Si en pratique, l’égalité salariale est encore loin d’être atteinte, elle est établie dans le droit français depuis plus de quarante ans. Laurence Rossignol, ministre des droits de la femme, en a fait l’un de ses grands combats au cours du dernier quinquennat.
Le débat concerne, et a le mérite de rassembler toutes les sensibilités : au cours d’une séance de questions au gouvernement en novembre 2016, la ministre est huée par une partie –masculine- de l’assemblée, alors qu’elle répond à une question sur le sujet. Au cours de la journée, elle a reçu le soutien de nombreuses personnalités politiques, de Jean-Luc Mélanchon à Marine Le Pen.
Entre 2012 et 2014, le ministère des droits des femmes a impulsé un arsenal législatif important en faveur de l’égalité des sexes. Un texte daté de 2012 se concentre particulièrement sur la question des inégalités salariales. Les entreprises françaises sont désormais soumises à des sanctions financières lorsque l’égalité des salaires n’est pas respectée.
En moyenne, elles s’élèvent à 0,7% de la masse salariale. La loi prévoit aussi que les entreprises qui ne régularisent pas assez rapidement leur situation ne peuvent plus prétendre aux marchés publics. La peur des sanctions participe d’une mobilisation jusqu’à présent inédite dans les entreprises: accords et négociations se multiplient.
“La nécessité d’avoir des dispositions contraignantes envers les entreprises s’est imposée au fil du temps et a fait l’objet d’une succession de dispositions législatives”, analyse Jacqueline Laufer.
“L’Etat essaye aussi d’entériner un registre de justifications plus “positif” et plus “moderne” que celui du rattrapage des inégalités historiques. L’Etat associe donc l’égalité professionnelle et salariale à la correction d’injustices mais aussi à la performance économique pour mieux convaincre les entreprises.”
Tous les partenaires sociaux semblent donc aujourd’hui converger.
A la rentrée du gouvernement en septembre dernier, un bilan du ministère indiquait que plus de 2000 mises en demeure avaient été adressées à l’encontre d’entreprises. Près d’une centaine avaient été soumises à des sanctions financières.
Dans certaines entreprises, ces lois ont eu un effet direct et observable aujourd’hui dans les chiffres. “Les mesures mises en place dans les entreprises pour lutter contre les inégalités de salaires le sont à la suite d’obligations légales”, explique Julie Ruelle, membre du services RH d’Euronext bourse de Paris. Dans son entreprise, elle observe une baisse de 5 points de la différence entre salaire masculin et féminin, qui est passée de 18% à 13, un chiffre significatif dans un domaine traditionnellement très masculin. “Depuis 2010, des enveloppes compensatoires sont aussi accordée pour revaloriser les salaires féminins”, précise-t-elle.
L’Egalité salariale en France en 3 dates
Première apparition : en 1972, sous la présidence de Georges Pmpidou. Suivie de peu d’effets, elle est complétée en 1983 par la loi Roudy sur l’égalité salariale. Elle porte le nom d’Yvette Roudy, ministre des droits des femmes au cours du premier mandat de François Mitterand. Confiante sur un changement des mentalités des Français, la ministre estime alors devoir faire une loi avant tout « dissuasive ».
En 2010, une loi impose pour la première fois des sanctions significatives aux entreprises qui ne respectent pas l’égalité salariale. Pour la première fois, on s’oriente plus sur l’incitation que la sanction.
En 2012, une nouvelle loi sur l’égalité de salaire renforce les sanctions dissuasives à l’encontre des employeurs qui ne respectent pas l’égalité salariale, notamment avec des mesures d’imposition particulières.
Depuis la mise en place de la dernière loi, le nombre d’entreprises sanctionnées n’a cessé d’augmenter d’année en année. Un nouveau point cristallise désormais les tensions: le nom de ces entreprises n’est pas révélé, et ce malgré une demande de nomination portée par des associations féministes et certains députés, notamment l’écologiste Julien Bayou. C’est sur ce point qu’Emmannuel Macron prévoit d’agir au cours de son mandat.