Risque juridique faible, moyen ou élevé, avant de participer à une action, les militants d’Extinction Rebellion doivent savoir à quoi ils s’exposent. Comme Youth For Climate, le mouvement prône la désobéissance civile non violente : commettre un délit, qui ne mène pas à la confrontation avec les forces de l’ordre et qui ne doit pas mettre en danger la vie de tierces personnes. La participation à certaines actions peut mener à la garde à vue, voire au procès. « Mais on en a très peu », explique Zachary*, à la vingtaine de personnes venues assister à une formation en désobéissance civile, le 7 mai, à Paris. Si sanctions il y a, les militants risquent, entre autres, de payer une amende ou d’effectuer des travaux d’intérêt général.
Accompagné de Nébula**, une autre militante, Zachary présente pendant une demi-journée les différents rôles qui composent une action. Parmi les plus exposés, il y a ceux de bloqueur et contact-police (pont entre les forces de l’ordre et les militants). Tous deux sont facilement identifiables par la police. « Le contact-police peut se faire embarquer rapidement si le policier en a marre de s’expliquer avec lui », développe Zachary. Le bloqueur quant à lui est statique et donc exposé aux tentatives de délogements.
« J’avais peur que ma participation à une action soit inscrite dans mon casier judiciaire »
Parmi les participants, il y a Romain*. Le jeune homme de 25 ans a rejoint le mouvement il y a six mois. Très engagé dans le mouvement, il préfère participer à des actions qui ont peu de risques juridiques, comme les campagnes anti-pubs. Il a toujours hésité à prendre le risque d’aller en garde à vue, pour des raisons professionnelles : « J’ai une formation en recherche et je suis amené à travailler dans la fonction publique, j’avais surtout peur que ma participation à une action soit inscrite dans mon casier judiciaire et soit visible par l’employeur », confie-t-il. Une précaution qu’il prend en plus de la protection de son identité.
Comme la plupart des militants, Romain utilise un pseudonyme et communique avec les autres uniquement via Signal, une application de messagerie. « C’est essentiellement pour éviter d’être identifiable, si jamais les forces de l’ordre lisent les conversations de l’un d’entre nous. Tout le monde peut s’inscrire aux formations en désobéissance civile, intégrer nos groupes sur Signal, y compris une personne qui fait partie des renseignements », ajoute-t-il.
Les mesures de sécurité vont également jusqu’à la non-divulgation du vrai lieu de rendez-vous, pour éviter que les forces de l’ordre ne soient prévenues. Seule une poignée de participants connaît l’adresse. Le jour J, l’un d’entre eux se charge d’aller chercher les autres militants à un point de rendez-vous pour ensuite les y conduire. Les téléphones sont par ailleurs mis de côté afin d’éviter que des informations sur l’action ne fuitent.
Désobéissance civile, quels risques sur le plan juridique ?
Avec un nombre d’actions en hausse depuis 2018 et la première grève étudiante pour le climat lancée par Greta Thunberg, les actes de désobéissance civile sont devenus un moyen privilégié, pour les militants écologistes, d’exprimer leur mécontentement. Si c’est une méthode de plus en plus utilisée, il n’existe aucune trace de la notion de « désobéissance civile » dans le droit français.
Si elle n’est pas un droit, la désobéissance civile n’est pourtant pas pénalement répréhensible, en tant que telle. Dans le code pénal, il n’existe pas de délit de « désobéissance civile ». Ce n’est donc pas juridiquement punissable. En résumé, il n’est pas possible d’être accusé, devant un tribunal, de « désobéissance civile ». Pourtant, les militants risquent des sanctions juridiques. L’association Attac met à disposition un « guide juridique pour les actions de désobéissance civile » dans lequel elle précise les risques encourus. Les actions se déroulant à plusieurs, les participants peuvent, par exemple être jugés pour attroupement « susceptible de troubler l’ordre public ». Une autre sanction qui est mise en avant par l’association est celle qui est encourue pour dégradations. Dans les deux cas, la peine maximale est de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Il existe d’autres délits comme l’entrave à la circulation ou l’intrusion dans une propriété privée telle qu’une entreprise. Dans le premier cas, la peine maximale est de deux ans d’emprisonnement et 4 500 euros d’amendes. Dans le premier cas, elle est d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Ce qui s’apparente le plus à la désobéissance civile est la notion d’état de nécessité. C’est une notion juridique qui consiste à autoriser une action illégale pour empêcher un dommage plus grave. Elle est ainsi décrite dans le code pénal : « N’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace. »
La liberté d’expression et l’état de nécessité pour se défendre
À l’été 2019, cinq militants écologistes décrochent le portrait du président de la République dans trois mairies du Gers. Ils font l’objet d’une comparution le 13 octobre, pour « vol en réunion » et « complicité de vol en réunion ». Pour leur défense, leurs avocats avancent deux arguments : l’état de nécessité et la liberté d’expression. C’est cette dernière qui est retenue par les magistrats. Les cinq accusés sont relaxés. Cette décision, prise au nom de la liberté d’expression, est une première en France. Finalement, les cinq « décrocheurs » sont condamnés en appel mais dispensés de peine. Si cette décision est inédite, elle n’a pas fait office de jurisprudence, la Cour de cassation confirmant, en 2022, la condamnation de douze « décrocheurs », estimant qu’ils ne pouvaient pas justifier leur action au nom de la liberté d’expression.