Les macronistes font leur porte-à-porte pour l’Europe

Fanny Guyomard

Les macronistes font leur porte-à-porte pour l’Europe

Les macronistes font leur porte-à-porte pour l’Europe

Fanny Guyomard
Photos : Fanny Guyomard
11 avril 2018
Reportage

Toc toc toc, « qu’est-ce qui ne marche pas, selon vous, en Europe ? » Depuis samedi, les militants du parti d’Emmanuel Macron sont lancés pour cinq semaines de campagne pour l’Europe. Le principe ? Faire du porte-à-porte pour recueillir les avis des citoyens sur l’Union européenne. Les questionnaires récoltés seront centralisés pour préparer le programme en vue des élections de mai 2019.

Nous avons suivi deux militantes de La République en Marche, dans le 5e arrondissement parisien.

Rendez-vous à 16 h, à la Brasserie Balzar, Rue des Ecoles. Sur le site de La République en marche, les directives sont précises : d’abord, briefing des troupes, puis distribution des feuilles de route, répartition des secteurs, et retour à 18 heures pour faire le point. C’est clair, efficace.

Ce mardi, deux marcheuses sont au rendez-vous. C’est le minimum requis, car les bénévoles ne doivent jamais être seuls, « en cas d’agression », expliquent-elles.

« Samedi, pour le lancement, on était une centaine, et on a frappé à 300 portes », assure Isabelle Donnay, qui a lancé bénévolement un comité Port-Royal pour LREM en juin 2017. Elle mise sur des opérations « coup de poing ». C’est-à-dire la venue de ministres, comme Marlène Schiappa, samedi, pour le lancement de l’événement.

C’est Isabelle Donnay qui coordonne les Grandes Marches pour l’Europe de son secteur. « J’ai toujours été pro-européenne. J’ai toujours voyagé ». Diplômée en tourisme, elle a travaillé pour une agence de voyage, puis à l’institut Jacques Delors, un groupe de réflexion sur l’Europe, qui conseille notamment les dirigeants de l’Union. La quinquagénaire a récemment obtenu un master « management des organisations », dont le mémoire portait sur… Macron, et la manière dont il a construit son image pendant sa campagne présidentielle. Elle souhaite décrocher un poste comme Chargée d’affaires au G7, dont la France assurera la présidence en 2019.

Ce mardi 11 avril, c’est le troisième rendez-vous de la Grande marche pour l’Europe. Le comité compte se réunir 5 à 6 fois par semaine, pour 5 semaines de campagne.

« On n’est pas en campagne, corrige la militante : on est en écoute active. » Les marcheurs ont comme seule mission de recueillir les avis des habitants sur l’Europe. Leur opinion sera à la base du programme de LREM pour les élections du Parlement européen, en mai 2019.

Mais Isabelle Donnay n’exclut pas les débats. Et si les discussions dépassent la question européenne, la militante invite ses interlocuteurs à écrire au Parti. « Certains nous disent que la politique d’Emmanuel Macron n’est pas assez sociale. On fait remonter « , informe-t-elle.

Pour cette « écoute active », La République en marche réitère sa méthode de la campagne présidentielle : le porte-à-porte. « On aurait pu envoyer des mails dans notre base de données, mais on n’aurait pas touché les gens qu’on ne connaît pas. Notamment ceux qui n’ont pas internet et qui peuvent être isolés, dans les campagnes. »

Mais son secteur à elle, c’est la Sorbonne, les 5e et 6e arrondissements. « Le ciblage est fait pas l’agence Liegey Muller Pons », explique Isabelle Donnay. Quel est le profil des habitants ? « C’est un panel représentatif… », explique la militante. Des non-convaincus ? « Oui, on essaie de convaincre ».

Marie-France Maniglier, journaliste retraitée, arrive. Sa vision de l’Union européenne ? « Je suis pour l’Europe, mais ça ne marche pas. On est trop nombreux à 27. »

Le duo peut commencer le porte-à-porte. Par ce temps radieux, Marie-France Maniglier propose plutôt d’interroger les passants dans le square. Puis en attendant qu’une porte s’ouvre, les marcheuses essaieront de heller les passants.

 

Equipées de leur téléphone portable, elles accèdent à un logiciel conçu pour leur mission, avec le secteur à arpenter – ce jour-ci, une portion précise de la Rue des Ecoles – , le questionnaire, ou encore un espace où elles indiquent le nombre de portes frappées, de portes ouvertes, et de questionnaires répondus. Lors de la séance précédente, les chiffres d’Isabelle Donnay étaient respectivement 34, 12 et 6. « On a aussi une application où tous les marcheurs peuvent communiquer. Un peu comme Messenger. »

Sur sept jours, Isabelle Donnay aura frappé à 152 portes, fait remplir 33 questionnaires et ajouté 30 contacts.

Elle interpelle – ou plutôt essaye d’interpeller – les passants dans la rue. « L’Europe touche même ceux qui sont dans la plus grande détresse, comme les SDF. On leur parle des Restos du coeur, qui reçoivent des subventions de l’Europe », enseigne-t-elle. Deux piétonnes acceptent de répondre au questionnaire.

Madeleine, étudiante en philosophie politique à La Sorbonne, n’est pas franchement convaincue par l’Union européenne.

Isabelle Donnay pose la première question : « Si je vous dit « Europe », ça vous fait penser à quoi ? »

_ Solidarité bafouée, attaque Madeleine. Ce qui déclenche un éclat de rire chez la militante, qui passe à la deuxième question : qu’est-ce qui ne marche pas en Europe ? Là encore, Madeleine répond cash.

 » Ce qui marche bien, c’est la fraude fiscale, et ce qui marche mal, sont les droits de l’homme. Je pense plus particulièrement aux migrants… » Isabelle Donnay note ses réponses sur son téléphone portable, sans argument à opposer à la sondée.

_ Et ce qui marche bien ?

_ La culture et les rencontres, tout ce qui est programme Erasmus, répond l’étudiante.

_ Je suis d’accord avec vous ! commente la militante, qui poursuivra sur « l’impact concret de l’Europe dans le quotidien » ou sur ce que devraient être les priorités de l’UE.

À la fin du questionnaire, Madeleine fait gentiment part de son avis critique sur la démarche d’En Marche :  » Je trouve le questionnaire trop simplificateur, il exclut les réponses complexes. Et je le trouve très biaisé, pro-européen.

_ On a pourtant laissé des questions ouvertes », se défend la marcheuse, ravie de ce débat. Isabelle Donnay saluera son interlocutrice d’un franc « Merci beaucoup, vous êtes très très gentille ! »

GEM 4

« Le plus dur, c’est d’entrer dans les immeubles ». La marcheuse affine petit à petit sa stratégie pour rencontrer les habitants. « Le midi, ils mangent, à 16h, ils sont occupés. Le mieux, c’est l’heure de l’apéritif », analyse-t-elle, en appuyant sur un bouton d’interphone.

« Qui est là ? »

– Bonjour, c’est Isabelle, de la République en Marche ! »

Mais l’interlocuteur a déjà raccroché.

Une autre, sans le vouloir, ouvre la porte d’entrée. Mais la militante, dans un geste évasif, la lâche. On ne peut plus entrer. Éclat de rire.

17h30, Isabelle Donnay accède enfin aux couloirs d’un immeuble, ouvert par une habitante rentrant chez elle. « Je crois qu’on l’a déjà fait », observe la marcheuse, qui frappe à toutes les portes. Un premier habitant refuse de répondre au questionnaire, « par pudeur ». Une autre est pressée.

« On fait parfois de belles rencontres, s’enthousiasme Isabelle Donnay. L’autre jour, on est tombés sur le peintre Jacques Hartmann ! Il nous a invités chez lui, c’était bien ! »

 

« On ne doit pas du tout influencer les gens »

 

17h40. Après 4 étages, 7 portes frappées, 2 ouvertes mais 2 refus, une habitante accepte – enfin ! – de répondre au questionnaire. Isabelle Donnay était déjà venue, mais avait interrogé son mari. Le couple l’invite dans leur salon. Après une entrée en douceur, où la discussion porte sur l’immobilier et la décoration de l’appartement, passage au questionnaire. Claude Delamarche est déjà une européenne convaincue. L’Europe ? « Indispensable », répond l’octogénaire. Mais quand on lui demande ce qui marche bien dans l’Union, elle part dans une longue réflexion. Isabelle Donnay propose : « Avec votre mari, on avait parlé du commerce… Mais je vous ai aidé ! », ajoute-t-elle en riant aux éclats. L’entretien aura duré une vingtaine de minutes.

18h. Fin du porte-à-porte. Isabelle Donnay aura rempli moins de cinq questionnaires. Mais l’humeur n’est pas à la performance : plutôt prendre le temps de rencontrer les citoyens, et se retrouver ensuite entre militants, pour un dernier « debrief ».

 

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