Le manque de spécialistes sur le sujet complique-t-il l’accès à la contraception testiculaire ? Pour Lucas Larue, c’est une évidence. En septembre 2021, quand il entreprend les premières démarches, il se rend chez son médecin de famille pour faire un premier spermogramme. Problème : sa docteure ne semble pas du tout renseignée sur le sujet. « C’est moi qui lui ai fourni toute la documentation », assure l’étudiant. « Elle m’a prescrit une ordonnance pour un spermogramme, mais m’a dit qu’elle ne pourrait pas me suivre ».
La démarche a été encore plus compliquée pour Bart Lazy lorsqu’il s’est rendu chez un urologue. « Il m’a dit que ce n’était pas à moi de me contracepter, que si les filles le faisaient, c’était bien pour une raison », raconte l’étudiant en communication.
Une fois le dispositif lancé, le problème du suivi médical est toujours présent. Florian Thomas a porté l’anneau pendant huit mois avant d’arrêter à cause, entre autres, de démangeaisons. « Je ne savais pas si je le portais bien, je devais regarder des vidéos », indique l’étudiant breton en kinésithérapie. Désormais, il aimerait recommencer à le porter, mais à une condition : être mieux suivi.
« Un désengagement de l’État dans la recherche » ?
Beaucoup d’utilisateurs de l’anneau apprennent par leurs propres moyens. Florian Rodrigues porte l’anneau depuis deux ans. Tous les trois mois, il fait un spermogramme, une démarche qu’il s’est imposée seul. Lorsqu’il a eu des soucis avec cette méthode contraceptive, après un an et demi d’utilisation, il a hésité à aller voir un urologue : « J’ai eu des problèmes pour uriner, j’ai changé de taille et le problème s’est finalement résorbé ». Aujourd’hui, le jeune rouennais n’est suivi par aucun spécialiste.
Son cas n’est pas isolé. Nombre de médecins ne sont pas informés sur le sujet. « Il faudrait que des institutions comme Santé publique France montrent l’efficacité de cette méthode ou l’absence d’effets secondaires », juge Mireille Le Guen, démographe. Or, cette spécialiste de l’évolution des pratiques contraceptives en France, estime qu’il y a « un désengagement de l’État dans la recherche ».
La dernière étude de Santé publique France sur la contraception date de 2016. Mireille Le Guen avance que « beaucoup de chercheurs travaillent sur des méthodes de contraception masculine, mais [que] la plupart du temps, ils manquent de financements ». De fait, « les industries pharmaceutiques n’ont pas intérêt à investir dans ce domaine car cela n’augmente pas leur chiffre d’affaires ».
Esseulées, les personnes qui veulent se contracepter doivent donc se confronter à un long processus. « Ça m’a pris entre quatre et cinq ans avant de faire un choix définitif », confie Bart Lazy. D’après lui, la contraception testiculaire s’apparente à un genre de « médecine parallèle ». Ne pouvant s’adresser au corps médical, ce Montpelliérain d’origine s’est tourné vers son entourage. L’un de ses amis lui a vendu un anneau thermique qu’il ne souhaitait plus porter en raison d’une contre-indication concernant sa fertilité. Cet anneau a un nom particulier : l’« andro-switch ». Son créateur ? Maxime Labrit.
« Je n’ai pas inventé la méthode, j’ai inventé un outil »
En 2007, l’infirmier à Toulouse commence à se questionner sur sa contraception. Sa compagne ne veut pas assurer cette charge seule ni utiliser des méthodes hormonales : « Ça ne me posait pas de problème, cela me semblait logique que ce soit partagé. » Maxime Labrit fait quelques recherches sur Internet et découvre la contraception thermique. « A l’époque, il n’y avait pas de tuto, c’était plus facile d’inventer un dispositif dans mon canapé », se rappelle le Toulousain.
Pendant plusieurs années, Maxime Labrit expérimente, transforme son garage en laboratoire, teste différents matériaux, comme la chambre à air. En 2018, il fait breveter un anneau : l’andro-switch. L’objet en silicone est commercialisé, vendu au prix de 37 euros en ligne. « Cela a été long, il a fallu chercher des financements. Toutes les portes se sont fermées. Personne ne connaissait la contraception masculine, donc personne ne voulait investir », assure-t-il. Il finit par s’auto-financer, et en quelques années, l’andro-switch trouve ses acheteurs : plus de 10 000 en deux ans, dans trente pays différents.
Mais en décembre 2021, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé suspend sa commercialisation. La raison : l’objet ne répond pas aux normes du marché européen. Maxime Labrit continue tout de même de fabriquer des anneaux pour aider des chercheurs. « Je n’ai pas inventé la méthode, j’ai inventé un outil », insiste-t-il. Outil que l’on peut justement fabriquer soi-même.