Bertille van Elslande
Konbini a été placé sous mandat ad hoc en septembre 2020, signe que le média d’info-divertissement en ligne est en difficultés. Un temps roi des réseaux sociaux, Konbini a rapidement été détrôné par l’abondante concurrence des autres médias vidéo. Exemple révélateur d’un modèle qui ne semble aujourd’hui plus durable.
« Un ovni arrive en France ». Voilà ce que titre le journal Les Echos le 4 novembre 2013. Cet ovni, c’est BuzzFeed. Venu tout droit des Etats-Unis, le site d’info-divertissement doit son atypisme tout comme sa popularité, aux réseaux sociaux, qui lui servent de diffuseur.
La plateforme américaine publie ses articles sur Facebook, où elle booste ses audiences par des publications qui deviennent virales ; en août 2013, le site revendique 85 millions de visiteurs. Un modèle économique « innovant » et « rentable » financé par le « native advertising ». Cette forme de publicité consiste à écrire des articles sponsorisés et écrits par et pour des marques.
BuzzFeed, c’est ce qu’on appelle aujourd’hui, un « pure-player ». Ce néologisme n’apparaît dans le journal officiel qu’un an plus tard, en 2014. La traduction française « tout en ligne », qualifie alors de « pure-player », un « éditeur, en particulier un éditeur de presse, qui exerce son activité exclusivement dans l’internet, ou cette activité elle-même ».
Aujourd’hui, le néologisme est largement répandu. Et surtout en France. C’est ici que les premiers pure-players sont nés, et aussi, où on en compte le plus : le nombre de pure-players par habitant est le plus élevé en Europe. Leur credo : raconter l’actualité autrement et créer de nouveaux formats éditoriaux. « Les sites sont souvent spécialisés dans certaines niches d’information ou axés sur le journalisme citoyen », explique un rapport de l’Institut Reuters en 2010.
L’ovni n’en sera bientôt plus un. Au milieu de cette effervescence de sites d’info-divertissement, se dégage un pure-player en particulier : Konbini.
Konbini, c’est d’abord une agence de communication, qui créé du contenu pour des marques, fondée en 2008 par deux entrepreneurs, David Creuzot et Lucie Beudet. Mais en 2016, la société entame un virage journalistique, et commence à se présenter comme un média qui produit des articles, mais surtout des vidéos courtes et dynamiques au format carré, puis « vertical », adapté au smartphone. Sa marque de fabrique, c’est la la pop culture.
« L’une des belles réussites du web français. Les 15-25 ans en raffolent et les vidéos produites par Konbini (dans les formats Speech, Fast & Curious, Behind the News ) – interviews hypermontées d’artistes ou de politiques placés face caméra – irriguent régulièrement les réseaux sociaux. »
TéléObs, 10 janvier 2018
Le plus célèbre des formats : Fast & Curious. « Face caméra », stars et autres personnalités doivent choisir entre Papa et Maman, le wifi ou la wifi ou encore avoir trop chaud versus avoir trop froid. Les codes sont toujours les mêmes ; le “motion design” – graphisme animé – est accompagné d’une musique instrumentale rapide et un rythme dynamique donné grâce au montage « jump cut » (scène en plan fixe coupée au montage). La gestuelle est elle aussi très particulière ; les personnalités tapent une fois dans leurs mains avant chaque début d’interview.
L'interview Fast&Curious de la chanteuse Aya Nakamura
Avec ces formats, Konbini souhaite faire passer des messages de société de façon ludique avec un langage plus direct adressé à une communauté jeune qui regarde l’information sur son téléphone : les Millenials. En France, sept millions d’entre eux consultent le média, soit 50 % de couverture de cette cible.
« L’une des particularités de Konbini, c’est que nos contenus suscitent énormément de commentaires et de conversations sur les réseaux sociaux, révèle le directeur du média, Mathieu Marmouget. Parfois jusqu’à plusieurs dizaines de milliers. Nous avons créé une vraie communauté. »
Les pure-players ont tous un même but, en choisissant d’être diffusés sur les réseaux sociaux : capter l’audience là où elle se trouve massivement. En France, Facebook compte 31 millions d’utilisateurs tous les mois. Par jour, 200 à 300 000 utilisateurs “créent une actualité” sur la page Facebook de Konbini ; ils “aiment” une publication, y laissent un commentaire, répondent à une question, partagent ou mentionnent la page.
« Si nous nous sommes mis sur les réseaux sociaux, c’est avant tout pour une raison d’efficacité et d’économie. En postant nos contenus sur les réseaux sociaux, nous bénéficions déjà de très gros volumes de trafic »
Roger Coste, co-fondateur de Brut, média 100% vidéo et principal concurrent de Konbini.
Novembre 2017. BuzzFeed, selon Le Monde, serait « incapable d’atteindre ses objectifs en matière de croissance du chiffre d’affaire » et aurait « échaudé les investisseurs ». Le site licencie 100 personnes, 8% des effectifs aux Etats-Unis. Un an plus tard, le 30 août 2018, BuzzFeed France ferme ses portes, alors qu’il les avait ouvertes en grande pompe trois ans auparavant. Quatorze journalistes sont laissés sur le carreau.
Septembre 2020. Konbini se place sous mandat ad hoc. Après avoir ouvert des bureaux aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Suisse et au Nigéria, la plateforme semble entrer dans une zone de turbulences ; les adresses web de ses sites à l’étranger n’existent plus. En 2018, Konbini SAS avait perdu 4,7 millions d’euros, « terminant l’année avec des fonds propres négatifs de 2 millions d’euros ».
Comment ces sites ont-ils décollé si vite pour aussitôt s’endetter ? Les pure-players sont-ils des modèles durables ? En quoi, Konbini illustre-t-il la crise des médias gratuits en ligne, due aux paradoxes et à la volatilité des réseaux sociaux ?
Meetic, Kinder Bueno, EDF, en passant par Atol et Durex, Konbini est sponsorisé par plus d’une centaine de marques. Des partenariats souvent ponctuels excepté certains annonceurs, comme Coca-Cola qui sponsorisait la verticale « Football Stories » en 2017, ou encore des vidéos traitant des fêtes de Noël en 2019. La plateforme de video-à-la-demande Netflix fait également partie des partenariats au long terme et finance l’émission « Biiinge », où il est question de séries.
Alors que la publicité n’avait jamais vraiment gênée le lecteur dans les contenus rédactionnels en presse, télévision et radio, la situation s’est renversée avec le digital : « subitement la publicité est devenue un obstacle, surtout sur le mobile », explique Daniel Bô, auteur de Brand Content : comment les marques se transforment en médias. Aujourd’hui, le public n’a plus cette impression, car le format publicitaire – « native advertising » – utilisé par la plupart des médias en ligne imite les codes de contenu et s’insère dans la ligne éditoriale de manière fluide. Ainsi, la publicité paraît moins intrusive pour l’utilisateur, tout en ayant un impact plus fort pour les annonceurs.
Dans l’univers du « native advertising », il y a ce qu’on appelle « le brand content », le contenu de marques. Konbini, Brut, Vice et bien d’autres médias s’appuient majoritairement sur ce mode de rémunération pour faire vivre leur rédaction. Le contenu de marques, c’est de la publicité en forme de reportage. Ou comme les annonceurs aiment à dire ; un concept « créatif » de publicité. Plus simplement, du publi-reportage.
Cette forme de publicité – qui s’interdit de se définir comme tel -, va notamment permettre de contrer les 36% de Français qui utilisent un bloqueur de publicité (un sur deux chez les 16-24 ans). Ces logiciels traquent la publicité en ligne, or le brand content n’apparaît pas toujours comme du contenu publicitaire.
Pourtant, c’est bien de publicité dont on parle. Pour Louis Perrin, jeune entrepreneur qui vient de co-fonder un média 100% vidéo, Neo, le brand content est plus subtil que la publicité. « On ne fait pas de la promotion de produit. On demande au journaliste de porter un regard éditorial sur une réalité économique. », se défend-il. Convaincu que les marques sont en train de se transformer en médias, Louis Perrin poursuit : « Coca-Cola, Levis… ces marques prennent aujourd’hui des engagements sociétaux, elles font des tribunes, de la curation de contenu et les gens sont prêts à écouter leur discours. »
Louis Perrin n’a pas tort : une récente étude a établi un Top 10 des marques alimentaires qui génèrent le plus d’interactions sur Facebook et Instagram. Premiers dans le classement : Burger King et McDonald’s, ce dernier d’ailleurs client de Konbini.
« Le native advertising est le levier qui va permettre au contenu (brand content) d’exploser, d’aller toucher une audience très importante. C’est un format publicitaire intégré aux lignes éditoriales des grands sites médias »
stratégies.fr, 31 août 2018
Pour ne pas reproduire les erreurs des autres, Louis Perrin a bien étudié le modèle de Konbini. Aujourd’hui, il n’hésite pas à pointer du doigt, ce qui, selon lui, ne fonctionne pas sur le plan économique. Au sujet des partenariats avec les annonceurs, il donne un exemple : « Konbini va discuter avec dix annonceurs mais seulement deux d’entre eux vont signer. Les huit autres auront pris l’information. Le temps passé à démarcher ceux-là sera du temps et de l’argent perdu ».
Pour faire marcher son média, l’entrepreneur a donc décidé de factoriser les annonceurs avant la rencontre. Le but étant de réaliser un vrai travail de conseil. « Si la marque ne veut pas mettre en place de partenariat, au moins on est rémunéré sur toute une première partie de stratégie d’influence. Même les éléments de langage ont un prix », indique Louis Perrin.
Et oui, il faut bien compenser les coûts de production. Si ces derniers sont moins élevés que dans les médias traditionnels, ils ne sont pas négligeables, « élevés » même, chez Konbini, selon Louis Perrin. L’équipement pour produire de la vidéo est onéreux, même s’ils ne réalisent que peu de reportage. Mais la plus grosse dépense du média, selon Louis Perrin, c’est « l’endorsement ». Les célébrités en face camera viennent parfois promouvoir des marques. Sauf que ça coûte cher.
Pendant ce temps, d’autres pure-players comme Brut, « misent tout sur le « desk“ », explique Louis Perrin. Les sujets sont produits à la rédaction avec des images déjà préconçues. Contrairement à « l’endorsement », cette pratique nécessite très peu de fonds.
« L’endorsement » rapporte de l’argent aux marques et de l’audience à Konbini. Mais le site aura beau voir celle-ci augmenter, il pâtit toujours d’un modèle qui n’est pas suffisant en terme de revenus.
Pourquoi la croissance du chiffre d’affaire de la plupart des pure-players ralentit-elle constamment, alors que son audience augmente, à l’image de BuzzFeed il y a quelques années ou de Konbini aujourd’hui ? Ce ralentissement s’explique, entre autre, par deux boulimiques : Google et Facebook. Ces géants du web captent une part sans cesse plus élevée des revenus de pure-players tel que Konbini. « Google et Facebook croquent chaque année une plus grande part du gâteau de la publicité en ligne », écrit le journal Les Echos.
En 2019, le marché de la pub a connu sa meilleure performance depuis dix ans. Mais cette belle croissance – dans laquelle les moteurs de recherche ont pesé à hauteur de 46% et les réseaux sociaux à hauteur de 22% – a particulièrement profité aux mastodontes dont on a plus besoin d’évoquer les noms. A eux seuls, Google et Facebook trustent environ 70% du marché.
« La forte croissance dégagée l’an dernier n’a profité qu’à ces deux acteurs puisqu’ils ont capté 94% de la croissance. (…) Une fois de plus, c’est la publicité sur mobile qui a porté cette croissance. Les moteurs de recherche sur mobile, mais aussi la vidéo sur les réseaux sociaux consultés sur mobile ont été les segments de marché les plus dynamiques ».
Le Figaro, 31 janvier 2019
Alors comment contrer les mastodontes ? Certains pure-players ont choisi de diversifier leurs sources de revenu pour être moins dépendants des réseaux sociaux.
C’est le cas de “Simone Média“. Ce média d’information féminin 100% vidéo, diffusé sur les réseaux sociaux et gratuit, a décidé – en plus du contenu de marques – de planifier des événements payants pour sa communauté, annoncés sur les réseaux. Le média a par exemple organisé un Stand Up contre le harcèlement de rue en mars dernier, ou encore une « Orgasm Party » en novembre 2019. « Simone Média » a également une pastille – « Le secret amical » – dans l’émission télévisée de Michel Cymes « Ça ne sortira pas d’ici ».
S’affranchir du diktat des réseaux sociaux, c’est aussi le choix de Brut en ayant lancé un partenariat avec France Télévisions, à qui le média confie la commercialisation des espaces publicitaires de ses vidéos sur les réseaux sociaux.
Alors oui, Konbini compose aussi avec d’autres dispositifs, comme ce qu’on appelle la « marque blanche ». Le média produit des contenus pour des marques, uniquement diffusés du côté de l’annonceur. Konbini dispose aussi de tutoriels – “Level Up” – pour « passer à l’étape supérieure » ; faire son CV, monter sa boîte, négocier son salaire… le tout sponsorisé par BNP Paribas.
Tout cela reste néanmoins très commercial. Contrairement à d’autres médias, Konbini demeure à mi-chemin entre l’agence de pub et le site d’informations. Une caractéristique qui compromet sa ligne éditoriale.
Les journalistes chez Konbini écrivent-ils ou réalisent-ils des vidéos pour les marques ? Non, selon Grégoire Degruel, anciennement chef de projet Brand Content chez Konbini en 2017. « Pour les articles natifs, en partenariat avec les marques, la rédaction prenait des gens en freelance. Ils évitaient de mélanger cette partie-là avec les équipes internes à la rédaction. » Par contre, pour la vidéo, « il existait bien des équipes hybrides, concède le jeune homme. Les marques collaboraient avec les équipes en interne pour les verticales en partenariat avec Coca-Cola (« Football Stories »), Netflix (« Biiinge ») et Orange. »
La même année, en 2017 donc, le journal Le Monde diplomatique publie un article, dans lequel il accuse les sites d’info-divertissement de détruire “la proverbiale frontière” entre information et publicité, au nom de l’argent. Konbini est cité à plusieurs reprises ; une anonyme témoigne : « Les contrats, c’est Coca, Nike, etc. Ce qui me choque, c’est quand j’entends le service commercial dire à son client qu’un journaliste va s’en occuper ! » « Dans les sujets en partenariat avec Netflix, les séries de la plateforme étaient beaucoup mises en avant, raconte Grégoire Degruel. Mais je considère que les séries ne sont pas des thématiques propices à la polémique ».
« Jamais tu ne peux critiquer une série Netflix. Même pour « Marseille », pourtant une sacrée daube, on a dû trouver des subterfuges pour ne pas en dire de mal »
une journaliste, TéléObs, 11 janvier 2018
Coca-Cola fait également partie des censeurs, révèle Grégoire Degruel : « Une fois, la marque a refusé un article sur la place des femmes dans le foot et qui abordait le voile. Ils avaient mis un veto, mais c’était plus l’exception que la règle ».
« Pour la verticale foot, Coca veut une ligne « positive » et surtout aucun papier sur le contenu des matchs. (…) Un jour, on projetait de faire un papier sur les conditions de travail des ouvriers employés sur les chantiers de la Coupe du Monde 2022 au Qatar. Coca a fait annuler l’article. Ce n’était pas assez positif pour eux. »
une journaliste, TéléObs , 11 janvier 2018
Konbini est le seul média dans lequel Grégoire Degruel a travaillé. Il explique ne pas avoir ressenti de différence avec les métiers de la pub : « Dans l’état d’esprit qui se dégage de cette société, c’est assez similaire avec les métiers créatifs du commerce et de la pub, alors qu’à la base c’est un média ». Le jeune homme compare son expérience avec ce qu’il a pu observer (de loin) chez Brut, principal concurrent de Konbini : « Chez Brut, l’angle va vraiment avoir un lien avec les problématiques actuelles. Leur approche est plus neutre et donc plus sincère. Alors que Konbini, à cause de leur angle créatif et leur tonalité très particulière, vont essayer de trouver un sujet qui va servir de passerelle entre Konbini et la marque. Comme ce ne sera pas aligné avec les enjeux actuels, ça paraîtra plus alambiqué et donc plus masqué. »
Après la pluie de critiques qui s’est abattue sur Konbini en 2017, le média opère un tournant. En 2018, le journaliste Hugo Clément débauche de l’émission « Quotidien » et rejoint la rédaction de Konbini. Il lance une nouvelle chaîne : Konbini News sera dédiée au reportage et à l’information générale.
« C’est aussi l’un des signes que la plateforme cherche à se diversifier et, sans doute aussi, à se crédibiliser. Accusée en août dernier par Le Monde Diplomatique de demander à ses journalistes de « mettre leur éthique de côté » pour faire du clic, la direction de Konbini veut désormais, selon une source de L’Express, se focaliser davantage sur l’information. »
L’Express, 21 novembre 2017
L’une des premières vidéos d’Hugo Clément fait un carton : un reportage de quinze minutes en Sibérie dans le village le plus froid du monde est vue près de trois millions de fois sur Youtube. La vidéo se hisse aujourd’hui dans le top 10 des vidéos les plus regardées du média.
Mais l’audience ne restera pas. Malgré un nouvel élan et une indépendance éditoriale explicite, les vidéos d’Hugo Clément – du moins sur Youtube – ne feront que peu de vues. Les trois reportages les plus regardés sur le site d’hébergement de vidéos ont certes été produits par Hugo Clément, mais la majorité de ses reportages figurent très bas dans le classement. En moyenne, les vidéos d’Hugo Clément font 176 000 vues, tandis que la moyenne générale de Konbini News est à environ 267 000.
Alors pourquoi ses vidéos ne prennent-elles pas ? Tout d’abord, Hugo Clément n’a pas la cote. Il n’a même pas commencé chez Konbini, que les critiques fusent déjà. A commencer par ce portrait dans « Libération » pas très flatteur : « Hugo Clément, je en réseaux », titre le journal le 3 janvier 2018.
« Hugo Clément est désormais à Konbini, site populaire chez les 18-25 ans, plus connu pour ses courts articles sur les séries et ses vidéos pop sponsorisées par des marques comme Coca-Cola que pour ses longues enquêtes. »
Libération, 3 janvier 2018
Auprès de L’Express, Hugo Clément laissera pourtant vite entendre qu’il n’y aura pas de contenu sponsorisé mais seulement « de la publicité comme sur d’autres sites d’actualité ». Mais Libération révèle qu’il avait accepté, quelques mois auparavant, de poser pour une petite marque de vêtement, « brisant la ligne Maginot érigée entre le journalisme et le sponsoring ». De quoi faire monter la mayonnaise, alors que Konbini est déjà sous le feu des projecteurs sur ce plan-là. Arrêt de mort du journaliste surnommé « Ego Clément » chez Bangumi – la boîte de production de Quotidien -, signé Libération.
Libération insiste : le « modèle de Tintin reporter progressiste » ne prendrait finalement aucune position sur rien, « à part sur la viande » et refuserait de dire pour qui il a voté en 2017. Et le journal de conclure : « dans le fond, Hugo Clément est très macroniste ». Ça tombe bien, Konbini l’est aussi, rappellent-ils. « Le média est proche de l’Elysée ». En cause : Gaspard Gantzer, qui conseille le média, est aussi le chargé de communication de François Hollande, et la directrice de communication de Konbini, fréquentait, un temps, le Parti Socialiste et les cabinets ministériels.
Les critiques ne s’arrêtent pas, et prennent même en intensité. Un an plus tard, le média est accusé de « séduire les jeunes » en « jouant sur l’engagement ». C’est le journal Le Figaro qui s’y attaque cette fois-ci. L’engagement chez Konbini serait même une « marque de fabrique ». Le quotidien incrimine les reportages « dénonçant le mauvais traitement des animaux, l’homophobie ou les ravages du réchauffement climatique. » Ceux d’Hugo Clément, donc.
Konbini News a, en effet, ses sujets de prédilection : le féminisme surtout, suivi de la cause animale, des témoignages de victimes d’homophobie, et des reportages sur les violences policières. Mais n’est-ce pas le choix du média, que de vouloir traiter des sujets sur les minorités ? Dans une interview consacrée au magazine Téléloisirs, Hugo Clément assume ses prises de position :
« Je n’ai aucun mal à dire que je défends le droit à l’avortement ou la lutte pour le climat. Je trouve ça plutôt sain de ne pas hésiter, parfois, même en étant journaliste, à donner son avis sur des sujets. Après tout, on est des êtres humains (…) Personne n’est objectif, ça n’existe pas ».
Ce n’est plus une tempête, mais un véritable ouragan de polémiques. Deux mois après les propos à charge du Figaro, son confrère, le journal Marianne se joint à la déferlante. Et n’y va pas de main morte. À commencer par le titre : « Suicide, homicide, stérilisation… mais pourquoi Brut, Konbini & Cie sont-ils si morbides ? ». Marianne pointe du doigt les sujets « no future », qui seraient à la « mode ». « Ligne éditoriale commune : pendons-nous haut et court », se moque le canard.
En ligne de mire, trois interviews, menées par Hugo Clément. Une première sur le suicide assisté – « Jacqueline est heureuse mais veut mourir » -, un format Speech d’Anne Ratier – « J’ai offert la mort à mon fils » (tétraplégique), et pour finir, un entretien avec Sereb qui a fait une vasectomie pour limiter son impact sur l’environnement – « la stérilisation par conviction écologique ».
Jacqueline est visionnée sur Youtube un millions de fois. Mais c’est Anne Ratier, qui semble déchaîner les passions. Jusqu’à faire réagir la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées Sophie Cluzel, « profondément choquée » et jugeant la vidéo « déroutante », néanmoins interpellée par l’isolement d’Anne Ratier à l’époque des faits.
« Votre confrère (Hugo Clément) joue un mauvais rôle dans cette affaire. Il faut analyser, tenter de relier un acte avec un environnement. Là, on est dans l’excès émotionnel, le choc. Il y a quelque chose qui me semble presque malsain ».
Régis Aubry, professeur de médecine au CHRU, L’Express, 7 mars 2019
Hugo Clément répond aux critiques ; selon lui ce témoignage « briserait un tabou », et « apporterait un éclairage sur le droit à la vie et le droit de mourir dans la dignité ». Et puis sur Twitter : « Cette dame ne prône pas l’assassinat des handicapés. Elle explique pourquoi elle a tué son fils tétraplégique et au cerveau détruit. Il s’agit là d’un meurtre avec préméditation. Elle l’assume. Ça peut être choquant, mais ce n’est pas un appel à l’assassinat. »
« Nous sommes exactement dans ce que nous voulons représenter. Un média en lien direct avec son public qui va au-delà du like and share », avait souligné dans Le Figaro, Mathieu Marmouget, directeur de Konbini, à propos de supposées thématiques fortement “engagées”.
Dans « Journalisme mobile : usages informationnels stratégies éditoriales et pratiques journalistiques », Nathalie Pignard-Cheynel et Lara van Dievoet, respectivement professeure et docteure en sciences de l’information et de la communication, expliquent que les vidéos sociales produites par les pure-players de la nouvelle génération privilégient ces problématiques d’« engagement » car elles favoriseraient une identification du public avec une morale du type : « Si elle ou lui l’a fait, vous pouvez également le faire »
Pour le sociologue Jean-Marie Charon, ce positionnement « engagé » des pure-players est, au contraire, stratégique. Ces jeunes médias auraient une « obligation de performance » pour pouvoir se démarquer, dans un monde très concurrentiel que sont les contenus sur les réseaux sociaux, principal terrain d’expression des pure-players.
Car la référence aux médias comme institution disparaît. On ne peut plus parler de « brand loyalty », de fidélité à la marque, comme ce peut encore être le cas avec la télévision, la radio ou la presse. Alors il faut se démarquer autrement. Plus exactement, il s’agit de « choquer pour être vu ».
Les 10 sujets Konbini News les plus regardés sur Youtube :
Sur les réseaux sociaux, il y a une véritable « quête » de l’émotion, notent Nathalie Pignard-Cheynel et Lara van Dievoet. En effet, dans les dix vidéos les plus vues de Konbini News, on retrouve des interviews tels que le témoignage d’une victime de violences policières ou encore celui d’une victime de viol, mais aussi des reportages plus atypiques, comme celui sur Alicia qui « vit dans la forêt depuis deux ans ». « Les messages positifs se partagent mieux que les messages négatifs, développent les deux chercheuses. Les émotions de haute intensité – comme la surprise, la crainte et la joie – sont les plus susceptibles de susciter le partage. »
Les sujets Konbini News, ayant suscité le plus de « like » sur Youtube :
1. Les Incels – ces hommes qui veulent détruire les femmes
2. Tabassé par la police lors d’une manif, il perd 9 dents
3. Elle est l’unique survivante d’un crash d’avion : elle raconte
Tout se joue donc sur l’émotion, qui va ramener les audiences. Car le choix est vaste et les plateformes de distribution doivent se démarquer. « Leurs perspectives économiques ne se jouent pas dans l’abonnement, rappelle Jean-Marie Charon, puisque tous leurs contenus resteront gratuits. »
Si Konbini News a donné un nouvel élan au média, il semble effacé par ses concurrents, et les autres émissions de la chaîne, qui font davantage de vues. Le célèbre Fast & Curious continue à détrôner, en terme d’audience, la chaîne créée par Hugo Clément. Ce dernier étant parti depuis, pour revenir à la case télévision.
Konbini semble surtout apprécié pour ses sujets pop-culture, son identité de départ. Dans les dix vidéos les plus populaires du média en général, sept parlent de rap français et deux de pop. Or, d’autres pure-players vidéos sont maintenant exclusivement spécialisés dans le rap, tels que « Yard« , « Views« , ou encore « Interlude ».
Sans compter les nombreux autres concurrents qui se multiplient à une vitesse folle. La compétition se joue aussi face aux chaînes de télévisions – « francetvslash », Arte, BFMTV -, ou encore face à la presse – Le Monde, New York Times – très actifs sur les réseaux sociaux et qui disposent déjà d’une communauté. Par ailleurs, de plus en plus de pure-players particulièrement pointus se lancent sur les réseaux ; « Simone Média » (féminisme), « MAD » (mode), « Period » (féminisme), « Fraîches » (féminisme). Enfin, il existe également des comptes Instagram qui divulguent exclusivement du « live » (publications en direct) comme echobanlieue, et qui eux aussi, du fait de leur spécialisation, touchent une audience considérable.
« Konbini n’est pas assez distinctif. C’est un média trop neutre pour se distinguer sur le marché. Ce format, face-caméra avec du sous-titrage ; ce qui était original au départ, est devenu standard. Tous les médias le font, y compris des internautes lambdas. (…) Il faudrait qu’ils aient un vrai choix éditorial. Mais se renouveler prend du temps, car il faut penser à de nouveaux modèles de production, or le temps, c’est de l’argent. »
Valérie Jeanne-Perrier, chercheuse en sociologie des médias.
Les modes de consommations diffèrent non seulement d’un média à un autre mais les utilisateurs changent aussi de réseau social, en fonction d’effets de mode et d’habitudes de consommation. La génération Y (25-34 ans) et la génération Z (18-24 ans), auxquelles s’adresse Konbini, ont un mode de consommation bien plus complexe que leurs aînés.
Pour la consommation d’informations, Facebook reste l’application privilégiée pour 48% des 18-24 ans et 52% des 25-34 ans, suivi de Youtube, Instagram et Whatsapp. Cependant, les jeunes ont tendance à quitter Facebook pour se rendre sur Instagram ou Snapchat : sans prendre en compte l’accès aux news, Instagram est l’application la plus installée sur les smartphones. Cette année, Instagram est le réseau social dont le temps d’utilisation a le plus augmenté avec 25 points de progression. Youtube a gagné 24 points, et Facebook en a perdu un.
Facebook perd donc en notoriété auprès des jeunes. Or Konbini est encore très actif sur la plateforme. Quant à Snapchat – où Konbini a beaucoup investi – il a perdu 19 points.
Si Facebook est déserté par les jeunes, il ne l’est pas par les seniors, qui sont de plus en plus nombreux à ouvrir un compte. Au lieu de miser sur les jeunes, comme tous les pure-players, Louis Perrin a décidé de se concentrer sur un public plus âgé, en lançant son média vidéo, Neo, principalement sur Facebook. « Il y a des matières d’audience à craquer sur ce réseau », explique le jeune homme. Facebook, aujourd’hui, c’est un réseau social pour responsable d’achat. Mme Michu, maintenant, elle est sur Facebook. En plus, elle ne sait pas faire de tri donc elle partage tout et crée de la viralité. »
Pendant ce temps, les autres pure-players, axés sur les tranches d’âges les plus jeunes, doivent constamment s’adapter. Jusqu’à produire des formats spécifiques pour chaque plateforme et en fonction de son public. Chez Brut, le message est clair : « On va là où est l’audience », confirme Nicolas Davila, responsable du pôle stories Insta, Snapchat et… Tik Tok!
Au départ, l’application était surtout réputée pour ses challenges viraux de danse réalisés sur du « playback ». L’application Tik Tok, développée par l’entreprise chinoise Bytedance, s’est aujourd’hui généralisée à tous les contenus. L’audience est au rendez-vous et le public est jeune : sur les plus de 800 millions d’utilisateurs, 57% ont entre 13 et 24 ans. L’occasion pour les médias de rajeunir leur image, mais aussi de s’adapter. Car Tik Tok, c’est le règne du format vertical.
Les codes de l’application sont très différents des autres réseaux sociaux, auxquels les médias se sont habitués. Plusieurs plateformes françaises se sont déjà lancées sur Tik Tok. C’est le cas de Konbini et Brut, mais aussi de médias plus généralistes tels que Le Figaro ou Le Monde. Mais pas facile d’adopter ces codes inhabituels : sur Tik Tok, l’utilisateur fait défiler les publications très rapidement ; il faut donc vite l’accrocher – davantage que sur Facebook et Instagram. Les sous-titres, ne figurent plus systématiquement en bas, mais peuvent apparaître partout sur l’image.
Konbini a développé quelques nouveaux formats, exclusivement adaptés à Tik Tok. Une sorte de « Scrabble », notamment, où l’invité doit donner un mot pour chaque lettre de son nom. Dans un autre format d’interview, la personnalité doit retourner virtuellement des cartes figurant au dessus d’elle, celles-ci comportant des questions. Des modèles simples et courts, où l’information est réduite par rapport aux autres réseaux sociaux. Par ailleurs, Konbini n’a pas choisi de jouer sur la musique, le montage et l’humour, qui restent les principaux codes de l’application.
Interview Konbini de Louane, sur Tik Tok
« S’adapter demande un travail de réécriture, explique Valérie Jeanne-Pierrer, chercheuse en sociologie des médias. Il faut trouver des personnalités qui sont en mesure de relayer le message et qui connaissent les codes. Quitte à devenir des médias à la place des médias. » Ce choix, c’est celui du journal américain The Washington Post. Âgé de 142 ans, ce média est l’un des premier à avoir créé un compte sur Tik Tok en misant notamment sur l’humour. Ses vidéos sont incarnées par le journaliste Dave Jorgenson. Ce dernier utilise les codes de l’application en reprenant des challenges et des chansons mises en avant sur la plateforme pour parler d’actualité ou encore du monde du journalisme, en dévoilant par exemple, les coulisses de la rédaction.
Le Washington Post sur Tik Tok
« Souvent, celui qui arrive en premier sur un réseau social, propose une idée par rapport à un mode d’expression d’un espace. Sur Tik Tok, c’est encore une autre façon de créer le lien entre le média et le lecteur, c’est un mode relationnel encore plus particulier proche de la messagerie par la vidéo. »
Valérie Jeanne-Perrier
Le Washington Post compte déjà plus de 775 000 abonnés sur son compte Tik Tok. À titre de comparaison, Konbini est suivi par environ 295 000 utilisateurs et d’autres pure-players français comme « hugodecrypte » – chaîne du journaliste et ancien Youtuber Hugo Travers – très suivi sur les réseaux sociaux – compte presque 290 000 followers.
Réussir à bâtir un lien avec l’utilisateur est un vrai défi, la jeunesse présente sur les réseaux sociaux étant particulièrement consciente des lois du web : algorithmes, marketing de contenu, publicité ou encore fake news.
De plus, contrairement à ce que l’on pourrait penser, la grande majorité des jeunes adultes préfèrent se renseigner sur l’actualité au format écrit. La vidéo n’est donc pas le moyen le plus sûr d’engager cette audience.
Par ailleurs, le rapport de l’année 2019 de l’Institut Reuters, révèle que les jeunes n’apprécient pas le ton utilisé par les « chabots », les messageries de conversation utilisés par les médias pour relayer l’actualité. Ils considèrent ce ton comme trop familier. Or, Konbini utilise justement un ton très familier dans ses vidéos.
« Habituées à des services personnalisés par des algorithmes, ces générations n’ont pas envie de travailler dur pour obtenir l’information souhaitée. Les médias doivent être amusants et faciles d’accès, mais ils doivent aussi présenter une ligne éditoriale authentique, juste et pleine de sens. »
L’ADN, 25 juin 2019
Cette affirmation s’oppose cependant au manque de fidélisation des lecteurs pour une source d’information. La fidélisation à une marque, à un média, est beaucoup plus faible sur les réseaux sociaux que dans les journaux hors ligne.
De plus, les jeunes sont également très conscients de la virulence des fake news. « Contrairement à ce que l’on pense, les jeunes ne se font pas avoir par les fake news », explique Jean-Marie Charon. Les études montrent que ceux qui se font le plus leurrer, sont les personnes âgées. » Lors des élections aux présidentielles des Etats-Unis en 2016, les plus de 65 ans ont diffusé sept fois plus de fausses nouvelles sur Facebook, que les jeunes de 18 à 29 ans.
Le plus gros défi reste celui des jeunes qui ne lisent aucune actualité, ou que très irrégulièrement. En France, seulement 10% des 18-24 ans lisent le journal au quotidien : c’est presque moitié moins qu’il y a une décennie.
Enfin, l’audience sur le web n’est pas un indicateur, puisque les durées de consultation sont bien plus courtes que sur papier. Trouver des moyens d’atteindre et de monétiser des audiences sur les réseaux sociaux, semble pourtant être l’objectif principal de Konbini et des pure-players en général, et cela, semble-t-il, au détriment de l’information.
Que va devenir Konbini ? Suite au placement en mandat ad hoc en septembre 2020, le capital social du média a augmenté de 100 000 euros en octobre. À la fin du mois, Konbini annonçait aussi le lancement d’une mini-série documentaire sur les fruits et légumes en partenariat avec Aprifel, l’Agence pour la Recherche et l’Information. Un projet qui repose encore et toujours sur la participation de personnalités publiques, et donc le modèle de « l’endorsement ».
Konbini va-t-il diversifier ses sources de revenus ou continuer à se nourrir du brand content ? Son confrère Brut est susceptible de proposer un site payant de vidéo-à-la-demande illimité par abonnement, qui pourrait s’appeler Brut X. Le service visera toujours les 18-34 ans avec des thématiques fidèles aux valeurs du média : féminisme, minorités, environnement.
Il y a quelques années, BuzzFeed a pris un chemin similaire, en développant une activité de production de séries pour le compte de clients tiers. Le média américain a aussi capitalisé sur la plateforme culinaire Tasty.
Un pure-player qui survit est-il un pure-player qui diversifie ses revenus en s’affranchissant du brand content ? Malgré tout, les médias gratuits restent indispensables car ils permettent aux jeunes d’accéder à de l’information gratuite de manière simple. Mais le brand content peut influer sur l’éditorial et entacher les valeurs journalistiques.
Si les réseaux sociaux offrent aux pure-players, la possibilité de demeurer gratuits et leur permet d’accéder à un public porteur de viralité, ainsi que d’utiliser une multitude de formats, ils sont aussi un enfer ; les algorithmes changent et empêchent parfois la viralité comme sur Facebook. De plus, la concurrence est rude et les plateformes – Facebook, Youtube, Instagram – s’approprient une partie des profits.
Le pure-player doit constamment s’adapter. S’adapter à une volatilité due aux plateformes et au public. Cela suppose de diversifier ses revenus, et de multiplier les formats.
Mais avant tout, il s’agit de créer de l’information de qualité. Konbini News est un projet intéressant mais la figure d’Hugo Clément semble avoir compromis la vision du média.
Les pure-players sont responsables d’un public majoritairement jeune, mais également d’un public plus âgé qui connaît moins bien les codes du web et relaye les fake news. Somme toute, l’information prime, surtout lorsqu’on observe que le public jeune, préfère, lui aussi, le texte à la video.
La sociologue Julia Cagé montre qu’il existe trois illusions. Celle de la publicité d’abord : si elle est source de revenu, elle se détourne de plus en plus des médias. Ensuite, l’illusion de la concurrence : trop de concurrence a pour effet une diminution de la taille des rédactions et une difficulté à trouver des lecteurs. Or, les pure-players sont aujourd’hui trop nombreux et peinent à trouver des fidèles. Enfin, l’illusion des audiences. Car même si celles-ci s’étendent à l’infini, elles ne garantissent pas l’équilibre du média.
« “l’information est en danger“. Elle n’est pas tant menacée par l’hypothétique (ou prochaine, selon le point de vue) mort du papier, car “l’important n’est pas le support, c’est le contenu“. »
Julia Cagé cité par Loïc Ballarini
Bertille van Elslande