La régression peut être plaisante oui, mais à quel point ? Le confinement a été mal vécu par certains jeunes adultes. Car, qui dit retour dans le cocon familial, dit aussi retour à une certaine forme d’infantilisation de la part des parents. Ça a été le cas pour Adèle, 28 ans qui a passé deux mois dans l’Aveyron avec sa mère, son beau-père et sa petite-sœur. Pour la future ingénieure en structure, la famille est « une valeur sûre, un refuge » mais ça n’a pas toujours été facile de cohabiter, surtout avec sa sœur de 15 ans. « Je me suis sentie infantilisée. On m’a mise dans la catégorie “enfant”, avec ma petite sœur », explique la Parisienne. « Les enfants, mettez la table”, « étendez le linge », autant de demandes qu’elle n’avait plus envie d’entendre après 10 ans à habiter seule.
« Je me suis sentie infantilisée. On m’a mise dans la catégorie “enfant”, avec ma petite sœur », Adèle, 28 ans
Le psychiatre Stéphane Audiard reconnaît l’impossibilité à être adulte en cette période « il vaut mieux régresser et subir cette infantilisation », affirme-t-il. Plus facile à dire qu’à faire pour Axelle qui ne supportait pas que sa mère puisse lui dicter son emploi du temps « j’ai 24 ans mais ma mère continue à me dire « bon tu ne te couches pas trop tard ce soir, comme ça tu te réveilles tôt et tu reprends un bon rythme de vie… Non, je fais ce que je veux », lui rétorquait-elle.
Pour le Docteur Stéphane Audiard, l’infantilisation est logique de la part d’un père ou d’une mère puisqu’ils retrouvent leurs habitudes et leur rôle de parents. Antoine, 26 ans, a télé-travaillé pendant les deux mois du confinement. Une preuve de vie active qui a retenu ses parents de le voir comme un enfant… non sans quelques rechutes : « ça n’a pas empêché ma mère de me proposer un goûter à 17 heures alors que j’étais en pleine réunion ! », se rappelle Antoine dans un éclat de rire.
Logique aussi pour les jeunes d’endosser à nouveau son rôle d’enfant. Adrien, retourné chez ses parents dans le Gers, reconnaît sa part de responsabilité dans cette infantilisation : « Je râlais, j’avais des réactions d’ado… en fait je suis retombé dans le schéma de l’adolescence avec les mêmes conflits que j’avais avec mon père, par exemple ». Seule différence aujourd’hui : il parvient à se recadrer lui-même en cas de grosse tension.
Repas de famille : quand les opinions politiques font des étincelles
Beaucoup de ces jeunes ont quitté le nid familial au moment de leurs études supérieures. En France, l’âge moyen du départ du domicile s’élève à 19 ans. C’est aussi souvent le moment où ils se mettent à rejeter l’idéologie familiale, ou du moins à s’en éloigner. Si certaines discussions agitées avaient déjà lieu aux déjeuners le week-end, hors confinement, cette promiscuité semble avoir accentué les débats, voire même les clashs.
« J’ai pété un ou deux câbles car on a plus du tout les mêmes avis politiquement, surtout sur la façon de percevoir le monde. Ça frustre mes parents de ne pas pouvoir en discuter normalement avec moi car je remets en cause les termes du débat dès le début, en bon élève universitaire français que je suis », explique Basile, 24 ans, qui prépare les concours de l’Agrégation d’histoire et le Capes.
Les mauvais moments du confinement pour Victoria, qui a quitté Nevers pour étudier à Paris il y a cinq ans, ce sont justement ces débats, souvent à l’heure des repas « Nos conversations révélaient le fait qu’ils étaient vieux dans leur manière de penser, malgré le fait qu’ils soient de gauche et engagés ils ont des visions éloignées des miennes. On s’engueulait sur le féminisme, sur la bisexualité et sur l’idée du mariage et de la monogamie – moi je vois ça comme des restes d’une société patriarcale et machiste – et eux jugeaient ce que je disais », raconte la jeune étudiante en médiation culturelle.
Alors, comment éviter les tensions ? Anne Keff, thérapeute, conseille aux jeunes confinés de ne pas débattre sur des sujets trop controversés en temps de confinement. « Il faut arrêter de penser que ça serait intéressant pour les parents que vous (les jeunes, ndlr) puissiez leur apporter quelque chose ou que vous puissiez les changer. Vos parents n’ont rien demandé, vous n’allez pas les changer », suggère-t-elle.
Les débats en famille qui tournent mal, c’est un grand classique. Le confinement a pû agir comme un véritable détonateur, mais aussi faire renaître de vieilles tensions familiales. Axelle en a fait l’expérience. Les disputes le temps d’un week-end lorsqu’elle passait voir ses parents étaient sans conséquence, mais « le fait d’être tout le temps les uns sur les autres » a rendu la situation explosive. « Ces deux mois ont aggravé les choses avec mes parents », reconnaît-elle.