Jacques Le Goff est juriste, auteur de l’étude L’autoentreprise, les jeunes et l’avenir du travail, et professeur de Droit public à l’université de Bretagne Occidendale. Trois questions sur l’état du salariat en France.
De plus en plus d’entreprises fonctionnent uniquement avec des microentrepreneurs, comme Uber par exemple. Qu’est-ce que cette tendance révèle ?
Un brouillage des frontières entre les différents statuts. Ce n’est pas un phénomène récent : lorsque j’étais inspecteur du travail au début des années 1980, j’ai visité un chantier où les ouvriers avaient une carte d’artisan, ils n’étaient pas salariés mais indépendants. Pourtant, tous prenaient leurs ordres d’un chef d’équipe…
Comment voyez-vous l’avenir du marché du travail dans les 10 prochaines années ?
A mon sens, nous allons vers une reconfiguration du travail salarié : nous nous dirigeons vers une autonomie accrue du salarié et c’est là que les problèmes vont se poser. L’écart entre le statut pratique et le cadre juridique deviendra béant. Une certaine harmonisation sera nécessaire, et elle se fera peut-être par le travail indépendant.
Pensez-vous que la loi El Kohmri est de nature à faire évoluer le monde du travail dans ce sens ?
Il est impossible de savoir ce que sera la loi El Khomri : on peut penser qu’elle incitera les gens à devenir indépendants ou bien que l’assouplissement qu’elle propose sera de nature à préserver le statut de salarié. Je pencherais plutôt pour cette dernière hypothèse : davantage de flexibilité et plus de sécurité permettra de préserver le salariat.
Uber, coworking… L’indépendance c’est la liberté… ou la précarité