferme pédagogique ouvrira ses portes au printemps prochain. Jeanne Crombez, responsable du projet, souhaite valoriser le lien entre producteur et consommateur.

Une partie de la récolte des citrouilles a permis à des enfants de les creuser pour Halloween.
Une partie de la récolte des citrouilles a permis à des enfants de les creuser pour Halloween.

A Saint-Denis, juste à côté du géant américain de la restauration rapide, plus de trois hectares de terres sont encerclés par les tours d’immeubles. Cette ferme n’est pourtant pas nouvelle dans le quartier, elle existe depuis 1920. L’ancien propriétaire René Kersanté prend sa retraite et confie ses terres à Jeanne Crombez qui va remettre à flot l’exploitation qui connaissait quelques difficultés financières.

Cette jeune femme de 22 ans souhaite donner un nouvel élan au lieu : d’ici le printemps prochain, l’exploitation va devenir une ferme pédagogique. « Nous allons construire une serre de 450m² et faire venir des animaux : moutons, chèvres, poules, canards… »

Mais le but premier, c’est faire de la vente directe de légumes. Auparavant, René Kersanté vendait ses salades sur le marché de Saint-Denis et ce qui lui restait au supermarché Carrefour.

Jeanne Crombez veut désormais créer un lien direct à la ferme entre consommateur et producteur. Elle espère mettre en place « une boucle alimentaire locale ». Elle souhaite que les habitants mais également les commerçants et les restaurateurs du coin s’approvisionnent à la ferme.

La vente directe répond à une réelle demande des consommateurs. Le pari est quasiment gagné car cet été, du maïs doux et des citrouilles ont poussé et la vente à la ferme a été un véritable succès. « Ce sont principalement les habitants du quartiers qui ont acheté. Les gens venaient et revenaient chercher du maïs. Ils remplissaient des caddies entiers ! Ils sont très demandeurs. »

Jeanne Crombez et sa chienne Emeraude ont investi les lieux à la fin de l'été.
Jeanne Crombez et sa chienne Émeraude ont investi les lieux à la fin de l’été.

Un lien social pour les habitants de Saint-Denis

La mairie de Saint-Denis est propriétaire des terres. Elle soutient la création de ce lieu de vente local. Lors de l’achat, la municipalité a donc pris le soin d’inscrire les terres au plan local d’urbanisme pour les sécuriser et qu’elles ne soient pas vendu à un promoteur immobilier. « La mairie a à coeur que les habitants puissent manger des légumes à côté de chez eux. »

Cette vente en direct avec le producteur permet de créer un vrai lien humain avec les clients selon Jeanne. « On s’échange des recettes. J’ai une cliente qui m’a demandé si on avait des courges d’une variété spécifique car elles permettraient de maigrir. J’ai donc commandé des graines car je suis très curieuse de connaître ce légume » s’amuse la jeune femme.

Une production variée

Pour satisfaire au mieux les consommateurs, plusieurs variétés vont être plantées : oignons, choux, maïs doux, melon ou encore des pastèques. « Nous allons produire des variétés du XVIIIe et XIXe siècle. On veut également réintroduire des techniques agricoles de l’époque. La récolte se fera à la main. » Pour respecter l’objectif de produire local, les semences proviennent du nord et de l’ouest de la France. « C’est difficile de trouver des semences en Ile-de-France donc on se fournit au plus près. »

Pour l’entretien de ces légumes, ce sera sans produits phytosanitaires. Jeanne Crombez ne souhaite pas produire des légumes bio car c’est difficile d’avoir le label et les habitants à proximité n’ont pas le portefeuille adapté. « Cela ne sert à rien de consommer bio si cela vient d’Espagne. Sur les carottes bio, il y a quand même des produits phyto. Le but ici c’est de consommer ce qui a été cueilli le matin même. » Du champ à l’assiette du consommateur, le trajet doit être court.

Pour Jeanne Crombez, il est certain que les légumes de cette ferme aux portes de Paris ne risquent pas d’atterrir dans les hamburgers du McDonald’s… situé de l’autre côté de la rue.

Alice Pattyn et Elisa Centis

 

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Manger local, partout en France

De plus en plus de consommateurs achètent des produits du terroir directement auprès des producteurs, soit par internet soit en se rendant directement à la ferme. Un mode de consommation en vogue qui favorise une consommation et une économie locales. Selon le cabinet Natural Marketing Institute, « 71 % des Français préfèrent acheter des produits locaux« . Au niveau national, les initiatives de circuit court se multiplient. Elles répondent à une demande croissante des consommateurs : éviter les intermédiaires et connaitre la provenance des produits.

Depuis 2010, la Ruche qui dit oui ! s’implante partout en France et met en avant les producteurs de nos régions. Mon panier bio ou encore Chapeau de paille sont autant d’initiatives similaires, présentes sur l’ensemble de territoire.

Source : ministère de l’Agriculture

Si vous connaissez des producteurs qui vendent en circuit court près de chez vous, vous pouvez remplir ce formulaire pour compléter la carte ci-dessous. Nous vérifierons les informations envoyées.

Ambre Lepoivre et Lou Portelli

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