Alors, pour face à ce désastre environnemental, “dont le nettoyage coûterait entre 3 et 5 millions d’euros”, Alban Bernard et les “amis de la plaine” ont décidé d’agir à leur échelle en organisant des opérations de nettoyage. En septembre 2018, à l’occasion du World CleanUp Day, la Journée mondiale de nettoyage de notre planète, il réunit 70 bénévoles. “En quatre heures, nous avons ramassé 3,5 tonnes de déchets”, se souvient-il. Idem en février dernier : il se réunit avec huit bénévoles pour un “clean up”. En une heure, ils nettoient 250 kg de détritus.
Mais ce genre d’opérations peut s’avérer compliquées. Anthony Effroy, de l’association Rive de Seine Nature Environnement, raconte les difficultés rencontrées avec le maire de Carrières-sous-Poissy, Christophe Delrieu. “Le 15 septembre, on avait prévu de faire une opération de dépollution sur une parcelle. On était autorisé à intervenir par le propriétaire. Des entreprises s’étaient proposées pour nous mettre à disposition des moyens humains et matériels. La veille de cette opération, le maire a signé un arrêté d’interdiction de circulation des piétons. Le lendemain, la police était présente sur le site pour en interdire l’accès.” Avec six autres militants, il est verbalisé par les forces de l’ordre et écope d’un rappel à la loi. Anthony Effroy est militant écologiste, mais également élu de l’opposition. Il accuse donc l’arrêté municipal d’être en réalité un “acte politique”.
Pour Thierry Dornberger, président de l’ASAEECC, l’Associations de soutien des activités économiques, de l’emploi et des consommateurs à Carrières, la mairie n’a pas pris suffisamment de mesures pour venir à bout de la décharge : “pour moi, les pouvoirs publics ne se sont pas préoccupés de ce qu’il se passe sur cette plaine… Ce fléau aurait pu être évité si le lieu avait été sécurisé bien en avance”. Et d’ajouter : “Le travail que nous avons fait, nous, associations, a été important. Nos revendications sont remontées au plus haut de l’État. Mais pour le nettoyage, les associations n’ont pas la main mise et n’ont pas de rôle décisionnaire”, regrette-t-il.
Contacté, le maire Christophe Delrieu n’a pas souhaité répondre à nos questions, mais nous a communiqué une série de documents qui résument les actions menées par la Ville. Ces actions s’inscrivent dans le cadre du projet “Coeur Vert”, qui vise à “revitaliser et redynamiser” la zone. Dans un communiqué de février 2018, le maire rappelle son engagement en faveur du nettoyage de la plaine : “tous les Carriérois peuvent être assurés de mon engagement sans relâche pour rétablir dans cette plaine une sécurité sanitaire et un cadre de vie protégé”. Une promesse qui ne rassure pas forcément les habitants. Le maire évoque également les difficultés financières qui ralentissent l’aboutissement du projet : “les principaux obstacles restent le cadre réglementaire de l’intervention institutionnelle et le financement du nettoiement du site, dont le coût est évalué à 1 million d’euros environ. Il est impossible pour la Ville ou la Communauté urbaine d’assumer, seules, cette dépense”, précise-t-il.
Le projet “Cœur Vert” pour reconquérir la plaine
L’épandage des eaux usées de Paris, qui ont contaminé le sol avec des métaux lourds, ainsi que les tas de déchets déposés de manière illégale au fil des années ont fortement pollué la plaine. Pour venir à bout de cette pollution, plusieurs acteurs, dont la mairie de Carrières-sous-Poissy et la communauté urbaine Grand Paris Seine & Oise, ont initié en 2012 un projet baptisé “Cœur Vert”.
Ce projet de reconquête de la plaine vise à “revitaliser et redynamiser” la zone, précise la mairie. Les objectifs sont multiples : un partenariat avec le lycée horticole et agricole de Saint-Germain-en-Laye, des chantiers d’insertion, des cultures hors sol ou encore une ferme photovoltaïque.
Depuis 2014, une plante appelée le miscanthus est cultivée sur une cinquantaine d’hectares. “Cette plante a la capacité d’absorber les métaux lourds présents dans les sols et de présenter un rendement en biomasse suffisant pour servir de combustible ou de matériau isolant”, expliquait Philippe Tautou, président de la communauté urbaine, en 2014.
Dernière avancée du dossier : la communauté urbaine vient de désigner un aménageur, l’Établissement public d’aménagement du Mantois Seine aval (Epamsa), pour plancher sur ce projet. Son objectif est de définir un projet global d’aménagement, avec des solutions pour enlever les déchets et pour implanter des activités dans la plaine.