Ces interrogations scientifiques trouvent un écho chez certains responsables politiques. Depuis plusieurs années, des élus de l’opposition contestent la mise en œuvre de ces politiques de végétalisation en France. À Paris, la maire Anne Hidalgo est régulièrement attaquée sur son bilan dans l’aménagement urbain. Lors des élections municipales de 2020, Rachida Dati, candidate Les Républicains, dénonçait déjà « la maire qui a le plus bétonné Paris », en pointant notamment des aménagements jugés inadaptés face à la chaleur urbaine comme ceux de la place de la République, « très minérale ». « Vous ne pouvez pas la traverser en période de canicule », fustige alors l’actuelle ministre de la Culture sur RTL.
Le mouvement citoyen #SaccageParis, très actif sur les réseaux sociaux, fustige de son côté la dégradation esthétique de la capitale, s’en prenant notamment aux fosses végétalisées aux pieds des arbres qualifiées de « parcs à cochons ». En réponse, Emmanuel Grégoire, premier adjoint (PS) à la maire de Paris, a fini par reconnaître : « Nous n’aurons plus de fosses d’arbre à Paris (…) parce que ce n’est pas satisfaisant sur le plan esthétique », a déclaré l’adjoint. Avant d’ajouter : “nous reviendrons à un aménagement provisoire avec du pavage”, méthode “historique” à Paris.
Face aux critiques, la majorité municipale parisienne défend fermement ses choix. Anne Hidalgo assume une stratégie ambitieuse pour « adapter Paris au réchauffement climatique », avec un objectif de 170 000 arbres plantés sur son mandat. Pour David Belliard, adjoint EELV à la transformation de l’espace public, la végétalisation est « un levier fondamental de justice environnementale », soulignant que les quartiers populaires sont souvent les plus exposés aux îlots de chaleur.
Les oppositions politiques ne constituent pas le seul frein aux politiques vertes. Le coût des travaux et de la réorganisation de l’espace public oblige les municipalités à faire des choix et à penser durablement la végétalisation. Le budget alloué à ces postes de dépense est ponctionné ailleurs. Ainsi, chaque nouvelle infrastructure doit être vraiment nécessaire pour les habitants, ce qui limite les projets. Réduire la place de la voiture en piétonnisant des rues et plantant des arbres à des répercussions sur les commerçants et l’activité économique d’une ville. Pour ne pas faire mourir des commerces qui perdraient leur clientèle, certains élus font le choix de ne pas engager de travaux.
« Le cadre juridique cherche à faciliter le recours à la végétalisation »
Trois questions à Fouad Eddazi, docteur en droit public à l’Université d’Orléans.
À quand remontent les premières mentions de la végétalisation dans le droit de l’urbanisme ?
C’est assez récent. Pendant longtemps, le droit de l’urbanisme a été tourné vers la protection de l’existant, notamment des espaces boisés et des sites naturels. Ensuite, à travers la loi SRU de 2000, il a été utilisé pour freiner le développement urbain, notamment pour préserver les espaces naturels extérieurs aux zones urbaines. Le mot de « végétalisation » témoigne d’une évolution visant à mobiliser le droit de l’urbanisme pour créer un nouvel existant, donnant plus de place au végétal, au sein même des espaces urbains.
Aujourd’hui, comment la végétalisation est encadrée par le droit ?
L’accélérateur évident de la référence à la végétalisation dans le droit de l’urbanisme est la loi Climat et Résilience du 22 août 2021. Par exemple, cette loi introduit un article L. 152-5-1 du code de l’urbanisme, permettant à l’autorité compétente pour délivrer les autorisations d’urbanisme de déroger aux règles des plans locaux d’urbanisme relatives à la hauteur et à l’aspect extérieur des constructions afin d’autoriser l’installation de dispositifs de végétalisation des façades et des toitures en zones urbaines et à urbaniser.
Peut-on dire que la végétalisation est suffisamment encadrée par le droit en l’état ? Ou au contraire certains vides subsistent, bloquant cette pratique.
La végétalisation n’est pas, en soi, un objectif du droit de l’urbanisme. C’est un moyen d’atteindre les objectifs du droit de l’urbanisme fixés par le législateur et applicables aux collectivités publiques intervenant en matière d’urbanisme. En particulier, la végétalisation sert deux objectifs qui sont la protection des milieux naturels et la lutte contre le changement climatique. De fait, le cadre juridique cherche à faciliter le recours à cette solution, en particulier en permettant qu’il soit dérogé à des règles préexistantes pour développer la végétalisation.